Avec plusieurs retards successifs, la version PC de Resident Evil 4 se sera faite attendre, désirée même dans le sens où on pouvait se dire que cet atermoiement aurait pu être un doux signe du destin concernant une adaptation digne de ce nom. Et puis, tel un réveil brutal, Capcom se décide enfin à tambouriner à notre porte pour venir jeter à nos pieds le résultat de plusieurs mois (semaines ? jours ?) de travail. Verdict sans appel renvoyant à ceux d'Onimusha 3 et Devil May Cry 3 Special Edition : RE 4 rejoint le rang des accusés et écope d'une peine de sursis. Début de la plaidoirie...
Peut-on encore être surpris par la méticulosité avec laquelle Capcom s'évertue à détruire sur PC ce qu'elle a mis si longtemps à construire sur consoles ? Objectivement : non, car après les fiascos qu'ont été Onimusha 3 et le troisième épisode de Devil May Cry, la firme japonaise récidive une fois de plus avec le chef-d'oeuvre acclamé par tous : Resident Evil 4. Ainsi, si on retrouve le contenu de la version PS2 (le mode Separate Ways qui, tout comme Ada Assigment, vous permet de diriger la belle Ada tout au long de cinq missions et d'obtenir des costumes inédits) pour un petit prix de vente situé aux alentours de 30 euros, comment ne pas en vouloir aux développeurs qui ont souillé la perfection faite pixels, le renouveau du survival-horror qui est ici rabaissé au rang de jeu d'action mal optimisé, mal localisé ?! Difficile en effet d'être indulgent sachant qu'à chaque conversion PC, c'est la même chose. On y croit dur comme fer, on se dit que Capcom a enfin tiré parti de ses erreurs et que cette fois, ce sera la bonne. Mais non, rien n'y fait, et au final on secoue la tête en signe de désapprobation, on grince des dents en constatant l'ampleur des dégâts même si dans le cas présent, on parvient tout de même à capter quelques émanations ludiques laissées par le fantôme d'une oeuvre d'exception.
Le synopsis nous conte ainsi l'histoire de Leon S. Kennedy (introduit dans Resident Evil 2) qui est mandaté par le président des Etats-Unis pour aller secourir sa fille Ashley, kidnappée par un groupuscule ayant trouvé refuge en Europe. Si le tout fait quelque peu penser au scénario de New-York 1997, il n'en reste pas moins que c'est peu crédible et que ça donne dans le déjà-vu. On pourra alors se dire que la présence d'Ada (personnage qui avait noué contact avec Leon dans Resident Evil 2 également) va faire décoller l'intrigue mais ce n'est pas vraiment le cas. En effet, dépassé le stade relationnel (aussi bien avec Leon qu'avec le joueur), Ada se veut très effacée et n'apporte pas grand chose à l'intrigue, si ce n'est de réjouissantes perspectives pour les opus futurs. Que dire également de Krauser, un personnage secondaire, qui n'est là que pour servir d'exutoire à Leon. Maintenant, ce personnage est tout de même synonyme d'un des combats les plus intéressants du jeu ainsi que d'une cinématique interactive totalement jouissive. Des cinématiques interactives ? Eh oui, à l'instar de MGS 3, vous devrez à certains moments appuyer sur des boutons pour effectuer des actions durant lesdites scènes. Ceci ira du simple mouvement d'esquive jusqu'à des attaques directes, tout ceci induisant la suite de la cinématique. Idée purement géniale, d'autant qu'elle incite le joueur à ne jamais lâcher la manette. Enfin, si le scénario a de fortes lacunes, on ne peut nier que l'ambiance européenne apporte énormément en termes de couleurs, d'environnements ou de sensations.
La construction du jeu, elle, n'évolue pas énormément. Vous serez convié à arpenter de vastes niveaux infestés d'ennemis et devrez aller d'un point A à un point B en ramassant des armes, des munitions ou plusieurs types d'objets. Rien ne change pour ainsi dire, si ce n'est que les niveaux sont désormais beaucoup plus longs et qu'il vous faudra entre 15 et 20 heures pour terminer le jeu. De plus, vous pourrez débloquer deux autres défis, le premier vous permettant de diriger Ada qui devra récupérer des échantillons avant de rejoindre un hélicoptère. Ce défi, renvoyant au mini-jeu de Hunk dans RE 2, se veut bien plus prenant et riche en possibilités. L'autre mode à débloquer se présente sous la forme de quatre environnements cloisonnés (dont un inédit qui doit beaucoup au film Waterworld) dans lesquels vous devrez tuer un maximum d'ennemis afin d'atteindre un certain score. Une fois atteint un rang bien précis, vous aurez la possibilité de débloquer un des quatre autres personnages disponibles, à savoir Ada, Krauser, Hunk ou Wesker.
Maintenant que nous avons fait le tour du propriétaire, attardons-nous sur les bonus directement issus de la version PS2. Tout d'abord, après avoir terminé le jeu une première fois, vous découvrirez plusieurs petites choses dont une galerie où vous pourrez visionner toutes les cinématiques débloquées. Cependant le plus important reste le mode Separate Ways qui est constitué de cinq missions où vous dirigerez Ada. Si les trois premiers niveaux se déroulent dans des décors connus, les deux derniers ont droit à des environnements inédits. Ainsi, la quatrième mission se passe en grande partie dans un port sous-terrain où vous aurez notamment le plaisir de contrôler des pièces d'artillerie lourde pour détruire plusieurs canons d'un cuirassé. La dernière mission vous mettra, entre autres, aux prises avec Krauser et Saddler qui, ironie du sort, se veut bien plus puissant que lors de son combat contre Leon. Outre le fait de pouvoir diriger la belle espionne drapée dans une magnifique robe rouge échancrée, vous pourrez aussi utiliser un grappin pour atteindre des endroits inaccessibles. Malheureusement, ces interactions sont liées à des actions contextuelles, ce qui fait qu'on ne peut user de cette "arme" quand bon nous semble. L'autre attrait de ce défi provient des discussions entre vous et Wesker, ou des différents passages de l'aventure de Leon vus sous l'angle d'Ada. Dommage que nous n'apprenions pas grand chose de nouveau, scénaristiquement parlant. Ensuite, quand vous serez venu à bout de ce mode, vous aurez droit à une nouvelle arme (le Chicago Typewriter) ainsi qu'à un nouveau costume pour Ashley (une armure) et Leon (une panoplie de gangster des années 30 qui vient donc s'ajouter à l'uniforme de R.P.D. de Resident Evil 2).
Comme je le disais, les niveaux sont cette fois beaucoup plus vastes et il est d'autant plus intéressant de constater qu'il n'y a quasiment pas d'allers-retours, à l'inverse des autres épisodes. Bien que le cheminement soit linéaire, il est malgré tout bien réglé. On peut ainsi scinder le soft en trois parties distinctes : le village, le château et enfin la base militaire. Si la dernière partie dénote un peu en termes d'influences graphiques, elle renvoie pourtant aux précédents Resident. Titre aux influences variées (Le Seigneur des anneaux, Massacre A La Tronçonneuse, Assaut...), RE 4 bénéficie pourtant d'une cohérence surprenante. Dommage que la version PC ne rende jamais hommage à cet éclectisme et au travail des graphistes. En effet, entre des textures hideuses au possible, un rendu graphique éculé et une quasi-absence de gestion des lumières, on a bien du mal à saisir à quel point les décors d'origine jouissaient d'une beauté sans nom. Ajoutons tout de même que le bestiaire amorce un changement dans la continuité. Vos ennuis se matérialiseront sous la forme de villageois amorphes (mais pourtant très véloces dans leurs déplacements), de loups génétiquement modifiés, d'insectes mutants, d'ogres géants, de monstres marins, j'en passe et des meilleurs. On retrouve donc l'influence des zombies ou des Hunters mais rendons grâce à Mikami qui a tout de même su renouveler le stock d'adversaires.
Le gameplay a lui aussi subi une refonte. Le système de sprays ou d'herbes qu'on peut combiner pour se soigner a été conservé et les objets ou clés sont encore là, de même que les petits mémos qui vous en apprendront un peu plus sur le fin mot de l'histoire. En parallèle, le personnage que l'on dirige est maintenant situé à gauche de l'écran et représenté à mi-taille. Ceci permet d'avoir une meilleure visibilité pour viser les ennemis, ceci étant particulièrement important compte tenu de la gestion localisée des dégâts. Vous devrez alors privilégier les head-shots pour en terminer rapidement ou utiliser les actions mises à votre disposition. Celles-ci seront de plusieurs types et vous permettront par exemple de décocher un coup de pied pour faire valdinguer vos ennemis, de briser une vitre pour sortir d'une maison, de monter à une échelle, etc. De plus, des combinaisons de touches seront là pour éviter des attaques ennemies (idée mise en exergue lors des affrontements contre les boss), mais il faudra vous montrer très rapide pour les effectuer. On regrette tout de même de ne pouvoir strafer ou tirer en courant. Enfin si le jeu reste jouable avec un gamepad, autant préciser qu'il vaut mieux laisser tomber le clavier au risque d'effectuer une action contextuelle sur ce dernier afin de le faire voler à travers la pièce.
Enfin, entre autres nouveautés pour la série, vous pourrez aussi donner des ordres à Ashley (cache-toi, ne bouge pas, suis-moi) ou vous rendre chez un marchand ambulant pour acheter des objets, des cartes au trésor, des armes ou faire évoluer ces dernières. Tout ce marchandage se fera avec l'argent que vous pourrez récolter dans les niveaux ou en vendant ce dont vous n'avez plus besoin. A ce sujet, sachez vous séparer des items encombrants pour faire de la place dans votre mallette qui ne peut contenir qu'un nombre bien précis d'objets, chacun prenant plus ou moins de cases. Le gameplay est donc bien plus élaboré que celui de ses ancêtres mais cet aspect n'est pas suffisant pour accorder toutes vos faveurs à cette conversion douteuse. La conclusion n'est donc pas aisée car sur un plateau de la balance se tient un des plus grands jeux d'action de ces dernières années accessible pour une poignée d'euros et sur l'autre une adaptation pitoyable n'usant jamais des ressources mises à sa disposition pour élever l'oeuvre originale au rang d'évidence vidéoludique. Mesdames et messieurs du jury, à présent, c'est à vous qu'incombe de décider de son sort.
- Graphismes8/20
Les couleurs sont beaucoup plus fades que sur GameCube, la gestion des lumières moins impressionnante (voire inexistante), tout comme les effets spéciaux. Rajoutons à ceci énormément d'aliasing et des textures tout simplement hideuses. Les environnements ont beau être éclectiques (village, château, égouts, île, base, temple...), le bestiaire a bel et bien subi un bon coup de plumeau depuis Resident Evil 0, le résultat reste indigne d'un PC.
- Jouabilité12/20
On regrette l'impossibilité de strafer, de tirer en courant ou la lourdeur avec laquelle Leon tourne sur lui-même. Cependant, la jouabilité reste correcte avec un gamepad (à la différence du clavier qui est à éviter comme la peste) et le système d'actions contextuelles apporte un regain de dynamisme à l'aventure. Cependant, cette conversion PC étonne par ses temps de chargements bien trop longs et le décalage entre les sous-titres et les cinématiques nous vaut de longs écrans noirs ou des bugs graphiques.
- Durée de vie17/20
Si on peut terminer l'aventure principale en moins de 10 heures en zappant toutes les cinématiques, en évitant les ennemis et en connaissant le jeu par coeur, il vous faudra environ le double lors de votre toute première excursion. De plus, rajoutez environ 5 heures pour boucler le mode Separate Ways. Bien entendu, les challenges Mercenaries et Ada Assigment augmentent ostensiblement la longévité du titre. Au final, on se retrouve avec une durée de vie frisant les 30-35 heures.
- Bande son17/20
Les bruitages sont réalistes au possible, le doublage anglais est dans le ton et les thèmes musicaux sont parfaitement adaptés aux situations. D'ailleurs, l'ambiance musicale est très élaborée dans le sens où les musiques laissent souvent la place à de longues plages de silence, quand le besoin s'en fait sentir. En découle une atmosphère sonore limpide qui doit autant à des partitions nerveuses qu'à des morceaux plus ténébreux.
- Scénario12/20
On ne peut nier que les cinématiques sont superbement mises en scène mais l'histoire en elle-même laisse un goût amer dans la bouche. Krauser est uniquement là pour apporter un surplus d'action et si le jeu profite d'une ambiance européenne, l'architecture scénaristique est quasiment identique à tous les autres Resident Evil, compte à rebours final compris. De plus, le mode Separate Ways n'apporte pas vraiment d'eau au moulin. Malgré tout, je vois davantage le scénario de RE 4 comme une amorce pour un futur épisode qui devra être à la hauteur de ce que laisse suggérer la fin du jeu.
Après une version GameCube irréprochable et une adaptation du même niveau sur le monolithe noir de Sony, la mouture PC a de quoi faire pitié. Certes, on y retrouve le contenu de la version PS2, certes, le jeu est vendu à 30 euros mais cela ne rattrape en rien la médiocrité de cette nouvelle itération "PCesque" de Capcom. Blotti entre des graphismes ne rendant jamais hommage à l'oeuvre originelle, une localisation catastrophique synonyme de nombreux bugs et un gameplay requérant obligatoirement un gamepad pour être plus ou moins apprécié, Resident Evil 4 fait figure de reliquat de luxe, de scorie diamantine. Sombre fin de vie que celle d'un titre qui aura marqué des millions de joueurs en redéfinissant le genre du survival-horror.