Pourtant d'origine nippone, Contact se soustrait aux aspects récurrents du A-RPG à la japonaise. Pas d'imagerie chevaleresque, par exemple, et encore moins de grande épopée homérique. Le gameplay aussi est singulier. Les combats sont en semi temps réel. Pas de groupe d'aventuriers mais un enfant rêveur et muet. Le joueur est considéré comme une sorte de troisième homme, un relais entre le jeune héros et un excentrique professeur qui le guide. Bref, il s'agit d'une variation ouvertement légère et décalée autour du genre. L'ouvrage se veut imprévisible, parodique, "nerd-attitude" et sans prétention. Pendant RPG de ce que Killer 7 est au jeu d'action, Contact hurle : "je suis différent des autres !" toutes les 2 minutes. Il y a boire et à manger là-dedans.
C'est l'histoire d'un scientifique fantasque traqué par une obscure organisation, et de Terry, un jeunot, muet, qui fait des rêves légèrement coquins. Le premier vogue dans l'espace à bord d'un astronef cubique. Il trône généralement dans l'écran supérieur de la console. Son vaisseau et sa personne sont dépeints avec un rendu 8 bits : couleurs primaires, 2D simpliste et carrée. Cette représentation est en cela similaire à ce que l'on peut parfois voir au cinéma, un vieillissement de l'image, comme un retour au noir et blanc du jeu vidéo. Fait plus étonnant, le bonhomme peut sentir notre présence ! Il réagit au contact du stylet, peut nous parler, nous demande quelques renseignements personnels, et va jusqu'à regretter de ne pas posséder la DS, cet "engin si sophistiqué". Peu après les présentations, une violente altercation avec ses poursuivants finit par télescoper le bonhomme sur la planète de Terry. L'engin volant est désormais maintenu à terre et ne peut plus décoller, faute d'énergie. Le jeune garçon et le professeur se rencontrent dans la foulée. Sous la panique et le besoin de soutien, le vieil homme confie au local son désarroi. En réalité, l'astronef a perdu tous ses Eléments, des pierres énergétiques précieuses. Et ce sont justement ces pièces que les persécuteurs du savant convoitent. Le scientifique va forcer la main de Terry pour qu'il récupère les joyaux, dispersés sur 6 îles différentes. Le joueur dirigera le jouvenceau, mais devra également faire le pont entre la progression du garçon, écran du bas, et les informations du savant, celui du haut.
Le jeu offre ainsi une première utilisation intéressante de la console. La plupart du temps, on voit le professeur vivre sa vie dans le vaisseau. Mais il peut aussi s'inquiéter pour Terry et utiliser son ordinateur pour laisser place à des aides visuelles. Exemple : une herse qui se baisse progressivement et que le joueur doit franchir avant la fin d'un chrono. Le double écran permet aussi d'avoir des transitions assez mignonnes, à défaut de vraies cinématiques, et de profiter d'une carte des stats tout en hauteur. Dans les interfaces, c'est l'aspect tactile qui fait son effet. Si on aurait apprécié des icônes plus imposantes et plus rapidement identifiables, la navigation est agréable. Ce n'est pas toujours le cas pendants les ballades et les combats. Sur le papier, le système est bon. Vous devez simplement laisser pointer un endroit sur l'écran pour que Terry prenne sa direction. Un toucher sur le héros permet d'accéder à quatre options : le mode combat, l'action contextuelle (ouvrir, ramasser, parler...), le coup spécial, et l'inventaire. Vous pouvez aussi directement pointer un objet ou un ennemi pour interagir. Hélas, le système de pointage est défaillant, surtout quand plusieurs éléments se retrouvent côte à côte, comme des adversaires encerclant Terry. Cela semble dû à une gestion des collisions particulièrement mauvaise, car il arrive aussi à notre héros ou d'autre persos non jouables de se retrouver bloqué sans aucune raison. Concernant le pointage, ses caprices sont particulièrement embarrassants dans le cas de Terry. Impossible de se remettre une petite potion de santé ou de quitter le mode combat pour battre en retraite. Contact propose bien une alternative en permettant une jouabilité dite classique (croix + boutons) mais cette dernière n'est pas très agréable.
Les combats, restons-y. Le principe ressemble à du MMORPG simplifié. En mode offensif, Terry frappe automatiquement sa cible à intervalles réguliers dés qu'elle est à portée de son arme contondante. Il n'y a aucune attaque à distance, pas de charge, pas de combo. Forcément, c'est assez limité et pas très dynamique. Par contre c'est très accessible, même pour les non-initiés au RPG. Le titre essaie d'étouffer la répétitivité de ces affrontements par un système d'expérience à la Elder Scroll. Encore une fois, la repompe est simplifiée. En fait, selon l'arme utilisée et l'adversaire affronté, vous augmenterez plusieurs compétences pour, à terme, débloquer des Techs, soit des coups spéciaux. Par défaut, il y a 24 Techs à débloquer par le biais d'une bonne cinquantaine d'armes et d'ennemis différents. Rajoutez à ça la possibilité de changer de costume. Ces 8 items (mal) cachés sur chacune des îles viennent enrichir votre garde-robe autant que le nombre de Techs. Avec une tenue sur le dos, toute l'expérience que vous obtiendrez sera attribuée à des Techs élémentaux. Prenez le costume de l'aviateur, eh bien, quelques combats avec ça sur la peau et vous aurez tôt fait de récupérer le Tech Brise-Vitre pour libérer un cyclone sur vos adversaires. Au total, avec les costumes, il y a 80 Techs différents. Ce qui est dramatique, c'est que pendant plus de la moitié du jeu, et à moins de faire du level-up de manière totalement gratuite, les combats sont répétitifs et des plus bourrins. Plus loin dans le jeu, l'adversité et la nature des ennemis justifient enfin pleinement l'apprentissage et l'utilisation de certains Techs. Dernière subtilité, le jeu se pare d'un léger système de deck en soutien, à la manière de Baten Kaitos. Les cartes, appelées ici des sceaux, se récoltent sur le terrain de jeu et boostent une ou plusieurs compétences à la fois. Vous pouvez mettre quatre Sceaux en soutien, mais vous ne disposez pas de pile autre que celles des dernières cartes ramassées. Grosso modo, vous ne pouvez pas mettre une carte de côté pour la repositionner dans le deck au moment idéal. Un peu limité, finalement à l'image de tous ces mécanismes que l'on sent comme bridés ou mal pensés.
Même problème d'ailleurs pour les sceaux magiques, ceux offerts par le professeur. Il s'agit d'autocollants que l'on détache et applique littéralement sur le terrain de jeu. Il est question de transformer tous les ennemis visibles en chèvres, de regonfler ses PV à fond, ou de rentrer directement au vaisseau-bateau du professeur, qui fait simultanément office de base, de point de sauvegarde et de moyen de transport d'une île à une autre. Ces Sceaux ne se rechargent pas après utilisation (il vous faut revoir le professeur à chaque fois). C'est une bonne idée, qui contraint le joueur à les économiser pour l'instant adéquat. L'ennui, c'est que ces items sont au nombre de 8 seulement. Trop peu. A côtés de ces dispositifs, d'autres possibilités annexes tentent d'exister péniblement. La cuisine et la pêche par exemple sont censées, à terme, vous offrir des aliments régénérateurs puissants. Mais en raison d'un principe de digestion mal équilibré et de la présence de potions intéressantes et légères à bon marché, tout autre aliment a peu d'intérêt. Le karma est aussi sous-exploité. En principe, vous pouvez tuer tous les PNJ afin de récupérer des objets intéressants. Chaque meurtre injustifié fait baisser votre réputation et vous ferme des portes. Dans la pratique, les items à récupérer sur les corps ont très peu d'intérêt, et de toute manière, un karma très faible ne chahutera jamais votre progression, à moins que vous ne vouliez faire toutes les quêtes secondaires. Et encore, beaucoup d'entre elles ne tiennent absolument pas compte de votre réputation. D'autres défauts entachent le jeu : quelques dialogues trop longs et inutiles, qui font ralentir considérablement le rythme, un deuxième boss bien pénible et, bien sûr, une durée de vie très basse : une quinzaine d'heures de jeu en prenant son temps. Sur ce court laps de temps, pour un RPG, le petit conte moderne réussit cependant à déployer, avec une certaine réussite, ses thèmes fétiches.
Tandis que sa mère manifeste rapidement son inquiétude, Terry continue de poursuivre secrètement, à travers son aventure, la venue de ses songes. Le professeur, attachant à force de passer du coq à l'âne façon Tournesol, verra dans l'amitié naissante avec Terry et le joueur une bénédiction après tant d'années de solitude. On est là dans le coeur du jeu, sans mauvais jeu de mot. La suite des évènements nous ramène toujours à l'amitié, à l'attachement. En voilà un, exilé sur son île, qui veut devenir suffisamment bon cuistot pour être utile et apprécié dans sa communauté. Une autre, meurtrie, est amnésique à la suite d'une expérience scientifique. Un vieil homme solitaire la prendra sous son aile. Ainsi sont amenées la plupart des quêtes secondaires du jeu : ramener un enfant perdu, sauver un gus pris au piège dans une sorte de mausolée... Cependant, mis à part le professeur, Terry et certains PNJ bien dépeints, Grasshopper a malheureusement traité la plupart des character design par dessus la jambe. Quelques dialogues et une mise en scène simpliste ne suffisent pas toujours. Ca manque de développement. Les designers et scénaristes sont plus à l'aise avec l'humour. Rajoutons aux exemples donnés dans la preview le cas d'un groupe d'aviateurs militaires à qui l'on a alloué un fond financier tout juste suffisant pour acheter la piste, mais pas les avions. A aucun moment Contact ne se prend au sérieux. Le grand méchant est ridicule. Le professeur et son ordinateur, c'est le "nerd" qui s'ignore (avec overclocking du monstre au programme). La bestiole du professeur ne ressemble à rien, se lèche fréquemment l'entrejambe et est une injure au moindre Nintendogs, de par ses possibilités à priori inutiles. L'histoire part dans des délires loufoques, bourrés de références : Donjons et Dragons, Tomb Raider, la NES (?)... Quelquefois, on se dit que seul cet esprit rafraîchissant et sans prétention nous retient devant l'écran. Oui et non. Oui, parce que, avec ce qui arrive sur DS cette année, à commencer très bientôt par Magical Starsign ou FFIII, il est risqué de vous conseiller l'achat d'un titre qui ne devrait nullement leur faire de l'ombre. Non, parce que ce serait diminuer un essai courageux, qui, mine de rien, malgré tous ses défauts, est accessible à tous, se joue sans déplaisir particulier, a ses bonnes idées, certes bridées, et ses bons moments. Déconvenue et bienveillance mêlées, donc.
- Graphismes14/20
Par rapport au rendu graphique du professeur, évoqué dans le corps de l'article, le monde de Terry est haut en couleurs. Ca reste de la 2D, soit sous forme de tableaux vus de dessus, soit en scrolling horizontal avec différents plans. C'est charmant, détaillé, les tons sont étincelants. En extérieur du moins. Les intérieurs de certains donjons sont assez vilains et brouillons. Les animations sont ratées et sommaires, voire involontairement old-school ça fait tache par rapport à la direction artistique assez moderne.
- Jouabilité10/20
Le titre court un peu trop de lièvres à la fois et aucun mécanisme n'est maîtrisé. Les combats ne deviennent variés qu'à partir d'un certain nombre de Techs. Le contrôle au stylet fonctionne... jusqu'au moment où apparaissent des bugs du système de pointage. L'interaction avec le professeur est un peu trop légère, mais suffisamment bien amenée. Le deck de soutien est très limité. Les sceaux donnés par le prof trop rares mais assez bien intégrés. Les quelques à-côtés ne servent quasiment à rien. Le tout forme un gameplay étrange, recevable mais frustrant. D'autant plus que...
- Durée de vie11/20
... Ca ne dure qu'une quinzaine d'heures grand maximum. C'est trop court, on est d'ailleurs surpris d'arriver sur Aegis, la cinquième des huit îles, après cinq heures de jeu. Heureusement, la difficulté devient un peu plus relevée par la suite.
- Bande son13/20
C'est principalement de l'électro-pop light, des petits claviers pimpants et une boîte à rythme pétulante derrière. La musique est une affaire de coeur, et j'aurai beau vous dire que ce n'est pas désagréable du tout, vous allez peut-être trouver ça assez saoûlant. Quelques thèmes un peu plus sérieux par-ci par-là, mais jamais rien de bien grave. Les bruitages sont très vintages, bien dans le ton. Eux aussi peuvent devenir casse-bonbons.
- Scénario14/20
L'éternel quête des x pierres dissimulées dans x donjons. Ce canevas usé jusqu'à la corde est dynamisé par la mise en forme. Le cadre n'a rien à voir avec les poncifs du RPG. Les personnages sont des quidams animés par de simples motivations. L'amitié est la thématique dominante. Certains characters designs sont malheureusement trop peu développés. Les auteurs se montrent meilleurs virtuoses quand il s'agit de chatouiller nos zygomatiques : ça fourmille de références, et le jeu fuit le premier degré comme la peste.
Contact est avant tout un titre drolatique et généreux, parfois touchant, qui accumule les références, les petits instants cultes et les repompes à droite et à gauche : un peu de MMO par-ci, du Elder Scroll par-là, je touille avec une pincée de Baten Kaitos... Le résultat est vraiment très loin d'une leçon de Game Design. Chaque mécanisme de jeu a ses ratés. Les combats ne sont pas intéressants avant plusieurs heures de jeu, le pointage au stylet est parfois défaillant, le système de deck en soutien est très rigide, c'est pas bien long, et on cherche encore l'intérêt de certaines possibilités annexes. La déception est là, réelle. L'effort de Grasshopper ne se vomit pas pour autant. Le gameplay n'est pas détestable, et ses limitations permettront à un large public d'entrer sans souci dans le rythme. Certes, le titre ne réussit pas toujours à supprimer la barrière qui sépare le joueur du professeur, ce "mur" autrement appelé interface homme/machine. Mais il parvient, par un mélange de thèmes fort, de parodie constante et de petites idées amusantes, à nous toucher au coeur. Ce Contact-là vaut toutes les erreurs de design.