Après la littérature mais avant le cinéma, le jeu vidéo est victime, presque tous les mois, de l'heroic-fantasy ridicule à force de sérieux. Alors, forcément, il arrive que des gens se chargent de lui tailler un costume à l'aide de titres acerbes, volontairement immoraux et parodiques. Overlord partage cette culture, qui de Simon The Sorcerer à Donjon Keeper en passant par The Bard's Tale, tape là où ça fait franchement du bien. Inspiré, Triumph Studio mène cette saillie grâce à un gameplay qui mélange du beat'm all barbare sans aucune finesse et de la micro gestion à la Pikmin joliment pensée. Sur dix heures de preview, ça passe, malgré des répétitions un peu inquiétantes.
L'Overlord, c'est vous. Enfin, normalement ça ne devrait pas. Mais vous vous êtes réveillé au bon moment, au bon endroit, avec la figure de l'emploi. Et vous voilà dans la peau de l'ancien maître du monde, dieu des ombres, roi des carpates, seigneur des damnés, bref, un vilain. Votre prédécesseur a été défait par sept héros et la grande cathédrale gothique qui lui servait de gîte, Narl, a également été réduite en ruine. Mais les sbires de l'ancien tyran y croient encore et vous incitent à remettre en état l'édifice et à tuer les sept inconscients qui ont osé massacrer leur maître. Les créatures, cousines des Gremlins, vous aideront autant qu'elles le peuvent. C'est peu dire que vous allez rapidement devenir dépendant de ces bestioles. Tout le principe d'Overlord est de les utiliser à la moindre occasion. Par défaut, elles vous suivent et vous imitent. Si vous engagez un combat, elles viendront naturellement vous défendre. Si vous tapez un mur friable, elles feront de même. Cependant, le contrôle direct de ces créatures reste préférable. En ce sens, même sur la version PC, le pad Xbox 360, ou tout autre manette qui dispose de deux sticks, est obligatoire, puisque vous dirigez les péons avec celui de droite. De cette manière il devient inutile de s'égratigner en combat : supervisez simplement les opérations à distance et conduisez directement vos créatures sur les ennemis, elles attaqueront automatiquement. Il en est de même pour tout un tas de besognes indignes de votre stature.
C'est d'ailleurs le coeur du jeu, ce qui lui donne ce petit côté Pikmin pas désagréable du tout. De nombreux mécanismes nécessitent un nombre défini de subalternes : pousser un tronc d'arbre qui obstrue le passage, tourner un engrenage pour ouvrir une porte, rapatrier les différentes pièces de Narl, et d'autre tâches du même genre. Ailleurs, vous devrez utiliser un type de créatures bien précis : les marrons pour le combat et les opérations standards, les vertes pour franchir des masses de gaz empoisonné, les bleues pour traverser les cours d'eau et les rouges pour aller au devant du feu. Evidemment il est possible de répartir les péons comme bon vous semble, et le level design encourage cette possibilité. Un bon exemple est le transport des pièces de Narl. Souvent, il vous faudra constituer deux groupes de péons : un qui convoie l'objet, un autre pour dégager le chemin (défendre les porteurs, activer les portes et ponts rencontrés...). A d'autres endroits, vous devez également les guider sur une autre voie que la vôtre afin qu'ils vous rejoignent plus loin. Un dispositif qui n'est pas sans rappeler Munch Odyssey. Pour augmenter la taille de votre escorte, il vous faut tuer et récupérer des âmes. Des sortes de puits vous autorisent alors à appeler autant de créatures que votre avancée dans le jeu vous le permet. Au tout début, seuls 5 sujets pourront vous accompagner. Ce nombre grimpera rapidement pour atteindre les 50. Par ce biais, les développeurs cloisonnent légèrement la progression du joueur, même si la structure même du titre est assez ouverte.
L'espace de jeu compte une dizaine de domaines, tous reliés entre eux. A leurs entrées se trouve un point de téléportation qui permet de revenir à Narl, à partir duquel vous pouvez à nouveau vous téléporter dans n'importe quelle zone. Dommage qu'on ne puisse pas "sauter" directement d'un endroit à un autre sans passer par Narl, mais rien ne dit que ce ne sera pas le cas dans la version finale. Dans chaque zone, un menu dresse toutes les quêtes disponibles. Après cinq heures de jeu, le titre peine déjà à se renouveler et c'est bien là le principal sujet d'inquiétude à propos de la version finale. Même s'il est assez plaisant de voir son cortège de petits monstres croître et mettre le souk sur son passage (on en parle juste en dessous), les mêmes mécanismes et les mêmes quêtes reviennent trop souvent. Pour rester dans le registre des défauts les plus importants et que l'on craint de retrouver dans 3 mois, l'Overlord est un peu trop passif, la faute à une panoplie limitée de mouvements et de solutions offensives : un seul coup contondant et une dizaine de magies. C'est sûr, ça n'aide pas le gameplay à éviter les répétitions.
Malgré tout, le jeu ne manque pas d'idées judicieuses, toutes axées en fin de compte sur votre petite troupe de créatures. Fort de posséder de vrais caractères, ces zouaves savent prendre des initiatives. Ils piquent les armes intéressantes sur les champs de bataille pour s'en servir, vous rapportent automatiquement or et âmes, évitent consciencieusement les terrains dangereux et se répartissent assez efficacement les ennemis s'ils sont en surnombre dans une bataille. C'est aussi un vrai délice que de les envoyer délibérément piller l'intérieur d'une maison ou dévaliser les étals d'un magasin. Vraiment osé, le titre collectionne les salves acide envers tous les poncifs du genre, et va jusqu'à s'attaquer aux icônes fantastiques les plus illustres, à l'image d'une licorne carnassière, maculée de sang et passablement folle à lier. Tous les amateurs de "Freak Movie" devrait se retrouver en terrain connu : ici les monstres ne sont pas ceux que l'on croit, et nos petits diables sont finalement beaucoup plus attachants et perspicaces que ne peuvent l'être ces villageois au courage proche de zéro.
Je concluerai ce petit journal de premières impressions avec un mot sur le visuel, qui m'a vraiment charmé. S'il n'y a aucune performance technique et que plusieurs copier-coller de PNJ trahissent une version encore en développement, l'ensemble est digne de ce que l'on peut attendre en 2007 d'un jeu Xbox 360. Notre version n'était pas tout à fait fluide et souffrait de quelques bugs et clippings grossiers. De même, certains intérieurs sont trop pauvres. Toutes ces faiblesses seront sans doute résolues d'ici le mois de juillet. En attendant, le titre s'apprécie déjà grâce à une direction artistique proche de Fable, de jolis effets de lumières et une modélisation assez détaillée.