Le retard concédé par la PS3 en Europe a été handicapant à plus d'un niveau. Mais s'il est un titre qui souffre plus que les autres de ce décalage, c'est bien Formula One. Proposé dans une version malheureusement déjà obsolète et ne concernant pas la saison en cours, le titre pourtant exclusif à Sony n'a pu profiter des mois qui ont séparé ses sorties nippones et européennes pour corriger le tir, ne serait-ce que partiellement. Toutefois, la présence du Sixaxis et d'un mode Online vont tenter de le différencier de son homologue PS2.
Tout amateur de F1 vous le dira. Jouer à un Formula One qui a une année de transferts, de règlements et de calendriers de retard, c'est un peu faire un pas en arrière et ne pas profiter d'un réalisme total concernant une discipline qui change fondamentalement d'une saison à l'autre. Débutée la semaine dernière, la nouvelle saison de F1 n'a plus grand-chose à voir avec la précédente, pourtant seule à être représentée ici-même. Du coup, on incarne un Alonso chez Renault, un Raikkonen chez McLaren et les petits nouveaux que sont Kovalainen ou Hamilton ne sont évidemment pas au rendez-vous. A ce niveau identique en tout point à la version PS2, l'opus PS3 a cependant quelques exclusivités pour lui. La première d'entre elles, le mode Online jusqu'à onze utilisateurs, promis puis finalement sucré sur PS2. En revanche, disparition d'un mode deux joueurs Offline, ce qui est du domaine de l'incompréhensible. Côté détails, une vue supplémentaire fait son apparition (au-dessus du pilote, décalée sur le côté) et le tour de formation gagne en utilité puisqu'il est désormais possible de faire monter la température des pneumatiques afin d'être compétitif le plus rapidement possible et d'avoir un bon grip dès les premiers tours.
Déconcertante dans un premier temps puis agréable après de nombreuses heures de pratique, la jouabilité comporte son petit lot de qualités et de défauts qui en font un aspect très compliqué à évaluer. On retrouve donc les éternelles imperfections et les trop fréquentes carences habituelles de la série qui nous font bondir de colère à force d'y être confrontés d'une année à l'autre. On parle ici de l'IA qui a tendance à oublier trop vite qu'elle fait face à un joueur humain qui n'emprunte pas constamment la trajectoire idéale et qui peut, dans une chicane, manquer son freinage ou passer moins vite que prévu. En effet, l'exemple le plus flagrant est le circuit de Monaco, quasiment injouable puisque l'on est mis sous pression du début à la fin d'une course. Nos poursuivants n'ont que faire de nos hésitations et nous rentrent joyeusement dedans à de nombreuses reprises. Sur les autres circuits, le constat n'est pas forcément le même puisque l'on s'aperçoit que l'IA a de meilleurs réflexes mais qu'elle ne maîtrise pas encore chaque aspect d'un GP. Par exemple, lorsqu'un drapeau jaune est agité, un concurrent se trouvant devant nous dans une longue ligne droite, à plus de 250 km/h freinera d'un coup sec pour réduire sa vitesse de façon immédiate sans se soucier du trafic (nous en l'occurrence). Bien souvent, l'accrochage ne peut être évité.
Toujours concernant les défauts, on notera un calibrage chaotique de l'analogie des touches d'accélération et de freinage. Pour tirer un maximum de puissance de la voiture, on doit s'écraser le pousse sur le pad afin d'être sûr d'atteindre le plein régime. Complètement inutile et surtout très difficile à supporter sur la longueur d'un Grand Prix. Si le freinage utilise le même système, il s'avère tout de même beaucoup moins handicapant et plus judicieux en fonction de l'importance du virage ou de la courbe. Pourtant, si l'on décide de freiner tardivement (à la manière de M.Schumacher, pour profiter de la vitesse de pointe de sa voiture), on est vite décontenancé de voir le véhicule stopper net, moteur quasiment éteint, si l'on a désactivé l'anti-blocage des roues pour plus de réalisme. Désagréable. Enfin, en vue intérieure, attendez-vous à des va-et-vient intempestifs de la caméra, censés reproduire les G latéraux encaissés par le pilote. Un aspect dérangeant au départ que l'on finit par oublier rapidement, en pleine concentration. Le dernier défaut majeur qu'il faut retenir est l'absence totale d'impression de vitesse en vues extérieures. Ces deux vues (il y en a cinq au total) sont certes, jouables (encore que, la voiture tangue trop facilement d'un côté à l'autre de la piste) mais procurent un plaisir égal à zéro. Optez donc plutôt pour l'une des deux vues intérieures (au dessus du casque du pilote ou carrément à la place du pilote) ou pour la caméra sur l'aileron avant pour de meilleures sensations.
Le jeu n'a pas que des défauts, évidemment. La première de ses qualités est de proposer un pilotage moins saccadé qu'avant, plus en mouvements et donc plus réaliste. La sensibilité de la direction se rapproche davantage de l'angle de braquage offert par une monoplace, ce qui fait qu'une simple pression sur une croix directionnelle ou sur le stick analogique ne suffit plus à changer littéralement la trajectoire de la voiture, et heureusement. L'autre point fort du jeu est de parvenir à reproduire plus précisément le comportement des F1, au contact de différentes surfaces bordant le circuit d'une part (l'herbe ou les graviers par exemple) et en fonction des problèmes découlant de légers accrochages d'autre part. Autre plus, la difficulté revue à la hausse et la distribution quasi systématique de pénalités (au lieu de stop and go, notre voiture est ralentie un certain temps en fonction de l'infraction) si l'on tente de couper une chicane pour glaner quelques dixièmes de seconde, voire une place au classement. Enfin, l'interactivité avec le stand est vraiment très utile et particulièrement fonctionnelle. Pour commencer, on entend beaucoup mieux l'ingénieur, les grésillements des liaisons radio ayant été revues pour assurer une transmission plus claire et audible. Ensuite, les informations qu'il dévoile nous permettent de rester concentrés sur la piste, sans avoir besoin de jeter un oeil aux innombrables informations disposées aux quatre coins de l'écran. Il intervient régulièrement pour nous informer de l'évolution de nos temps dans les différents partiels, de la température et l'usure des pneus, de la présence de drapeaux jaunes et du temps qu'il nous reste avant d'observer notre prochain pitstop.
Abordons maintenant en détails les modes de jeu offerts par le titre. Si vous passerez très rapidement sur les courses rapides et même sur les week-ends de Grand Prix, vous vous attarderez sans doute davantage sur le Championnat du Monde ou le mode Carrière pour ce qui est du solo et le Online pour ce qui est du multi. Le mode carrière, particulièrement attractif, propose une progression constante et réaliste, vous faisant débuter en tant que pilote inexpérimenté. Muni d'un agent aux petits soins, votre premier objectif sera de faire des essais avec des équipes de fond de grille (Toro Rosso, Super Aguri et Midland la plupart du temps) et de signer votre premier contrat. Si vous réussissez les tests, vous serez engagé comme premier pilote de l'écurie et aurez des objectifs bien précis. Le premier sera de terminer devant le deuxième pilote, le second d'atteindre une place donnée en qualification et le dernier de finir à telle ou telle place dans le championnat du Monde. Si la réussite est au rendez-vous, vous parviendrez alors petit à petit à attirer l'oeil avisé d'un top-team afin d'embrasser une carrière à la Alonso ou Raïkkonen, tous deux passés par des écuries mineures pour devenir les pilotes les plus talentueux de leur génération. Le tout sera évidemment ponctué par la réception d'e-mails et par quelques articles de journaux dans lesquels votre nom sera régulièrement cité.
Si Formula One 06 reste arcade tout en faisant la moitié d'un pas vers la simulation, il se veut avant tout accessible à tous. De nombreuses aides au pilotage (direction, freinage, contrôle de stabilité, aides visuelles, réinitialisation de la position de la voiture, anti-blocage des roues) permettent aux néophytes de maîtriser progressivement la monoplace. Evidemment, toutes ces aides sont complètement inutiles pour un joueur confirmé. De plus, de nombreux réglages de caméras sont disponibles afin de coller à votre vision d'une course à la place d'un pilote : déplacement de la caméra, effet de flou, zoom, vibration de l'écran. Enfin, si vous êtes connaisseur en la matière, vous pourrez régler tout un tas de paramètres : type de pneus, gomme, antipatinage, ailerons, suspensions, carrossage, pincement, hauteur de caisse, anti-roulis, amortissement, étagement de boîte, répartition du freinage, etc. Pour terminer, notez que l'on peut évidemment choisir sa stratégie de course (nombre d'arrêt(s), quantité d'essence au départ) et que toutes les usures sont proportionnelles au nombre de tours que l'on sélectionne (en pourcentage du nombre de tours réels du circuit). Le jeu est donc entièrement personnalisable et ne commet pas l'erreur de choisir une voie pour la conserver de bout en bout et risquer de déplaire à un certain nombre de joueurs...
Parlons maintenant du pilotage original qu'offre le Sixaxis si l'on fait le choix risqué de paramétrer les commandes à l'aide de la reconnaissance de mouvements du pad PS3. A l'instar de la plupart des jeux du lancement qui proposent ce type de gameplay, les sensations ne sont clairement pas bonnes et l'imprécision du braquage ne permet à aucun moment de pouvoir appréhender les courbes des tracés sans risquer à tout instant d'aller goûter le gravier. L'angle de braquage insuffisant est bien loin de ce qu'offrent de véritables F1 puisqu'il s'arrête à 90 degrés alors que les chicanes les plus serrées nécessitent un braquage de près de 180 degrés. Au fil des heures de pratique, l'anticipation permet de corriger très partiellement ce souci mais il est utopique de penser pouvoir réaliser des chronos aussi compétitifs qu'en mode classique. Certains volants très basiques et peu adaptés au pilotage d'une monoplace offrent même de meilleures garanties. Comme on pouvait le craindre, le Sixaxis est, pour l'instant, davantage un gadget mal utilisé et certainement objet d'une moindre attention de la part des développeurs. Dommage car ce titre est certainement l'un de ceux qui ont besoin d'originalités comme celle-ci pour sortir un peu la tête de l'eau, d'autant que son côté arcade le permet largement.
- Graphismes14/20
Très inégale à ce niveau-là, cette version PS3 mise surtout sur les effets de vitesse pour se démarquer des précédents titres de la série. Si les seconds plans sont souvent fades et techniquement limités, les monoplaces sont très détaillées et contribuent à rendre le jeu réaliste et immersif.
- Jouabilité14/20
Au premier abord, Formula One 06 surprend dans le mauvais sens. Puis, après avoir pris en main ce gameplay assez particulier, on parvient à éprouver beaucoup de plaisir à enchaîner les tours et à faire descendre le chronos. De nombreux défauts persistent cependant (analogie de la touche d'accélération et freinage trop brutal en tête) et nous ramènent vite sur terre, notamment à cause de l'IA, pas totalement au point. Finalement, seule la pratique vous fera aimer le jeu qui a tout de même franchi un palier. Le Sixaxis n'apporte rien de bon de son côté.
- Durée de vie13/20
Le mode carrière est prenant et les nombreuses configurations de courses donnent accès à des plaisirs divers et variés, que l'on soit amateur ou accro à la discipline. La présence d'un Online accueillant jusqu'à onze utilisateurs est indispensable dans la mesure où le Offline est dénué de toute possibilité multi. Toutefois, le fait de ne jouir que du contenu 2006 en rebutera plus d'un...
- Bande son12/20
On appréciera les sonorités des moteurs très différentes d'une voiture à l'autre et les interventions opportunes de notre ingénieur. De son côté, le commentateur (inconnu au bataillon) a beaucoup plus de mal à rendre la course passionnante. Robotisé, il est bien loin d'atteindre un niveau correct et s'adresse directement au pilote plutôt qu'à de potentiels téléspectateurs.
- Scénario/
Le contexte très difficile des reports de la sortie européenne de la PS3 a joué un bien mauvais tour à l'équipe de développement de ce Formula One. Pris entre deux feux, ceux-ci n'ont pu ni développer un nouveau titre ni le proposer assez tôt pour ne pas subir les effets du décalage temporel des saisons 2006 et 2007. Si le Online apporte indubitablement, le Sixaxis rate le virage et l'absence d'un mode deux joueurs en décevra plus d'un. Pourtant, le jeu se veut immersif au possible et ne peut être considéré comme un échec en soi. Mais le véritable lancement de la série sur PS3 se fera plus tard.