Si le 7ème art a depuis longtemps compris et utilisé les mécanismes régissant le sentiment de peur, le milieu du jeu vidéo a encore un peu de mal à nous faire véritablement frémir. Bien que quelques survival-horrors soient parvenus à un stade très avancé dans le domaine de la suggestion macabre (Silent Hill 2 en tête), le FPS horrifique est davantage enclin à faire parler les douilles pour assurer son ambiance. Ainsi, F.E.A.R. représente une nouvelle étape dans le sens où le scénario est au moins aussi important que la progression, certes linéaire mais ô combien intelligente. Je vous invite donc à laisser votre esprit rationnel de côté pour pénétrer dans un monde où l'hallucination côtoie la suggestion la plus déformée, la plus malsaine.
Le FPS et l'horreur lient une amitié de longue date. Pourtant, leur relation est beaucoup moins fusionnelle que celle du malsain et du survival horror. Si nous avons eu droit au déjanté Painkiller qui assumait parfaitement son côté "rentre-dedans", Doom 3 lui a rapidement emboîté le pas avec une réalisation encore plus poussée. Cependant, si ce dernier et son add-on ont réussi à nous décocher quelques frissons, le côté redondant de l'action avait de quoi lasser. Le jeu de Monolith fut donc une véritable bénédiction pour les Pcistes puisque le fond était au moins aussi important que la forme. Là-dessus, il nous restait à attendre le premier add-on, Extraction Point, qui fut une semi-déception, ainsi que la version Xbox 360 du jeu original qui nous arrive plus d'un an après sa grande soeur. L'attente était-elle justifiée ? C'est ce que nous allons voir.
F.E.A.R. : First Encounter Assault Recon. Unité d'élite amenée à être confrontée aux situations les plus extrêmes d'origine paranormale. En tant que soldat de ladite unité, vous êtes habitué à faire face à toutes sortes de phénomènes étranges, c'est votre lot quotidien et pourtant... Débutant sur une ouverture intrigante, violente et fortement stimulante, F.E.A.R. pose d'emblée ses conditions qui vont faire de notre aventure, une expérience sans concession où le macabre sera notre compagnon de route. Brassant les influences cinématographiques et vidéoludiques, qui vont de Ring à Max Payne, le FPS ici présent réussit le tour de force d'avoir une identité propre, notamment par l'entremise d'une réalisation bien pensée qui sait doser les apparitions fantomatiques ou les hallucinations sanglantes. A ce sujet, Monolith a osé nous imposer de longues balades sans que le plus petit ennemi ne pointe le bout de son fusil. Loin d'être un défaut, cette décision est plutôt un atout qui assure à l'ambiance de toujours rester électrisante. De ce fait, ne vous étonnez pas si après sept ou huit heures de jeu, vous n'avez eu droit qu'à 5 ou 6 apparitions. En ces lieux, c'est bien la qualité qui prime sur la quantité, ce qui nous permet d'être encore étonné par certains effets de style génialement utilisés une fois arrivé aux 3/4 du jeu. Pour ne pas vous gâcher le plaisir, je ne m'étendrai pas sur ce point mais sachez simplement qu'en plus des apparitions, plusieurs trips (hallucinogènes ? Paranormaux ?) vous mèneront aux confins d'un monde étrange où le cauchemar rejoint la réalité.
Techniquement, la version Xbox 360 s'en sort avec les honneurs. Les effets de lumière sont fort réussis, les textures n'ont rien d'exceptionnel mais sont du niveau de celles vues sur PC (avec les options réglées aux maximum) et l'animation des ennemis est toujours aussi souple. On signalera également qu'un des "problèmes" de la version PC est ici résolu puisque désormais, il n'est plus possible de sauvegarder n'importe-où. Une bonne nouvelle pour les montées d'adrénaline qui ne se feront pas prier entre chaque checkpoint. De plus, les temps de chargements, s'ils sont toujours aussi nombreux, ont le mérite d'être assez courts. Par contre, pourquoi ne pas avoir résolu le souci de la lampe torche à l'autonomie limitée ? Ainsi, après Doom 3 et son troufion incapable d'utiliser du chatterton pour scotcher sa lampe à son flingue, nous avons droit à F.E.A.R. et son soldat suréquipé qui part au combat avec une lampe torche qui s'éteint toutes les 30 secondes. Franchement, je vois mal un membre du GIGN acheter un pack de piles marque Repère avant une mission de sauvetage ! Il faudrait vraiment que les développeurs réfléchissent à ce vrai problème et laissent tomber la solution qui veut que tout ceci ait été pensé pour accentuer l'ambiance.
En parlant de lampe torche, sachez que vos ennemis pourront très facilement vous repérer grâce à son faisceau lumineux. Vous devrez alors être constamment sur le qui-vive pour repérer des transmissions radios, le plus souvent synonymes d'ennemis qui patrouillent dans le secteur. D'ailleurs, sachez que vos adversaires font preuve d'une redoutable intelligence. Ils n'auront de cesse de sauter à travers les fenêtres, tirer dans les coins, pousser des éléments du décor pour se cacher derrière, passer par-dessus des rambardes pour venir à votre rencontre tout en essayant de vous contourner, d'attendre votre arrivée en campant sur leurs positions, etc. Leurs réactions sont à ce point vivantes que chaque affrontement devient une véritable délectation, du moins en mode Normal. Par contre, ceci vaut surtout pour les soldats lambda vu que les ennemis en armure ont plutôt tendance à venir vers vous, persuadés de leur invincibilité... Les fous ! Il vous suffira alors d'utiliser vos réflexes surhumains pour bouger rapidement pendant un certain laps de temps. Ce bref passage, représenté par un très bel effet de ralenti, vous permettra d'éviter les balles et de placer plus facilement un head-shot.
Malheureusement, on regrette que les techniques d'attaque tournent un peu en rond. Ceci est dû principalement au faible nombre d'ennemis ainsi qu'à une panoplie d'armes réduite. En gros, vous affronterez dans 80% des cas des hordes de soldats et croiserez de temps en temps des adversaires disposant d'un camouflage optique (et qui plus est très rapides) ou des drones volants armés de lasers. S'ajouteront à la liste, des adversaires oscillant entre un exosquelette sorti de la série Ghost In The Shell et le ED-209 de Robocop. Pour venir à bout de toute cette ménagerie, vous disposerez de deux flingues (un dans chaque main), d'un fusil d'assaut, d'une mitraillette, d'un lance-missiles sans oublier le fusil à pompe, le lance pieux (merci Painkiller) ou le fusil laser (idéal pour "effacer" un soldat). A ceci, vous pourrez ajouter quelques nouvelles armes sur Xbox 360 dont un modèle se situant entre l'Uzi et le pistolet de Paintball. De plus, une gamme de grenades vous permettra de varier les plaisirs. Bon, c'est un peu vite dit vu que les ennemis se laisseront rarement surprendre par ce genre d'attaques, mais on ne va pas jouer les rabats-joie. Avant que j'oublie, vous ne pourrez porter simultanément que trois armes, ce qui fait que vous devrez vite comprendre les forces et les faiblesses de chaque ennemi. Plus anecdotique encore, l'utilisation de tourelles de défense, histoire de faire le ménage avant d'arriver à un endroit précis. Certes, c'est très "gadget" mais ça défoule drôlement. Pour terminer sur tout ce bastringue, sachez que vous pourrez récupérer des kits de soin, des armures ou des bonus qui amélioreront votre jauge d'adrénaline ou de santé et ce de façon définitive.
Au final, F.E.A.R. n'est pas une révolution mais peut être vu comme un nouveau pas franchi vers un FPS plus classieux. La progression ne plaira peut-être pas à tout le monde, de même que les longs passages entre deux fusillades, mais il serait mal venu de bouder ce jeu sous ces prétextes fallacieux. F.E.A.R. est avant tout une question d'ambiance (même si la technique est au top) qui apporte d'ailleurs au titre une aura particulière. La réalisation est parfaitement maîtrisée puisque chaque apparition arrive à point nommé (même si certaines sont parfois séparées par de longues heures de jeu) et laisse souvent au joueur le temps d'en savoir un peu plus sur l'histoire en piratant des ordinateurs portables ou en écoutant des messages téléphoniques sur répondeurs. Dotée d'une durée de vie plus que correcte, la version 360 intègre des niveaux supplémentaires ainsi qu'un nouveau mode de jeu, Action Instantanée, dans lequel vous trouverez quatre stages que vous devrez terminer le plus rapidement possible afin d'obtenir le meilleur score. Ce mode sans grand intérêt laissera volontiers sa place au multi qui permet à 16 joueurs de s'affronter dans du Deathmatch, Deathmatch par équipe, Capture de drapeau, Elimination et Elimination par équipe. Fabuleux, Envoûtant, Ambitieux, Remarquable. FEAR marque de son empreinte le sol de la Xbox 360 et si le portage est un peu avare en nouveautés, il reste tout de même un excellent moyen pour tous les possesseurs de la machine de goûter à un des meilleurs FPS PC.
- Graphismes15/20
La gestion des lumières et des particules est fabuleuse tout comme les effets spéciaux (tirs, explosions) mais les décors n'ont rien d'extraordinaire et ont tendance à se répéter à l'image du niveau de l'immeuble où vous resterez au moins 5 heures. Il est également dommage que les ennemis soient si peu nombreux. Heureusement que ces derniers jouissent d'un design très recherché (entre Jin-Roh et Robocop) et que leurs animations soient incroyablement réalistes.
- Jouabilité15/20
La maniabilité est bonne, surtout si vous réglez le niveau de sensibilité selon votre convenance, l'utilisation du ralenti est exquise et si on ne note pas de vraies nouveautés sur Xbox 360, quelques nouvelles armes font tout de même leur apparition. Enfin, rendons hommage à l'IA du titre qui, malgré quelques petites errances, est d'un excellent niveau.
- Durée de vie13/20
Plusieurs niveaux de difficulté sont à disposition mais il sera bon de privilégier le mode Normal si vous ne voulez pas vous la jouer trop bourrin et ainsi profiter pleinement du jeu. Bien que le tout se termine en 10 heures, vous pourrez sans aucune peine recommencer le titre pour bien comprendre l'intrigue. Le mode Action Instantanée est relativement inutile et quant au multijoueur, il peut accueillir 16 joueurs et dispose de plusieurs défis différents parmi lesquels du Deathmatch (solo ou en équipe), CDD, Elimination... Du très classique pour ainsi dire.
- Bande son19/20
A mon avis, voici le point le plus abouti de F.E.A.R. qui propose des musiques éclectiques qui accentuent énormément l'immersion. Les influences vont du classique à des thèmes tribaux en passant par de l'Ambiant. D'ailleurs, on pourra s'étonner de retrouver des musiques (hallucinantes) dans la droite lignée des compositions de Hans Zimmer ou de Thomas Newman. De même, les bruitages sont on ne peut plus réalistes (ha le sifflement lorsqu'une grenade explose trop près de vous) et le doublage est très impliqué.
- Scénario14/20
Le scénario de F.E.A.R. cache de nombreuses subtilités qui en font toute la richesse. La mise en scène, en minimisant les apparitions de la mystérieuse fillette, est ingénieuse mais il est étrange que 80% des révélations nous soient donnés lors des deux dernières heures. Certains seront peut-être déçus mais entre un Doom 3 qui utilise toujours les mêmes ficelles et un F.E.A.R. qui sait ménager son suspense, on aura tôt fait de choisir son camp. De plus, rien que pour la scène de fin cataclysmique et le dernier plan tout bonnement génial, le scénario vaut le coup.
F.E.A.R. n'est pas le FPS parfait mais ses nombreuses qualités sont indéniables : suspense savamment dosé, ambiance "horrifico-science-fictionnelle" travaillée, IA incroyable, scènes d'action démentielles, bande-son quasi parfaite. Ainsi malgré un scénario qui peut sembler sous-exploité, la maigreur des nouveautés de cette adaptation, le peu de décors ou le faible nombre d'armes et d'ennemis, on se prend un sacré trip en bourlinguant dans le jeu de Monolith. Vous n'aurez peut-être pas peur mais c'est pourtant l'Origine de ce jeu qui vous fera fixer ce sombre couloir où quelque chose vient d'émettre un bruit, un très léger bruit...