Ah les pirates ! Voilà bien un mot qui évoque aujourd'hui l'aventure, la liberté, les étendues d'eau turquoise et mystérieuse, les abordages dantesques, les chasses au trésor, les mimiques disgracieuses de Johnny Depp et surtout les tonneaux de rhum. Au fil de leurs oeuvres, les romanciers et cinéastes ont réussi à occulter et transformer une réalité bien plus sinistre, celle de criminels sans foi (surtout à cause du rhum) ni loi, dénués de morale et parfois même de vêtements. Mais qu'importe un passé peu reluisant tant qu'on a l'ivresse ! Ou presque...
Loin sont donc les réalités de la piraterie, avec ses massacres sans nom, le scorbut et le sort peu enviable réservé aux volatiles domestiques embarqués par l'équipage. Non, Tortuga : Two Treasures prend vraiment le chemin d'un soft destiné au grand public et aux fans des films Disney "Pirates des Caraïbes". En fait, ce n'est pas la première fois que les développeurs d'Ascaron nous proposent d'écumer les eaux traîtresses de cette région du monde. Et si jusque-là, l'aspect gestion des ressources était primordial, même avec un dernier volet plus orienté vers les combats, il est cette fois presque totalement délaissé au profit d'une action pure et dure, celle qui empeste la poudre, la sueur et les bigorneaux pas frais. Pour la première fois dans la série, on aura donc droit à un véritable scénario, mis en scène au moyen de nombreuses cinématiques pleines de médaillons magiques, de perroquets en plastique et de traîtrises en tout genre.
Ainsi donc, ceux qui espéraient pouvoir mettre les Caraïbes à feu et à sang comme bon leur semble seront sans doute déçus. Car c'est sous la forme de missions spécifiques que l'aventure se déroule. L'histoire est celle du jeune capitaine Thomas "Hawk" Blythe, apprenti du plus célèbre pirate de tous les temps. Hein ? Albator ? Non, je pensais plutôt à Barbe Noire pour être franc. Enfin bon, passons. Malheureusement pour Thomas, il goûtera bien trop vite au sens de l'honneur particulier du célèbre flibustier qui le trahit, s'empare de son précieux navire et assassine sa concubine. Vous en conviendrez, le jeune louveteau de mer a de quoi avoir les crocs. Remonté comme une montre à gousset, il se lance donc sur la piste aqueuse du méchant barbu afin de se venger le plus ignoblement possible.
Le jeu combine des séries de batailles navales à des scènes d'action où le sabre se fait maître. Penchons-nous tout d'abord sur les combats entre bâtiments. Dans toutes les missions, vous ne dirigerez qu'un seul navire, même s'il ne s'agira pas toujours du même. De la simple chaloupe au bâtiment lourdement armé, rien ne vous sera épargné. Mais sachez bien sûr que chaque navire possède ses propres caractéristiques. Ainsi, une forte résistance et une grande puissance de feu n'iront jamais de pair avec vitesse et maniabilité. Il vous sera donc régulièrement demandé d'adapter votre stratégie en fonction du bateau mis à votre disposition. L'essentiel du gameplay repose sur la gestion de la vitesse ainsi que sur votre façon de manoeuvrer. Plus vous irez vite, moins il sera évident de tourner et inversement. L'idée étant de se positionner de manière intelligente et ainsi de faire parler vos canons avec le plus d'efficacité possible. Mais si l'idée de faire dans le stratégique était bonne, elle n'est pas assez appuyée, comme si le soft hésitait entre cette option et celle de plaire à un public plus porté sur les jeux d'arcade. Ainsi, les conditions météorologiques ne changent jamais et les combats prendront tous place sur une mer d'huile, sans vagues ni vie. Tout juste aura-t-on droit à quelques missions nocturnes et à quelques récifs dont la présence est indiquée par un drapeau sur une boussole. Pire, il n'est absolument pas question de jouer avec le vent, élément pourtant fondamental de la navigation.
Certes, on pourra utiliser une bonne variété de projectiles, telle de la grenaille destinée à déchirer les voiles, et l'équipage, de vos poursuivants et ainsi les ralentir, ou des boulets perforants, voire même des mines. Mais au final, le jeu reste bourrin et s'acharner sur un navire en lui lâchant bordée sur bordée, avant de passer au suivant suffira bien souvent pour vous octroyer la victoire. D'autant plus qu'un navire coulé laissera toujours remonter à la surface quelques coffres emplis de doublons ou de bonus de réparation de la coque ou des voiles. Pour les plus acharnés cependant, il sera possible de choisir entre cinq niveaux de difficulté à tout moment, et ainsi augmenter le challenge. En tout cas, sachez que ces batailles navales deviendront de plus en plus fréquentes à mesure que vous avancerez dans le jeu et on vous incitera bien vite à attaquer des navires marchands et leurs escortes. Au cours de quelques missions cependant, il faudra tenter l'abordage d'un navire. Il conviendra donc de l'endommager assez sérieusement, sans le couler, pour ensuite s'en approcher et stationner tout à côté de lui.
Le jeu change alors complètement de perspective et vous vous retrouverez donc à observer les épaules carrées de notre bon vieux Thomas, le sabre à la main et le persil entre les orteils. Si les batailles navales étaient sympathiques un moment, il sera nettement plus difficile d'apprécier les mêlées confuses que le jeu offre à nos yeux gourmands. Peu lisibles, dotés d'une animation perfectible, les combats au corps-à-corps se limitent bien souvent au sempiternel système parade/attaque. Cela dit, Thomas a tout de même la possibilité d'apprendre de nouveaux mouvements ainsi que celle d'utiliser quelques armes spéciales. Du mousquet, à la bouteille de rhum enflammée (Aargh ! Sacrilège !), en passant par les potions de soin, il n'y a rien de très original dans cet équipement. Mais le problème vient surtout du fait que tous ces objets ne sont pas très pratiques à utiliser. Il est par exemple impossible de se déplacer en tirant. Les ennemis ne sont pas très malins non plus et se contenteront bien souvent de vous agresser en meutes vociférantes. Dans la plupart de ces niveaux, l'objectif sera de dessouder un chef, plus résistant que ses congénères car doté d'une barre de vie comme n'importe quel boss de jeu vidéo. Elément assez étonnant du soft, chaque ennemi vaincu verra son corps remplacé par une pierre tombale, un peu à la manière des Worms. Si vous parvenez à éviscérer assez d'ennemis au même endroit, vous recevrez des bonus en fonction de la taille du cimetière ainsi créé... Un concept étonnant.
Sachez d'ailleurs que ces phases ne s'en tiennent pas qu'à l'assaut d'un navire ennemi, mais prendront également place sur les diverses îles des Caraïbes. Thomas devra alors remplir quelques objectifs basiques et linéaires, parcourir les ports anglais où il sera loin d'être bienvenu, ainsi que d'autres endroits encore plus malfamés. Le soft vous incitera parfois à privilégier la discrétion mais le résultat n'est pas forcément très probant car les ennemis, pirates, soldats ou autres comme vous le découvrirez plus tard, vous repèrent de manière complètement aléatoire. On ne peut qu'espérer que le système sera affiné avant que le jeu ne soit lâché dans le commerce. Mais honnêtement, ce qui inquiète le plus dans Tortuga : Two Treasures, c'est bien l'aspect graphique du titre. Attention, gardez bien à l'esprit que les screens qui accompagnent ce texte sont issus d'une version non finalisée du soft, malgré tout, on ne peut s'empêcher de trembler en ayant sous les yeux un moteur aussi poussif. Si cela ne se ressent pas vraiment pendant les combats entres navires, à pied, il y a de quoi avoir peur. Il y aurait donc encore beaucoup de travail à faire avant de pouvoir rendre Tortuga : Two Treasures attirant et plaisant à jouer. En l'état, le soft ne manque pas d'atouts mais ils sont sans doute encore trop mal exploités pour séduire les joueurs PC. Avec une sortie prévue dans un mois, on espère que le soft nous surprendra.