Wiimote et FPS, le couple qui devait réconcilier le shooter avec les consoles. A l'épreuve du test, qu'en est-il de ce miracle tant attendu lorsqu'on se plonge dans Red Steel, premier FPS conçu exclusivement pour la nouvelle machine de Nintendo ? Un peu plus d'attente.
Pour sa défense, ou plutôt pour celle de ses créateurs, le projet Red Steel a dû composer avec des délais ridiculement courts imposés à ses équipes par Ubisoft. Alors fatalement, le résultat en souffre et on a du mal à en vouloir aux travailleurs de l'urgence, ce qui n'empêchera personne de grogner, pester ou vociférer à l'encontre du FPS qui nous ressert les poncifs du genre des années 90, manquant de plus son pari avec la Wiimote. Premier constat d'échec, l'ambiance qui se voulait immersive avec ses inspirations japonaises stéréotypées au possible et ses cut scenes en plans fixes très Max Payne dans l'âme. Avec ses dialogues peu convaincants et son héros autiste, Red Steel ne parvient pas à nous plonger dans son histoire de jeune américain fiancé à une japonaise dont le père Yakusa la conduira à se faire kidnapper par un clan rival. Mais qu'importe, le scénario n'a jamais été le point fort des FPS après tout.
En tant que premier shooter pensé pour la Wii, on attendait énormément du jeu qui devait nous démontré que la console était capable de rompre avec des années de FPS indigents joués aux sticks analogiques. L'option retenue est donc simple et intuitive en théorie. Dans votre main droite, la télécommande fera office d'arme dont le feu dévastateur se déclenche d'une pression de la gâchette B pendant que la touche A permet de passer en mode visée à l'épaule avec un simili système de lock. Le Nunchuk de son côté permet de sauter, de se baisser (avec C et Z) et bien sûr de se déplacer en utilisant le stick. Mais si la Wiimote est également employée pour tourner le regard, le Nunchuk est pour sa part employé dans la réalisation de diverses actions, en le bougeant vivement vers le bas on pourra, selon le contexte, recharger son arme, ouvrir une porte, activer un interrupteur, frapper au corps-à-corps ou lancer une grenade.
A la première prise en main, passée une phase de surprise, on finit par penser que la Wiimote a un vrai potentiel en la matière, mais pas dans Red Steel. Mal calibrés, les contrôles du jeu sont une plaie et n'ont malheureusement absolument rien d'intuitifs ou de confortables, en très grande partie en raison d'une latence trop importante. De plus, la lenteur extrême du contrôle du regard est non seulement désagréable mais pénalise le jeu de manière dramatique tant il devient laborieux de se tourner vivement lorsqu'on nous attaque par derrière. Ce quelle que soit la sensibilité choisie dans les options. Le summum de l'horreur étant atteint avec un fusil de snipe. Son usage vous demandera de passer en mode visée avec A puis d'avancer ou de reculer la Wiimote pour zoomer ou dézoomer, en pratique, on bouge dans tous les sens et on a la nausée. De son côté, le Nunchuk ne fait pas mieux, trop semblables, les mouvements contextuels s'embrouillent. Le plus souvent, c'est lorsqu'on s'approche d'un ennemi pour le frapper avec le sabre court que cela se produit. Si l'action contextuelle n'est pas identifiée par le jeu, votre mouvement va se transformer en reloading de l'arme, autant pour la discrétion.
Bien sûr, Red Steel, ce n'est pas que du flingue, c'est également du sabre qu'on espérait des plus jouissifs. Là encore, la déception prime. En premier lieu, les mouvements ne sont pas libres mais reconnus puis retranscrits en attaques pré-calculées. C'est non seulement frustrant, mais cela limite en plus le nombre de coups réalisables. Ici, on frappera donc avec la Wiimote pendant que le Nunchuk contrôlera le Wakisashi improvisé avec un sabre brisé, faisant donc office d'arme de défense. On trouvera quelques attaques spéciales et la possibilité de parer ou d'esquiver un coup tout en contre-attaquant ensuite. Le déception commence alors avec la constatation que les combats sont complètement scriptés et se déroulent dans une sorte d'arène virtuelle très réduite pour se poursuivre avec la découverte, une fois encore, d'une latence pénible de la méconnaissance des mouvements, qui plus est particulièrement hasardeuse. De fait, en dehors des esquives, il n'y a rien de tactique dans ces combats brutaux et même là, le timing est si déconcertant que le rythme des combats n'a rien de palpitant.
En vérité, Red Steel a une qualité : nous montrer ce qu'il est possible de faire en matière de FPS sur Wii, même s'il le fait mal, mais sa jouabilité douteuse n'est pas son seul défaut et même sans ces problèmes, il ne convaincrait pas. Son intelligence artificielle est par exemple embryonnaire avec des ennemis d'une stupidité affligeante parfois impassibles, parfois prêts à nous tirer dessus à travers n'importe quoi, même un mur en béton. Mais c'est surtout son level design qui fait pleurer dans les chaumières et qui contribue à lui donner un air de FPS des années 90 qui évoquerait un mauvais clone de Perfect Dark, Goldeneye et consorts. Totalement linéaire, ses environnements se ressemblent tellement qu'il parvient tout de même à nous perdre puisqu'il suffit de faire un tour sur soi-même pour oublier de quel côté on est arrivé, n'hésitant pas à nous répéter des phases d'actions 3, 4 ou même 5 fois (voire la traversée du parking souterrain niveau par niveau, du pur copier/coller) et sans oublier bien sûr la vieille astuce du retour sur ses pas qui rallonge artificiellement la longueur d'un niveau. Pire, on a même la joie de renouer avec ses souvenirs nostalgiques d'objets primordiaux que les super méga ennemis laissent traîner sans surveillance n'importe où, comme cette clef que l'on ira dénicher dans les toilettes. Ceux qui ont parcouru la série des Dark Forces connaissant bien ce syndrome. On trouve même des séquences de plates-formes.
Quant à la réalisation, on reste dubitatif. D'un point de vue esthétique, on va du bon au mauvais avec certains niveaux très réussis et d'autres nettement moins, mais dans tous les cas le côté répétitif prédomine au sein d'un même niveau. Sans faire exploser la console, loin s'en faut, Red Steel se paie pourtant le luxe d'un framerate hésitant, au cours de combats, des sursauts que l'on mettra sur le compte des environnements destructibles qui mettent un peu d'ambiance. Mais difficile de se prendre au jeu pour si peu.
- Graphismes11/20
Quelques environnements s'en sortent bien, ceux à l'inspiration japonaise en fait. Mais globalement, Red Steel ne séduit pas vraiment et offre un niveau technique qu'une GameCube aurait presque pu afficher.
- Jouabilité9/20
En dépit des capacités indéniables de la Wiimote, ce sont les choix de game design qui limitent le jeu ainsi que le manque de réactivité des commandes. La prise en main en souffre inévitablement et le level design du pauvre n'arrange rien.
- Durée de vie12/20
Une campagne solo de 10 heures que vient soutenir un mode multijoueur anémique puisqu'il se contente d'un mode 4 joueurs en écrans splittés vite oublié.
- Bande son11/20
Les doublages manquent de conviction, les musiques sont au mieux anecdotiques, au pire lourdingues, seuls les effets se montrent corrects, sans plus.
- Scénario/
Le résultat était à craindre avec les délais imposés par Ubisoft à l'équipe de développement. Red Steel s'efforce d'exploiter le système de jeu de Nintendo mais la révolution se fait attendre avec des contrôles souvent imprécis et surtout trop limités et frustrants. Et quand bien même on passerait outre, il faut encore composer avec un game design et une architecture complètement dépassée à notre époque. Il reste alors un gros nanar d'action qui vaut pour l'aspect novateur des commandes de la Wiimote.