Enchanted Arms est le premier vrai RPG à arriver en Europe sur la Next Gen de Sony, quelques mois après son passage sur Xbox360. Le joujou de From Software est donc le seul palliatif actuel pour qui ne jure que par les montées de niveaux, la gestion de l'équipement ou le sauvetage en règle de l'univers. Malheureusement, malgré ajouts (cinématiques inédites, une trentaine de Golem supplémentaires, quelques mini-jeux et une utilisation complètement anecdotique de la manette SIXAXIS), la version PS3 n'apporte rien de bien original. Cependant, il reste tout de même un RPG intéressant malgré de grosses errances dans sa construction.
Nonobstant la notoriété de From Software, cette société est surtout connue pour sa série phare, Armored Core, qui n'a pas vraiment de lien de parenté avec le genre RPG. D'ailleurs, on signalera que le développeur nippon n'est pas coutumier de ce style de jeu. Passé la série des King's Field (ouille) et Evergrace (aie), autant dire que From Software fait un peu office de challenger du pauvre, surtout face à la société géométrique que tout le monde connaît mais dont on ne doit pas citer le nom. Enchanted Arms ne doit pourtant pas être mésestimé dans le sens où il fait office de manne providentielle pour l'amateur qui désire passer quelques nuits blanches sur sa PS3. Le concept est donc simple comme bonjour : ce RPG sera taillé pour un large public en simplifiant au maximum tout ce qui peut être simplifié et en reprenant quantité de gimmicks issus des mangas ou des animés. Surprenant à bien des égards, Echanted Arms ne manque donc ni de charme ni d'intérêt et se laisse déguster pour peu que vous ayez l'esprit un peu ouvert.
A ce titre, il convient de préciser en tout premier lieu que le bébé de From Software peut-être assimilé à Shadow Hearts en cela qu'il mêle drame et humour. Cependant, le tout reste bien plus conventionnel, posé et moins second degré que le chef-d'oeuvre de Nautilus. En fait, une grande partie des situations comiques provient ici de vos rencontres ou des réactions de Atsuma, le héros principal, légèrement idiot mais recélant pourtant au fond de son être un immense pouvoir, source de malheur et de souffrance. Le mélange peut paraître paradoxal mais il s'inscrit au final dans un style "Shonen" dont Fly, Suikoden III ou Dragon Ball sont les porte-parole. Cependant, on regrette d'emblée que le scénario ne soit pas plus ambitieux et ne cherche pas vraiment à s'émanciper de ses innombrables modèles. Au final, on pourrait résumer le synopsis du titre comme une lutte entre Atsuma et la sorcière des glaces qui est bien décidée à élever sa suprématie au niveau mondial. Pourtant, je ne serai point catégorique sur cet aspect vu qu'après une quinzaine d'heures, je n'en suis qu'à 25% du jeu. On espère donc que les quelques flash-back nous montrant un Atsuma surpuissant (rappelant quelque peu la dernière transformation de Dart dans Legend Of Dragoon) ou le statut de Golem de la sorcière sauront rendre le scénario un peu plus intéressant par la suite.
Malgré tout, nous voici au début de notre chemin de croix. La route sera longue, les épreuves nombreuses mais divers alliés nous tendront une main généreuse en nous aidant à surmonter le poids de notre destin. Si nous débutons l'aventure avec deux amis étudiants rencontrés dans une fac rappelant fortement celle de Galbadia (Final Fantasy VIII), des circonstances tragiques nous obligeront à nous séparer d'eux très rapidement. Bien sûr, cette séparation ne sera que les prémices de notre véritable périple qui débutera réellement une fois que nous aurons fait la connaissance, en prison, de la princesse Karin et de son garde du corps, Raigar. A partir de là, les péripéties s'enchaînent tout comme les environnements et les monstres qui vont de paire. Bien que la progression reste linéaire (dans la veine d'un Final Fantasy X), elle a le mérite d'aller droit au but en ne perdant pas trop de temps. Enfin, tout est relatif puisqu'un des premiers problèmes du soft vient de certains de ses dialogues, soporifiques au possible et désespérément longs au regard de ce qu'ils nous apprennent. On attendra donc beaucoup plus des cinématiques en CG (superbes) ou des face-à-face avec les protagonistes principaux pour glaner quelques précieuses informations. J'en profite pour signaler que si le titre n'est pas localisé en Europe, vous aurez droit, en plus des dialogues textuels, aux voix japonaises ou anglaises. Bonne initiative, même si dans le cas présent, il faut vraiment se faire au doublage japonais d'Atsuma qui est proprement insupportable. Certes, cela correspond bien au tempérament du personnage mais c'est tout de même horripilant. Pour ma part, j'ai donc opté pour le doublage US (de bonne qualité), ce qui est assez rare pour être signalé.
Dans tout ça, je ne vous ai pas encore parlé du gameplay. Eh bien, si on retrouve une progression classique, la gestion des armes et des objets est un peu plus singulière. En fait, vous ne trouverez jamais de marchands qui sont ici remplacés par des cristaux. C'est par ce biais que vous pourrez vendre ou acheter des objets (de soin, de mana, des antidotes), des techniques de combat (si toutefois vous avez assez de TB, obtenus à l'issue de chaque bataille) ou des pierres vous servant à synthétiser de nouvelles armes. En gros, avant de pouvoir acquérir celles-ci, il vous faudra jouer l'apprenti sorcier en mixant divers matériaux. D'ailleurs, ces pierres vous serviront également à créer des familiers autrement appelés Golems. Ainsi, à l'image d'un Shin Megami Tensei ou d'un Jade Cocoon, vous pourrez créer vos propres compagnons de route puis les incorporer dans votre petite troupe. Par contre, pas de fusions dans le cas présent mais la possibilité de faire évoluer les caractéristiques de vos monstres. Très bonne idée d'autant qu'il y a une centaine de créatures à découvrir, la plupart du temps après les avoir battues au moins une fois. Par contre, notez qu'à l'inverse de la version Xbox 360, vous ne pourrez pas affronter d'autres joueurs sur le Live en faisant combattre vos Golems. Un peu fort de café !
En parlant de combats, arrêtons-nous un instant sur ces affrontements aléatoires se déroulant au tour par tour et qui rappellent fortement ceux de Megaman Battle Network. Bien que vous puissiez opter pour un déroulement automatique, il sera tout de même plus intelligent de s'occuper manuellement de rentrer vos commandes pour une efficacité optimale. Ainsi, une fois qu'un combat s'engage, vos quatre personnages apparaissent sur une surface composée de cases et scindée en deux parties, l'une étant réservée à votre groupe, l'autre aux ennemis. La suite de la manoeuvre consistera alors à bouger vos héros dans la limite des cases proposées puis d'attaquer un ennemi, ou d'utiliser un objet. L'inconvénient est qu'il faudra prendre en compte la portée de vos attaques et le placement des adversaires. Par exemple, Atsuma dispose de l'attaque Flare Rush, puissante mais ne disposant que d'une case de portée. De fait, sachant que vos personnages ne peuvent pénétrer sur l'aire de jeu des ennemis, vous devrez placer Atsuma de sorte qu'il se trouve juste devant un monstre afin de toucher ce dernier. Vous pourrez aussi réaliser des combos avec vos comparses pour peu que vous les fassiez attaquer le même ennemi. Si mon explication peut sembler hasardeuse, le système est très simple à assimiler et se veut plutôt intéressant. Vous devrez donc choisir judicieusement vos compagnons, en fonction de leurs techniques, de leur type de portée (horizontal, en croix, etc.), des éléments liés à leur équipement ou tout simplement de leurs caractéristiques que vous pourrez bien évidemment booster au fur et à mesure.
Si la difficulté est bien gérée, pour peu qu'on synthétise souvent des armes, qu'on n'oublie pas de dispatcher les Skill points pour gonfler les aptitudes de nos persos ou apprendre des techniques, il reste plusieurs petites choses très irritantes. Il est ainsi difficile de comprendre pourquoi les développeurs n'ont pas permis aux joueurs d'utiliser des objets ou sorts de soin en dehors des batailles. Certes, tous les combattants retrouvent la plupart du temps tous leurs points de vie à la fin d'un combat mais il arrive parfois que ce ne soit pas le cas. Les solutions s'offrant à nous seront alors de changer de personnage, d'essayer de trouver un cristal régénérateur ou de commencer un combat pour utiliser un objet ou une magie. Dommage également qu'un personnage ne puisse utiliser un objet autrement que sur sa propre personne ou qu'il soit impossible de ressusciter un héros tombé au champ d'honneur. Enfin on regrettera de ne pouvoir switcher entre les divers membres du groupe (limités à quatre durant une bataille) à la manière d'un Final Fantasy X. Bien que ceci renforce l'aspect stratégique des affrontements, c'est un peu lourd au final. Néanmoins, la possibilité de sauvegarder n'importe où (chose commune sur PC mais peu usitée sur consoles) ou de recommencer un combat une fois mort, nous évitera bien des désillusions, surtout contre les boss.
En conclusion, Enchanted Arms est un véritable patchwork d'influences en provenance de différents médias (jeux vidéo, manga, anime) et si From Software a réduit les risques en jouant la carte de la sécurité, le résultat a le mérite de s'adresser à un large panel de joueurs, confirmés comme néophytes en matière de RPG. Maintenant, il faudra se faire au bestiaire particulièrement étrange ou à son héros manquant singulièrement de charisme. Techniquement, le soft ne s'en sort pas trop mal avec quelques superbes environnements ou une mise en scène dynamique lors des combats. Pourtant, on se rend compte que les effets spéciaux sont peu nombreux, que beaucoup de techniques se ressemblent visuellement et que quelques écueils auraient pu être évités à l'image des écrans noirs visibles entre le moment où on est sur une berge et celui où on rentre dans l'eau. Nous sommes sur PS3 que diable et ce genre de détails est difficilement acceptable. Partageant le même état d'esprit que Popolocrois PSP, Enchanted Arms se laisse suivre sans pleinement convaincre. Parfois stimulant, souvent déroutant, voici bien un RPG qui ne mettra pas tout le monde d'accord malgré d'évidentes qualités.
- Graphismes13/20
En plus de somptueuses cinématiques en images de synthèse, Enchanted Arms affiche aussi bien quelques superbes environnements que des décors vides et sans âme. Les effets spéciaux sont loin d'être bluffants mais la mise en scène des combats est dynamique et bénéficie de cadrages stylisés. Dommage que le bestiaire soit si peu convaincant et qu'Atsuma ait un design si disgracieux.
- Jouabilité13/20
Les affrontements sont parfois lourds (malgré la possibilité d'accélérer les attaques spéciales) et il faut se faire à l'aspect stratégique de ces derniers qui se base un peu trop sur la portée des attaques. Le fait de ne pouvoir utiliser des objets en dehors des batailles ou de ressusciter un compagnon mort durant un combat est un peu rude, mais la création de Golems est un gros plus même si elle reste moins intéressante que celle des Shin Megami Tensei.
- Durée de vie14/20
Le jeu est globalement très facile mais prenez tout de même le temps de créer et d'entraîner les Golems les plus puissants. De plus, n'oubliez pas de booster vos armes et caractéristiques pour ne pas subir d'amères désillusions. Après une quinzaine d'heures, j'en suis à 20% du jeu ce qui augure une durée de vie relativement correcte. Par contre, il est dommage que la possibilité d'affronter les Golems d'autres joueurs par le biais du Live soit absente de la version PS3.
- Bande son14/20
Les musiques sont assez moyennes avec un thème de combat un peu trop "cuivré". A l'inverse, les morceaux sont trop effacés lorsqu'on trace la route. Le choix entre le doublage japonais et anglais n'a pas été oublié mais compte tenu de la nature "adolescent turbulent" d'Atsuma, je vous conseille de réfléchir à deux fois avant d'opter pour les voix nippones.
- Scénario12/20
Cette note s'appuie uniquement sur ce que j'ai vu. De fait, si l'histoire va droit au but, le début du jeu est très conventionnel et peu inspiré. Quelques scènes tragiques, une sorcière aux immenses pouvoirs et des personnages stéréotypés. Néanmoins, le background du soft, avec le passé brumeux d'Atsuma ou l'influence de la guerre des Golems ayant modifié le visage du monde, peut donner lieu à une évolution significative du synopsis. A vérifier.
Enchanted Arms a ce petit quelque chose qui ne laissera pas indifférent le joueur désireux de vivre une grande aventure. Certes, le tout n'est qu'un mélange de plusieurs jeux avec des personnages et situations mille fois rencontrés mais le résultat n'est pas déplaisant malgré une mise en scène très molle. Les quelques lourdeurs du système de jeu pourront agacer, tout comme l'absence de localisation, mais c'est le prix qu'il faudra payer pour pouvoir enfin goûter au premier vrai RPG japonais sur PS3.