Le moment est enfin venu de découvrir le Zelda dont nous rêvions tous, celui qui saura marquer au fer rouge le coeur des fans au point de leur faire oublier les plus beaux moments qu'ils ont pu passer sur chacun des épisodes de cette magnifique saga. A la fois dissemblables et en même temps unies par un lien indéfinissable, les aventures du valeureux Link n'auront jamais déçu même les joueurs les plus exigeants, ce qui est déjà une incroyable prouesse. Mais il est temps à présent de nous lever pour faire une ovation au d'ores et déjà illustre Twilight Princess, et d'accepter la noble quête qui nous est confiée de dissiper les ténèbres pour que triomphe la lumière.
Cette quête sans pareil, vous allez pouvoir la vivre de deux manières différentes, selon que vous optiez pour la version Wii ou pour la version GameCube. Si leur contenu est identique, les expériences de jeu qu'elles procurent diffèrent largement, compte tenu des modifications de gameplay considérables apportées par la version Wii, et il va sans dire que cette dernière bénéficie forcément d'un attrait supplémentaire en terme de découverte. Malgré tout, l'expérience de jeu offerte sur GameCube se révèle tout aussi efficace. Le fait de revenir à une prise en main classique ne retire en rien le plaisir ressenti durant l'aventure et n'entraîne que des modifications mineures sur lesquelles nous allons nous attarder tout de suite.
Le changement le plus flagrant par rapport à la version Wii saute aux yeux dès l'introduction : l'image est inversée. Concrètement, tout ce qui se trouve à gauche sur Wii apparaît maintenant à droite, et réciproquement. La raison semble être la suivante. Développé à l'origine sur GameCube, l'effet miroir propre à la Wii aurait été mis en place pour mieux se prêter au système de contrôle de la console reposant sur la complémentarité entre le Nunchuk et la Wiimote. Ceci explique pourquoi Link se retrouve pour la première fois droitier dans la version Wii, et gaucher sur GameCube. Voilà pour la petite histoire, maintenant il faut bien dire que ceci n'entraîne aucune répercussion significative, autre que perturber les quelques chanceux qui auraient la possibilité de faire les deux titres en parallèle. Visuellement, les deux versions se valent, et même si on perd les avantages du format 16/9, on s'aperçoit que le rendu est le même lorsqu'on prend le temps de comparer les images. Pas de jaloux de ce côté-là. Quant à la prise en main, elle est plus ou moins calquée sur celle de Wind Waker, et s'avère donc à la fois intuitive et parfaitement adaptée. La présence du second stick sur la manette GameCube nous permet, en revanche, de contrôler manuellement la caméra, même si la vue s'adapte généralement d'elle-même en fonction des déplacements du personnage. Par contre, la visée à laquelle on a recours lorsqu'on utilise des armes telles que l'arc ou le lance-pierres s'effectue à l'aide du stick gauche sans l'apparition du pointeur en guise de repère. Enfin, on ne dispose plus que de deux touches de raccourci pour assigner ses objets, contre trois sur Wii, mais ça relève, là encore, du détail.
C'est souvent lorsqu'on est au sommet de la gloire qu'il faut savoir prouver sa valeur. Si l'on y réfléchit deux minutes, on s'aperçoit que Twilight Princess avait beaucoup plus de chances de louper le coche que d'être à la hauteur des espoirs et de la confiance que les fans de Zelda n'ont pu s'empêcher de placer en lui. Se rendant compte qu'il était probablement impossible de faire plus audacieux que The Wind Waker, les concepteurs ont dû se dire qu'ils allaient achever ce qu'ils avaient commencé avec Ocarina of Time, en réalisant la quête la plus grandiose, la plus épique, et la plus fascinante que Link ait jamais vécue. Dès lors, animés par l'envie de mener à bien ce projet colossal, ils sont parvenus à imaginer un titre enveloppé d'influences tellement diverses que le joueur ne sait plus où prendre appui pour ne pas perdre pied dans ce voyage vers l'ébahissement perpétuel. Débordant de références aux précédents épisodes de la série, le jeu évoque également bien d'autres oeuvres du cinéma ou du jeu vidéo, la comparaison avec Okami étant inévitable dès lors qu'on évoque les passages sous la forme du loup dans le royaume de l'ombre. Quant aux rencontres avec les esprits de la nature, elles renvoient sans peine au fascinant Mononoke de Hayao Miyazaki.
Mais Twilight Princess est aussi la rencontre improbable entre l'univers de Zelda et la mythologie de Tolkien, avec ses chevauchées épiques face aux orcs et autres gobelins rappelant les meilleurs passages du Seigneur des Anneaux. Dites-vous bien qu'il est désormais possible de jouter sur le dos de la jument Epona en brandissant son épée comme un cavalier du Rohan ivre de rage, le moindre choc pouvant vous faire basculer de la selle. Et tout ça n'est encore qu'un exemple parmi tant d'autres des moments d'anthologie que vous réservent ces chevauchées. D'une manière générale, tous les éléments indissociables de l'univers de Zelda ont été magnifiés à l'extrême pour, à la fois conserver l'empreinte de la saga, et faire de cet opus une sorte d'Ocarina of Time puissance dix mille. Alors, certes, on retrouve bon nombre d'énigmes plus ou moins connues et relativement prévisibles, mais n'y en a-t-il pas autant d'inédites ? Et puis n'oublions pas que tous ces éléments ne représentent au final qu'une des facettes de ce titre qui nous réserve bien plus de surprises qu'on n'aurait jamais osé l'espérer.
L'exploration méticuleuse des donjons, plus sombres et mieux gardés que jamais, a beau constituer l'un des moments forts de tout épisode de Zelda, ils sont entrecoupés ici de séquences tellement incroyables qu'on finit presque par les oublier. Je ne fais évidemment pas allusion aux quêtes annexes, innombrables comme le veut la tradition, mais à ces scènes bien particulières et extrêmement diversifiées que même le joueur le plus avisé ne pourra anticiper. Mais plutôt que de m'attarder sur ces instants qui valent aussi surtout pour leur effet de surprise, je vais plutôt m'attaquer à l'autre facette de Twilight Princess, celle qui nous précipite à maintes reprises dans la peau d'un Link aux traits de loup. Les raisons qui ont conduit notre héros à en arriver là vous seront données en temps et en heure dans le jeu, mais le fait est que cette transformation impromptue confère à Link des capacités fort intéressantes. En plus d'être un prédateur puissant et leste, le loup dispose également de talents extrasensoriels qui lui permettent de suivre des pistes en se fiant à son flair pour déceler l'invisible.
Mais surtout, il bénéficie de l'appui d'un personnage étrange nommé Midna (ou Midona en VF), petit être dérangeant au rire malicieux qui ferait passer l'inoubliable Skull Kid pour un vulgaire pantin. Lié par un pacte sournois à notre héros, Midna le force à coopérer avec lui pour des raisons troubles, allant même jusqu'à le chevaucher comme un simple canasson. Le duo ainsi formé se découvre alors des talents précieux, Midna pouvant hisser son acolyte vers les hauteurs les plus vertigineuses, et pouvant créer un cercle mystique capable de sceller les plus viles créatures qui hantent le royaume de l'ombre. Baignant dans une aura fantasmagorique troublante, la progression dans ces contrées ténébreuses ne se fera pas sans coups et blessures, tant les êtres de cauchemar que l'on y affronte se révèlent étonnamment sordides pour un Zelda. Nul doute, nous avons bel et bien franchi un pas dans la série qui devient par là-même beaucoup plus mature et donc parfaitement ciblée pour un public qui n'a pu s'empêcher de grandir depuis le tout premier volet.
Ayant toujours tenu une place particulière dans la saga, la musique se traduit ici sous plusieurs formes, un simple brin d'herbe fraîchement cueilli pouvant servir à siffler pour faire venir la jument Epona. Dans d'autres cas, un aigle pourra répondre à votre appel et venir se percher sur votre épaule, attendant de savoir dans quelle direction s'envoler. Même sous sa forme animale, Link ne pourra s'empêcher de faire des vocalises en hurlant à la lune à vous en donner les frissons. A la fois sauvage et poétique, Twilight Princess est une ode à l'aventure et à la fantaisie qui ne peut laisser personne insensible. Plus profond que n'importe lequel de ses prédécesseurs, cet opus est d'une longueur inouïe, ce dont on a d'ailleurs bien du mal à s'apercevoir tant la richesse de l'aventure nous pousse à prolonger les parties en dépit de toute raison. Quant aux à-côtés, ils sont tellement nombreux qu'ils constituent le prétexte parfait pour prolonger à la folie l'expérience de jeu, d'autant qu'un zélé coursier vous apportera en mains propres les lettres vous permettant de vous tenir au courant des dernières nouveautés accessibles en Hyrule. Face à tout cela, quels reproches pourrait-on oser émettre à l'encontre de ce jeu ? Le fait de ne pouvoir siffler Epona qu'en trouvant certaines herbes ne vous ralentira que jusqu'à ce que vous ayez appris à les dénicher, et même si la téléportation n'est possible que dans le royaume de l'ombre durant les 15 premières heures de jeu, le cheval est tellement rapide qu'on traverse les contrées d'Hyrule en une poignée de secondes. Avouez que ces arguments ne pèsent pas bien lourd en comparaison de la quête mémorable qui vous attend, alors à vous de savoir si vous voulez y participer ou non.
- Graphismes17/20
Ce point supplémentaire attribué à la version GameCube par rapport à la version Wii ne signifie pas que la première est plus belle. Visuellement, le rendu est exactement le même, bien qu'on perde les avantages du format 16/9. Il s'agit toutefois d'un des plus beaux jeux d'une console en fin de vie, tandis qu'on attend un peu plus de la part de la Wii. Quant à l'esthétique générale, le soft s'inspire des meilleures références (Okami, Shadow of the Colossus, Princesse Mononoke, Le Seigneur des Anneaux, etc.) pour un résultat qui laisse rêveur.
- Jouabilité19/20
Twilight Princess réussit à la fois à s'ancrer parfaitement dans l'univers de Zelda en magnifiant la recette d'Ocarina of Time, tout en complétant ces phases traditionnelles par d'autres beaucoup plus inattendues. Le meilleur exemple en est l'évolution dans le royaume de l'ombre par le biais du loup qui renouvelle totalement l'expérience de jeu. Ceux qui ont joué à Wind Waker retrouveront leurs marques immédiatement pour ce qui est de la prise en main.
- Durée de vie18/20
On nous avait promis des donjons plus vastes et plus riches, mais on ne s'attendait pas à ce qu'ils soient quasiment occultés par des scènes cultissimes dont je préfère ne rien vous révéler. Les heures défilent à une vitesse vertigineuse sans qu'on ne relâche son attention à aucun moment. Si l'on ajoute l'accomplissement des innombrables quêtes annexes, la durée de vie explose facilement la soixantaine d'heures, selon mes estimations.
- Bande son17/20
Pas aussi marquantes que prévu, les musiques se font un peu discrètes malgré quelques thèmes grandioses. On découvre même un grand nombre d'airs connus, entièrement remixés, qui devraient ravir les connaisseurs. Quant aux bruitages, ils enrichissent considérablement l'ambiance générale, le meilleur exemple étant les interventions de Midona qui dérange par ses ricanements sournois et ses bâillements incessants.
- Scénario18/20
Pour schématiser l'histoire sans rien révéler d'important, sachez que la quête consiste principalement à restaurer la lumière dans les différentes contrées d'Hyrule enveloppées par les ténèbres. C'est très sommaire, mais je préfère vous laisser la surprise, sachant que l'aventure réserve un nombre incroyable de rencontres insolites et de scènes mémorables.
Faisant fi de toute la pression qui pesait sur ses épaules, The Legend of Zelda : Twilight Princess constitue bien l'apothéose de la saga et n'aura aucun mal à faire l'unanimité auprès des joueurs. A la fois poétique, onirique, violente et sauvage, cette oeuvre magistrale renferme tout ce dont on pouvait rêver et permet à la GameCube d'achever sa carrière sur un titre hors du commun.