Il est loin le temps où la seule évocation du nom de Tenchu suffisait à faire trembler d'émotion les amateurs d'action subtile enveloppée d'ambiance asiatique. En perte de vitesse depuis plusieurs années déjà, Tenchu aura vainement tenté de remonter dans l'estime des joueurs avec un épisode propre à la PSP, mais quand on découvre le résultat obtenu sur cet opus DS, on se dit qu'il est peut-être temps de mettre fin au massacre.
Tenchu : Dark Secret, ou Dark Shadow en version originale, est un épisode inédit qui ne ressemble, autant le dire, pas du tout aux précédents volets de la série. Cet opus, dans lequel on retrouve les ninjas Rikimaru et son acolyte Ayame, tente de s'adapter au support DS en proposant une 3D limitée qui se contente de nous offrir une perspective en vue de dessus complètement immuable. Avec ce type de configuration, les personnages ne paraissent pas plus gros que des pixels morts sur l'écran de la console, et même si j'exagère un tout petit peu, on ne peut pas dire qu'ils soient particulièrement bien mis en valeur.
Mais ce qui se révèle beaucoup plus grave dans la perspective adoptée, c'est qu'elle ne se prête absolument pas au gameplay du soft qui se range, en théorie, dans le registre de l'infiltration. Plus concrètement, si l'on se contente de suivre l'action sur l'écran du haut, il est virtuellement impossible d'anticiper les déplacements des gardes ennemis qui font leur ronde, malgré la présence d'un indice de furtivité. Dans ces conditions, le titre aurait pu se révéler totalement injouable si les développeurs n'avaient pas pallié ce problème avec la présence d'une carte qui indique la position des adversaires sur l'écran du bas, dès qu'on s'approche suffisamment d'eux. Une solution qui n'en est pas une puisqu'elle a le défaut de saboter complètement le côté furtif du soft, incitant le joueur à garder les yeux rivés sur le plan en courant sans jamais prendre la peine de se cacher. Il devient ainsi très facile de localiser les ennemis pour les prendre à revers avant de les frapper dans le dos mortellement, sans aucun effort de discrétion. Pour vous donner une idée du côté ridicule de la chose, il faut ajouter que ces gardes ne décèlent votre présence que si vous vous trouvez juste en face d'eux. Le pire, c'est que même une fois repéré, il suffit de tourner autour de l'adversaire pour l'éliminer sans problème en lui assenant quelques coups de lame au hasard. Autant dire que l'intérêt du jeu chute déjà dramatiquement avec ce premier constat, mais c'est pourtant loin d'être fini.
Se targuant de nous laisser le choix entre deux personnages, le titre n'en tire absolument pas partie puisqu'on ne note aucune distinction de capacités entre eux. Les seuls éléments qui les caractérisent n'ont quasiment aucune influence dans la pratique, Rikimaru étant plus apte à attaquer de front tandis qu'Ayame se repose principalement sur les attaques à revers. Sachant que seule une frappe dans le dos vous permet de tuer un ennemi en un coup, vous comprendrez qu'il est indispensable de jouer de la même façon, quel que soit le personnage incarné. Qui plus est, vous êtes libre d'opter pour celui que vous voulez au début de chaque mission, et même quand le scénario semble s'y prêter, on ne trouve jamais la moindre forme de coopération possible entre les deux héros. Ces missions ne sont pas, non plus, très folichonnes, même si les objectifs (sauvetage, assassinat, protection) promettent pourtant une certaine diversité. Dans les faits, on en est réduit à faire tout le temps la même chose, et comme les environnements sont minuscules, on passe rarement plus d'une minute sur chaque mission. La seule chose qui aurait pu relancer l'intérêt du jeu réside dans l'utilisation des pièges ninjas, comme les fumigènes, les boulettes paralysantes ou les pointes de bambou. Mais comme il est tellement plus simple d'abattre ses adversaires d'un vulgaire coup de sabre, on ne fait l'effort d'y recourir qu'une seule fois pour débloquer les images associées aux différentes façons d'éliminer un ennemi.
L'usage des pièges est d'ailleurs assez contraignant dans le sens où il faut amasser de l'argent, trouver des parchemins et récupérer des matériaux pour concevoir de nouveaux objets. Mais ce qui déçoit peut-être le plus, c'est le level design qui évoque tout sauf un épisode de Tenchu. Même s'il est parfois possible de sauter sur une corniche pour localiser un ennemi, on reste presque tout le temps cloué au sol, sans même disposer d'un grappin pour se percher sur un toit ou rentrer dans un bâtiment. Il n'est, de toute façon, possible de visiter aucun intérieur, et puisqu'il est si facile d'anticiper les mouvements d'un garde, pourquoi prendre la peine de se cacher ou même de se plaquer contre un mur ? Le coup de grâce réside dans la durée de vie atrophiée de ce titre qui peut se terminer en deux ou trois petites heures, sachant que chaque mission terminée faire grimper votre pourcentage de progression globale de manière vertigineuse. Pour être tout à fait exacte, ce pourcentage représente en réalité le taux de reconstruction du village. Car, à chaque fois que vous sauvez un artisan ou un autre NPC utile, le village s'élargit et vous avez accès à de nouveaux éléments dans la boutique. Le revers de la médaille, c'est qu'en cas d'échec, certaines zones anciennement reconstruites peuvent s'effondrer. Je n'ai plus qu'à ajouter qu'un mode Versus à 4 joueurs est tout de même inclus dans Tenchu : Dark Secret pour pouvoir boucler ce test en vous encourageant à ne pas succomber à l'attrait du duo formé par le ninja et la kunoichi.
- Graphismes5/20
La réalisation pique les yeux tellement la 3D passe mal, avec ses personnages minuscules et ses décors affreux. La perspective choisie ne fait que mettre en valeur les textures passables du sol, sans offrir la lisibilité suffisante qu'exige ce type de jeux.
- Jouabilité5/20
Les gros soucis de lisibilité obligent le joueur à garder les yeux rivés sur la carte pendant toute la durée des missions. Il devient alors trop facile d'anticiper les déplacements des ennemis sans jamais avoir à se cacher, ce qui sabote tout le côté furtif du gameplay.
- Durée de vie5/20
La durée des missions est ridiculement courte tant les environnements sont minuscules, ce qui fait qu'on peut boucler le jeu en même pas trois heures. Compte tenu du manque d'intérêt du gameplay en général, je ne pense pas que la présence d'un mode Versus y change quoi que ce soit.
- Bande son11/20
Sans faire preuve d'aucune originalité, les musiques nous rappellent dans quel contexte baigne le soft, car on aurait vite tendance à l'oublier.
- Scénario10/20
Le scénario n'avance réellement que toutes les trois missions, en moyenne. De plus, ce sont presque toujours les mêmes écrans fixes qui reviennent, et l'histoire n'est pas plus passionnante que ça.
A chaque nouvel opus, la série des Tenchu s'embourbe dans les travers de la médiocrité, pour atteindre cette fois des sommets en la matière. Non seulement le titre n'a plus rien à voir avec ses prédécesseurs, mais il est tellement mal pensé que le côté furtif en devient complètement absent. Le manque d'intérêt général n'a d'ailleurs d'égal que l'étroitesse de la durée de vie.