Pas très loin de Cuba, l'île de la Tortue fut autrefois un repaire de pirates et de flibustiers tout aussi impitoyables que malodorants. De fait, l'île se pare dans l'imaginaire collectif d'une aura toute particulière, synonyme de cartes au trésor, de grands barbus borgnes aux gambettes en acajou et d'étendues d'eau turquoise. Alors que la série des Tortuga donnait jusque-là dans la gestion et la stratégie des plus terre à terre, ce troisième épisode opère un revirement majeur et tente de surfer sur la vague écumante amorcée par le premier film «Pirates des Caraïbes» de Disney. L'interface austère des précédents épisodes est donc maintenant remplacée par un scénario presque calqué sur les aventures de Jack Sparrow et Will Turner. On incarnera donc le Thomas «Hawk» Blythe, apprenti, puis rapidement ennemi, du tristement célèbre Barbe Noire. L'homme se lance bien vite dans une aventure linéaire où se mêlent allègrement abordages, trahisons et malédictions vaudoues. Sans en dévoiler davantage, sachez que Tortuga : Two Treasures parvient à tirer agréablement parti de cette vision romancée du monde de la piraterie. Les nombreuses cinématiques et saynètes qui ponctuent l'aventure ne sont pas particulièrement belles, mais les dialogues ne manquent pas de piquant et les voix originales évoquent sans doute possible les facéties de Johnny Depp. Le soft doit donc beaucoup à son atmosphère qui masque avec plus ou moins de réussite ses limitations techniques

Les différentes missions du jeu, bien qu'assez variées dans les termes, se divisent en fait en deux grandes catégories : les batailles navales et les combats au sabre sur le plancher des vaches ou le pont d'un navire. Leur point commun : un gameplay extrêmement arcade qui ne s'embarrasse pas de considérations tactiques très développées. Vous vous retrouverez donc régulièrement à la barre de navires différents, tantôt lourdement armés tantôt fragiles comme des barques, mais dans tous les cas, votre bâtiment se déplacera très facilement, sans que le vent n'ait véritablement d'influence. On bouge un peu comme dans un jeu de kart avec des bateaux qui virent avec aisance et dont on doit simplement gérer la vitesse. Pour un peu, on pourrait presque amorcer des marches arrière ! Dans Tortuga : Two Treasures, la mer est d'huile et les vagues inexistantes, seuls quelques récifs et petites îles verdoyantes viendront influencer les déplacements du joueur. Tout paraît donc plutôt simple, voire simpliste, et on aura raison de penser ça. Cela dit, vaincre un navire, ou même plusieurs, implique néanmoins une approche intelligente afin de lâcher bordées sur bordées et d'éviter de ramasser trop de boulets soi-même. Mais dans l'ensemble, le titre n'est pas très exigeant, et ce même lors des missions de pseudo infiltration dans lesquelles il faudra à tout prix éviter la confrontation. L'optique arcade du soft est d'ailleurs renforcée par l'utilisation obligatoire de nombreux bonus aux effets variables. Que cela soit des objets d'attaques, comme de la grenaille pour endommager les voiles de ses poursuivants et ainsi les ralentir, des mines ou un appât à Kraken pour jeter la créature de légende sur ses ennemis, en passant par des items de réparation, tout s'actionne d'un simple clic de souris. Le jeu est donc agréable mais ne va pas chercher bien loin et il est à craindre que le joueur se lasse de ces affrontement basiques.

Au sol, le constat est malheureusement plus mitigé encore. Les objectifs ont beau donner l'apparence d'une certaine variété, le soft n'offre en fait que des niveaux de beat'em all extrêmement basiques et peu agréables. Dans tous les cas, le but reste invariablement le même, à savoir nettoyer un niveau de sa population de méchants, récolter deux ou trois objets et faire mordre la poussière à un boss tout aussi idiot que ses congénères. Le problème vient surtout d'un système de combat rigide et particulièrement confus. Votre gaillard moustachu ne dispose au début que d'une attaque de base et d'une parade, et même si sa palette de coups s'étoffera un peu au cours de l'aventure, il n'en restera pas moins une sorte de Playmobil paraplégique qui peine à enchaîner les coups avec fluidité. Si par malheur vous vous retrouvez aux prises avec plusieurs adversaires en même temps, cela deviendra vite extrêmement frustrant. Là encore, on pourra utiliser quelques bonus, tels des potions de vie et des fioles de rhum enflammées, mais ces petits éléments à l'efficacité variable ne seront pas toujours très faciles à employer dans le feu de l'action, ni même très efficaces. Le soft tente bien de vous encourager à éviter les batailles rangées contre trop d'ennemis à la fois mais au final, le tout reste résolument bourrin et donc inévitablement répétitif.

Enfin, sachez qu'en fonction de vos performances dans les missions, aussi bien navales que pédestres, vous obtiendrez des doublons qu'il sera possible de dépenser dans une boutique. Ce qui me permet de mentionner une petite subtilité amusante : plus vous achèterez des potions de vie par exemple, et plus celles-ci deviendront chères. Il faudra donc utiliser vos objets avec parcimonie et réfléchir à ce dont vous aurez réellement besoin. Tortuga : Two Treasures est donc un mélange de bonnes idées et de choix moins heureux, le tout enrobé d'une réalisation passable mais qui n'empêche pas le soft d'afficher quelques décors de caractère. Entre son scénario et sa mise en scène attachante, des batailles navales amusantes au début et des combats à pied beaucoup plus poussifs, Tortuga : Two Treasures laisse une impression mitigée. On s'essaie à l'aimer et on y découvre des défauts trop envahissants, mais on ne parvient pas non plus à le détester. A vous donc de faire selon vos affinités avec la piraterie, le vaudou, les Krakens et les bigorneaux. Et peut-être que le petit prix du soft vous aidera à vous décider.