Voilà une extension bien contrariante pour le testeur. En fait, il n'y a pas matière à rédiger abondamment. Phenomic nous soumet ce que l'on attend, au pire, de ce genre d'add-on : la nouvelle campagne solo et ses unités originales, les quelques cartes multijoueurs supplémentaires, et de menus ajouts par-ci par-là. Les Allemands le font bien, sans révolutions ni précipitation, donc sans changements sur le fond. Chronique d'une proposition réussie, bien que prévisible et limitée par un gameplay qui commence à accuser son âge.
Si on devait réprimander un seul "talent" de Phenomic, qu'il n'a pas chahuté avec Dragon Storm, c'est bien ses prétentions narratives. Encore une fois, hélas, les designers ne semblent pas s'être rendus compte que leur univers était uniquement fait de déjà-vus. Dragons, peuple maudit oublié, héritages, héros amnésiques, histoires d'élus... bâillements. Et, au lieu de nous épargner les détails et de nous demander rapidement notre participation dans une énième guerre entre le bien et le mal, les voilà nous ressortir le background à la moindre occasion : dans les longs dialogues (dont on a que faire), pendant les chargements (que l'on ne lit pas) ou les cinématiques (qui sentent le sous-Seigneur des Anneaux à plein nez). Le pire, c'est que toutes ces oraisons gonflantes sont menées avec un sérieux qui prête à sourire.
Alors, bon, en gros, il s'agit de l'invasion d'une horde barbare et d'un peuple ancien, les Shaikans, qui auront l'occasion de les bouter manu militari. Heureusement, la campagne en question ne souffre pas de problème de rythme ou de mollesse. C'est d'ailleurs la principale raison de se réjouir à propos de Dragon Storm. Plus difficile, plus nerveuse que Shadow Wars, l'extension l'est dès les 3 premières missions, avec notamment un siège assez dantesque qui mêle efficacement un peu de STR et une bonne grosse claque hack'n slash. Cette composante domine d'ailleurs assez largement les 11 cartes proposées, on vous laisse très rarement assez de temps pour installer un gros campement et une armée affiliée. Ce n'est pas pour déplaire : grâce à des objectifs assez sympa et toujours explosifs, cette campagne solo parvient efficacement à nous relancer pendant une vingtaine d'heures. Mais ce n'est pas sans regretter régulièrement que le fond n'ait pas été mis à jour...
Le gameplay du premier Spellforce était une mécanique si bien huilée que seules quelques révisions lui permirent de se représenter quasiment tel quel l'année dernière, avec un Shadow Wars tout à fait estimable. Seulement voilà, des STR aussi bon que Paraworld ou Company Of Heroes et le nouveau baron du hack'n slash, j'ai nommé Titan Quest, ont depuis fait leur apparition. Le titre de Phenomic, qui ne fait que recycler ses acquis dans cet add-on, souffre logiquement de la comparaison. Des défauts criards nous sautent à la figure alors qu'on les voyait à peine auparavant. L'intelligence artificielle, par exemple, est vraiment navrante, en témoigne l'escorte de nains mineurs, fil conducteur de la première partie de votre périple. Incapable de se comporter efficacement pendant les mouvements de foules, insouciants comme des scouts qui vont couper du bois en sifflant du Nino Ferrer, ces petits gars nous rejouent Blanche Neige en plein massacre. Le pathfinding est également à revoir. Combien de fois mon personnage principal a tenté une percée imbécile pour battre en retraite alors qu'il lui suffisait de faire le tour ? Si ça ne passe pas, ça ne passera pas plus en forçant, l'ami.
Cette impression de ne pas avoir totalement le contrôle de la situation est aussi présente avec le système click'n fight pendant les grosses batailles. Rappelez-vous le principe de ce mécanisme : cliquer directement sur un adversaire puis assigner le pouvoir magique que chaque héros doit utiliser sur cette unité. Comme cette extension fait la part belle aux vagues abondantes d'ennemis, sélectionner les unités adverses à la chaîne est une tâche assez ingrate, surtout que les agglomérats de combattants sont toujours confus. On finit par utiliser le click'n fight uniquement sur les ennemis les plus puissants. C'est fort dommage car les pouvoirs magiques sont des bonus offensifs considérables. Ne pas les utiliser au maximum, c'est se priver d'un véritable atout. Au rayon des défauts que l'on aimerait ne plus voir, citons enfin un inventaire poussif (aucun tri par exemple), quelques bugs comme des murs que les flèches des archers peuvent traverser, ou un système de sélections multiples assez perfectible.
Cela dit, Phenomic a tout de même passé suffisamment de peinture fraîche pour que ça ne sente pas le vieux. Outre le côté plus rugueux et hack'n slash de la campagne solo, les nouvelles compétences apportées par les Shaikans, plutôt de l'invocation, permettent de surprendre son adversaire avec une pointe de tactique. Évidemment, l'apparition des Dragons à nos côtés fait toujours son petit effet. Visuellement, force est de constater que ce moteur propriétaire tient encore bien la route, et se permet même quelques nouveaux environnements parmi les plus adorables aperçus cette année. Pour conclure avec le multijoueur, il est peu probable que vous vous épreniez pour la Forteresse De Décisions, simple resucée light du mod Aos de Warcraft 3, en beaucoup moins bien. Par contre les 6 autres cartes, dont une arène à l'agencement très pertinent, devraient vous offrir bien du plaisir. Pas la peine de poursuivre, Dragon Storm conclut convenablement l'existence du Spellforce sous la forme qu'on lui connaît depuis quatre ans, mais il faut espérer que Phenomic ne fera pas l'erreur de sortir encore une extension avant un éventuel 3ème épisode. Ce serait à coup sûr de trop.
- Graphismes15/20
Mine de rien, le moteur de Spellforce est sans aucun doute l'un des plus performants et des plus optimisés de ces deux dernières années. Toujours dans la course grâce à certains environnements enchanteurs, Dragon Storm se permet de tourner impeccablement sur la plupart des machines.
- Jouabilité14/20
Spellforce 2 est victime de la loi de l'évolution : difficile de lui pardonner ses nombreuses imperfections comme une IA sommaire, un pathfinding déficient ou le système de click'n fight qui montre ses faiblesses dès qu'il y a beaucoup d'unités adverses. Cependant, il faut reconnaître que l'on s'éloigne difficilement de Dragon Storm. Plutôt hack'n slash que STR, la campagne solo est plus difficile et brutale que celle de Shadow Wars. En prime, les Shaikans sont des anti-héros comme on les aime, bourrés de nouvelles compétences. Et puis, les dragons, c'est le bien, n'est-ce pas ?
- Durée de vie15/20
Très bon point de ce côté-là avec une vingtaine d'heures pour la campagne solo et sept cartes multijoueurs qui ne s'épuisent pas en trois parties. On attendait pas moins de Phenomic, qui nous a toujours habitué à une certaine générosité.
- Bande son12/20
Il y a du mieux dans les voix françaises par rapport à Shadow Wars, ça sonne plus professionnel. Les musiques ont subi quelques légères variations mais insistent toujours dans le style grosses caisses et trompettes. Ca ne jure certainement pas avec l'orientation plus rentre-dedans de l'add-on.
- Scénario8/20
Au bout du deuxième dialogue, on décroche déjà, noyé sous une accumulation de stigmates heroïco-fantastiques abscons, et traités avec un sérieux désolant. Désolé, je ne peux pas, c'est presque aussi barbant que du David Eddings.
Dragon Storm est ce qu'on appelle, pardonnez-moi, un joli petit lot. Le contenu de la nouvelle campagne solo est généreux. La difficulté exacerbée et le rythme soutenu permettent de ne pas s'ennuyer malgré une prédominance du hack'n slash sur le STR, ce qui pourra en agacer certains. Par contre, il faut encore supporter une heroic-fantasy franchement pesante à force de banalités, et vampirisée de surcroît par le sérieux risible des dialogues ou des cinématiques. Autre problème, plus grave celui-là : après les passages de Company Of Heroes ou Titan Quest, le gameplay de Spellforce, qui n'a pas fondamentalement changé depuis 2003, a tendance à se montrer limite sur pas mal de domaines. Allez, une dernière (extension) pour la route et on arrête !