Personne n'a compris où voulait en venir Bryan Singer avec son film Superman Returns dans lequel l'homme au slip en caoutchouc passe plus de temps à tailler le gras sur ses origines qu'à sauver la veuve et l'orphelin. Qu'il doit être compliqué de partir d'un long métrage aussi mou du genou pour mener un jeu digne de ce nom ! C'est peut-être bien pour cette raison qu'Electronic Arts s'est vu repousser la fin du développement, surpris par le manque de matière du film en terme d'action et d'idées à traduire à l'écran. Ou peut-être que le jeu était juste totalement infâme au moment de la sortie du film....
Et dans ce cas, le travail d'Electronic Arts aurait consisté à nettoyer les nombreuses crasses, à polir au rabot, à récurer au Virkon. Le problème c'est que malgré tous ses efforts, EA n'aurait jamais pu rendre une copie propre. Disons-le tout de go, Superman Returns le jeu est un véritable ratage. Les raisons sont innombrables et m'obligent à prendre le stylo rouge pour souligner et commenter quasiment chaque ligne de cette adaptation. Le sujet était pourtant simple. Superman doit évoluer librement dans Metropolis, et aller d'une mission à une autre. Il peut utiliser ses trois rayons : feu, vent, et glace. Il peut voler, il peut accélérer, en l'air comme sur terre. Quelques combinaisons de coups, déblocables au fur et à mesure, quelques choppes, la possibilité de prendre des objets de tailles conséquentes. Mais qu'est-ce qui vous est arrivé, mon pauvre vieux ? On a l'impression que même la feuille blanche était dégueulasse avant que vous n'y posiez vos pattes !
Il existe un terme en anglais pour traduire le "scénario" ludique d'un jeu : le walkthrough. Chez les Gaulois, la seule traduction qui vaille, et qui est pourtant assez miteuse, c'est "pas à pas". Sauf que là, pour le coup, cet assemblage de mots est très approprié. Pas une once de liberté dans ce Superman Returns. Vous allez d'un pas, un objectif tel que réduire au silence quelques misérables dans une partie de la ville, à un autre pas : éteindre un incendie, arrêter les frasques de Metallo ou dégager une rue coincée par de nombreux obstacles. Tel cas égale telle solution, et ainsi de suite. Notez que ce n'est pas si gênant, on a déjà vu pas mal de jeux s'en sortir malgré tout. Mais c'est quand même un peu décevant d'avoir une ville aussi imposante que Metropolis sous sa coupelle et de ne pouvoir strictement rien y faire d'autre que ce que la trame narrative, assez déviante du film par ailleurs, nous impose. Vous pouvez la visiter et y mettre vous-même un souk d'enfer, c'est à peu près tout.
La catastrophe, et ce qui va nous contraindre à clore rapidement cet article pour tourner la page, c'est la prise en main nauséabonde et la saleté générale de la réalisation. Tout est médiocre et frustrant. Les accélérations de Superman sont imbéciles. Elles suivent l'orientation de la caméra et non celles du bonhomme, lequel se contente juste de faire 5 pas quand il en faisait un, façon T-1000 dans Terminator 2. Ridicule garanti. Ces sprints ont surtout la disgrâce d'être encore plus incontrôlables que le dernier Sonic, tout est dit. Le vol est également navrant. Entre un simple flottement qui vous élève à peine d'un ou deux mètres, et une propulsion qui met trois bonnes secondes pour s'activer, tout ça manque de réactivité, ce qui se paie comptant contre n'importe quel ennemi un peu rapide. En l'air, on retrouve l'absence de maniabilité en mode turbo, tandis que l'attaque qui consiste à piquer pour écraser est follement inutile puisqu'il est impossible de placer la caméra en plongée pendant la suspension, à moins de s'arrêter complètement. La caméra, parlons-en. Aussi indolente que le rythme du film de Singer, elle est sujet à tous les types de bugs entrevus depuis que des gens ont eu l'idée de faire des jeux en 3D. Et vas-y que ça se coince, et que je te mets hors champ quand tu te fais toucher. Hop, de l'occlusion quand tu portes un objet, histoire de se retrouver avec des tonnes de surfaces opalescentes devant la tronche. Pouviez-pas mettre juste la caméra un peu plus haut ? Hop là, recadrons brutalement et tout le temps le point de vue dans la même orientation du bonhomme, histoire que tu ne puisses jamais voir ce qui se passe dans ton dos. N'importe quoi.
Vous connaissez le principe du carton rouge dans Sport 6, "l'actualité sportive pour les fainéants" ? Ben, Superman Returns en est le champion toutes catégories. Les animations sont lentes et ne collent pas du tout à la gestuelle, pourtant ultra-connue, du héros. Certaines attaques, comme le piqué, ou le coup de massue à deux mains semblent en effet davantage faire partie de la chorégraphie du géant vert des carapates, vous voyez de qui je veux parler. Pour revenir sur l'apathie des animations, le problème est particulièrement flagrant quand il s'agit de prendre et de balancer un objet. J'ai compté : 6 secondes entre le moment où l'ami SM empoigne l'élément et où celui-ci atteint sa cible. Pour la nervosité à la Dead Rising, on repassera. Une fois sur trois, le lock se désolidarise de son sujet après un coup porté par le joueur. Si les combinaisons de coups sont nombreuses et que l'apprentissage est assez régulier, on se rend compte que leur efficacité est trop variable, et dépend toujours de l'animation affiliée, certaines étant vraiment trop sophistiquées et longues pour être redoutables. De manière générale, le manque de sensations fait qu'on s'ennuie ferme après une heure de jeu.
Il me faut attaquer le tableau technique et la finition, et je me sens bien las. J'avais cru apercevoir une réalisation au visuel convenable lors des premières diffusions de screens, avouons désormais qu'il s'agit d'un véritable camouflet. Tout respire le moteur 128 bits à plein nez et ce ne sont pas les quelques effets de bloom sur certains objets et la relativement impressionnante profondeur de vue sur Metropolis quand on s'élève à fleur de nuages qui changeront la donne. Les textures sont plates, les ennemis grossièrement modélisés et les immeubles se ressemblent tous. Metropolis est devenu ville fantomatique dépourvue de caractère et de folie architecturale. Berk... Le pire reste les SFX, d'une laideur toute fluo et informe. Les musiques sont pompeuses et brouillonnes, masquant, c'est un défaut assez singulier, certaines voix un peu trop effacées. Quelques ralentissements sont à signaler, il est impossible de couper court aux cinématiques même après les avoir vues une fois, il y a des bugs comme le Superman qui continue à courir droit devant lui pendant les cinématiques... Bon, stop, j'arrête, je vais garder de l'encre et du fiel pour une cause plus utile. Superman Returns est insipide, énervant et encore plus inutile que le film. Superbidon.
- Graphismes5/20
Cette version PS2 est d'une laideur toute particulière. Metropolis a des airs de Nagasaki qu'on aurait pas tenté de sauver après la bombe. Les effets spéciaux bavent, l'animation est pire que les premiers Felix The Cat.
- Jouabilité6/20
Premier regret : l'indigence tristounette de la prise en main, pas du tout punchy et totalement hasardeuse. Second coup dans l'eau : la gestion de la caméra, soit du Lars Von Trier sous absinthe. Echec et mat : la réalisation en soi, mal dégrossie, mal débugée, mal finie, et plus particulièrement sur cette version PS2.
- Durée de vie12/20
Je suis incapable de vous fournir une vraie estimation de la durée de vie mais sachez qu'après 3 heures de jeu, avec temps morts (relances et autres chargements), vous parvenez déjà à 20% du titre. La difficulté est pour sa part assez mal équilibrée et la présence de nombreux timers dans les missions ou face aux boss n'est pas pertinente, vu les nombreux problèmes de prise en main.
- Bande son9/20
Il s'agit principalement de sous John Williams assez désagréable au bout d'une demi-heure. Le vrai problème, c'est que ce déluge de trompettes et de violons rend l'écoute des dialogues trop souvent compliquée, surtout quand les voix sont graves à la base.
- Scénario13/20
De gros points de divergences avec le film forcément, notamment quelques ajouts de monstres, dont certains sont d'ailleurs totalement originaux dans le cadre de l'univers Superman. Le scénario n'est pas désagréable à suivre mais reste basé sur une structure par "épisodes" (sauvetages, bagarres puis boss, le tout dans une trame narrative distincte des autres) qui, personnellement, ne m'enchante guère. A juger par vous-même.
Mal fichu et d'une pauvreté ludique et technique pour tout dire ridicule, ce Superman Returns troque la promesse du spectacle pour un gâchis considérable. Il y a un signe malheureux qui ne trompe pas quand on prend en main un jeu. Cette situation où vous ne cherchez plus à creuser un peu la substance du gameplay, où vous vous contentez de refaire les mêmes gestes encore et encore pour aller au plus direct, pour en finir. Le titre d'EA produit ce résultat à l'infini.