Au concours du jeu de mots le plus foireux sur Lost Planet, on pourra prétendre que Capcom est en train de parasiter la 360. Si Gears Of War aura abattu le boulot marketing nécessaire pour contrer la Playstation 3, que nous reste t-il en 2006, sur cette machine, de suffisamment fou, de fondamentalement détraqué, pour que nous en retenions le nom sans souci dans plusieurs années ? Dead Rising, compagnons de l'outrancier et de l'exagération ! Il ressort de Lost Planet, second blockbuster de l'éditeur sur la console de Microsoft, qu'il ne s'agissait que d'un échauffement.
Le titre supervisé par Keiji Inafuna, aussi à la tête de Onimusha et Megaman, n'a jamais cherché à se rendre plus malin qu'il ne l'est. Tout dans le coeur, rien dans la tête. Ses tripes exp(l)osées par plusieurs heures de jeu sur une version débug amputée d'une petite moitié du contenu final, le voilà, encore fumant, à nous faire de l'oeil. Me faut ma dose. N'importe quel niveau, laissez-moi goûter à l'action véritable, à l'excessif, à la fulgurance dans tout ce qu'elle peut posséder de viscéral. Pourquoi cet engouement ? Qu'est-ce qui peut justifier qu'un jeu d'action vous fasse tout oublier, vous permette d'entrer dans les mêmes états hypnotiques qu'un RPG ?
Ce n'est pas l'intrigue, aucun doute là-dessus. Capcom s'en débarrasse comme d'un poids inutile dans des saynètes ascétiques, pauvrement mises en scène. Seuls les cartons de l'introduction et le petit niveau préliminaire, tous deux raccordés dans un crescendo puissant, bénéficient d'une certaine tension, suffisamment en tout cas pour vous mettre le coup de pied là où il faut, et comme il faut. Dans un futur impossible, une planète dominée par la morsure du froid polaire est la convoitise de colons terriens. Mais tout trésor a un prix et ça sera celui du sang, pour changer. Bah oui, fallait pas. Avant toutes perspectives coloniales, il aurait d'abord fallu considérer ce globe comme le nid douillet des Akrids, les locaux arachnéens et insectes d'un fort beau gabarit. Si ces bestioles s'accommodent des conditions extrêmes qui caractérisent la planète, c'est qu'elles sont remplies d'énergie thermique. Il semblerait bien qu'à côté, le nucléaire soit de la petite soupe. Alors, devant la menace et la destruction massive des installations, la majorité des colons ne demandent pas leur reste et rentrent la tête basse. Les autres, soldats de la Nevec, force terrienne principale, pirates et autres industrieux de tous poils, persistent et signent. Pourquoi ne pas considérer l'Akrid moyen comme une providence énergétique au même titre que les entrailles de la planète ? Votre avatar, Wayne est de la Nevec pendant le bref instant du préambule. Il sera rapidement séparé de son corps militaire par l'arrivée d'un Green Eye, colosse Akrid de deux bonnes dizaines de mètres d'envergure. Tout le bataillon du jeune homme sera exterminé, son papa y compris. Hébergé par trois moustiques indépendants qui cherchent à vaincre les Akrids par des biais un poil plus subtils, notre avatar commence sa longue rumination faite de vengeance envers le meurtrier du paternel, de trahisons environnantes (totalement prévisibles) et de montée en puissance vers la source nourricière Akrid (on n'attend que ça !).
Bref, si le studio japonais faisait largement du plat à Zombie de Romero dans Dead Rising, les filiations sont ici plurielles. Pas mal de noms surgissent. En vrac, on peut citer, pour lui rendre honneur, Planète Hurlante et son Sirus 6B, Dune et son épice ou Starship Troopers et ses insectes. Mais Lost Planet contient surtout en lui tous les shoots à la 3ème personne pour mieux les surclasser. Tant de qualités viennent étayer cette affirmation : prise en main quasiment sans faille, des mécanismes qui forcent le spectacle, la nature même de cette planète et des Akrids, l'arsenal mis à disposition, la partie technique, certaines idées de level design etc... Il sera question dans cette preview des trois premiers points, le reste sera détaillé dans le test ou en vidéo.
Lost Planet dispose d'une prise en main excellente. Point de lock mais un viseur qui peut balayer librement l'ensemble du champ de vision. Tant que le curseur n'a pas abordé les limites de l'écran, l'orientation de la caméra reste inchangée. La vitesse de rotation est alors assez faible et il convient généralement de se rabattre sur les deux boutons LB et RB pour réaliser une volte express de 90°. De cette manière, il devient possible de couvrir efficacement les quatre axes. De la caméra, on retiendra finalement qu'elle s'avère en toutes circonstances bien positionnée et ne cherche jamais l'effet de mise en scène injouable. Le grappin est l'autre enfant terrible de la prise en main. Avec son aide, vous pouvez atteindre corniches et toits en un souffle. Il suffit de viser l'endroit qui permettra à Wayne de produire l'impulsion nécessaire à l'accession sur la plate-forme convoitée. Dans le sens inverse, chaque fois que vous dégringolez, volontairement ou non, dans un abysse ou à pic de précipice, le bonhomme, dans un mouvement de préservation logique, retient sa chute en rappel. Suspendu à son fil d'acier, le joueur peut remonter ou se laisser descendre, le tout en continuant à cartonner les ennemis autour de lui. Dernière astuce du grappin : le retourner directement contre les Akrids. Alors amouraché à la bestiole vous voilà en train de lui détruire les entrailles comme une espèce de lutin mortel qui bondit d'ennemi en ennemi. Grandiose.
Si Lost Planet prétend être le digne successeur de Dead Rising dans la peau du grand jeu malade, c'est encore grâce à une question de temps et de rythme. Un timer plane au-dessus de votre tête en permanence. Il indique votre réserve en énergie thermique, celle-la même qui vous maintient à température suffisante pour survivre. Dés que ce "fuel" est totalement consommé, et ça va vite, votre barre de vie descend rapidement. A contrario, tant que vous avez de quoi vous réchauffer, votre santé remonte, consommant un peu de cette énergie si précieuse. Celle-ci s'extrait de trois manières différentes : après avoir tué un Akrid, détruit certains éléments de l'environnement (plantes, roches énergétiques, réservoirs délaissés par d'anciens colons) ou activé des transmetteurs Nevec, sortes de points relais qui permettent de quasiment doubler votre volume d'énergie. Cette étape vous laisse vulnérable pendant une bonne dizaine de secondes, la zone l'entourant doit donc être sécurisée. Bref, de cette pression, Capcom crée encore le trouble sur la manière d'aborder votre progression. Clairement, il y a un rapport entre récupération de l'énergie et temps perdu à le faire. Certains ennemis ou éléments sont intéressants à "pomper", d'autres beaucoup moins vu le peu de volume qu'ils possèdent.
Mais la plus grande force de Lost Planet, ce qui le rend irrésistible pour toute personne qui a grandi avec Metal Hurlant, Aliens ou Starship Trooper, bref tous les fondus de séries B de science-fiction tendance torturée et barbare, c'est la bestialité traumatisante des Akrids et de la planète dans son ensemble. Les approches offensives de ces insectes ne sont pas bien compliquées : tout droit, la tête la première. Mais cela est effectué avec une telle violence, une si grande sauvagerie que les sensations pendant les combats sont bel et bien inédites à ce jour. Certains déboulent façon boule de neige déchaînée, au mépris de toute considération pour les baril d'essence , pour le moindre bout de décor en fait. D'autres battent rageusement la terre entre leur couperets qui ratissent tout ce qui se trouve autour d'eux. Les derniers surgissent du sol Dieu sait où et emplissent l'air de germes acérés dans un claquement au son insuportable. Ca grouille, ça crie, ça gicle, la surabondance est souvent de mise. Pour tuer ces horreurs, il faut d'abord repérer où se trouve leur poche d'énergie puis la percer de toutes parts. Evidemment, cette réserve se trouve généralement à l'arrière de la créature, et il faut donc trouver le moyen soit de contourner l'animal, soit d'arroser la poche directement de face, en faisant preuve de précision.
A côté de ces créatures évoluent aussi le petit et l'infiniment grand. Des nuées d'Akrids volants et de sauterelles de moindre taille viendront ainsi occuper l'espace le temps d'une plongée dans des arcanes souterrains ou au sein d'une tranchée naturelle. Le catalogue, enfin, est très sensiblement porté sur la grosse bébête. Presque chaque niveau, 14 au total, se conclut sur un boss, prolongement anatomiquement exagéré d'un Akrid existant. Impressionnant, mais loin d'égaler les vraies stars du jeu, des colosses Akrids qui se pointent ici et là en plein stage. Le Green Eye en est un, ainsi que l'immense ver des neiges déjà aperçu pendant les présentations du jeu il y a quelque temps. Parlons un peu de lui pour vous laisser la surprise des autres titans. Accompagné par un essaim de petits Akrids volants, voguant au coeur d'une banquise totalement morte, et traçant des sillons neigeux de plusieurs dizaines de mètres, ce gigantesque fiston de Franck Herbert,version mister freeze, laisse une impression totalement surprenante sur le joueur. Grâce à la présence d'un flot musical presque désespéré et fluet, la séquence qui nous impose d'échapper à sa morsure se pare de sentiments qui évoquent sans mal Shadow Of The Colossus. Voilà peut-être le dernier jeu auquel on aurait pu penser à propos de Lost Planet, et l'étonnement en est d'autant plus grand.
Alors, oui, il reste à effectuer une analyse plus objective sur cette bombe hivernale. Le jeu est véritablement hardcore, peut-être trop, Capcom ne change pas ses vieilles habitudes. Le level design fait preuve de pas mal de facilités, et se complaît dans une linéarité un peu regrettable. Sur le plan technique, cette version bêta accusait de très graves ralentissements à pas mal de reprises, ainsi que des bugs à foison. Si visuellement cela a des airs de rendu final, quelques effets comme le motion blur ou les SFX d'explosions bavent pas mal et nous laissent penser qu'il y a encore quelques retouches à faire. L'action vire très souvent au grand n'importe quoi. Mais pourtant, même au sein de ce chaos parfois illisible, subsiste cette terrible impression d'être propulsé chez les Cameron, les Mac Tiernan ou les Tsui Hark au meilleur de leur forme. Après pas mal de promesses manquées sur le renouveau du shoot à la 3ème personne et un premier fait d'arme de la 360 avec Gears Of War, Lost Planet a tout pour crever définitivement l'abcès. Relaunch !