Les jeux vidéo en rapport à la Seconde Guerre mondiale glorifient-ils l'héroïsme de tous ces hommes et femmes qui sont morts pour la liberté ou l'événement en lui-même ? Interpellation légitime puisque l'industrie vidéoludique s'est, depuis longtemps, emparée de ces six années marquées du sceau de la terreur pour en sortir des blockbusters de pixels eux-mêmes calqués sur leurs homologues filmiques. Si la question reste en suspens, Call Of Duty 3 ne s'embarrasse nullement de ces interrogations en accentuant comme jamais le côté hollywoodien de sa substantifique moelle. Le résultat est comme on pouvait l'espérer : Explosif.
Frère ennemi de Medal Of Honor, Call Of Duty n'a, comme son concurrent de toujours, jamais cherché à cacher ses origines cinématographiques. Mieux, il s'est libéré des entraves de certains films pour porter à son paroxysme l'ambiance chaotique née des combats qui ont émaillé la Seconde Guerre mondiale. Le but d'Activision n'était donc pas de concevoir le FPS le plus réaliste possible mais au contraire de reprendre les mécanismes de n'importe quel film de guerre en plaçant le joueur au coeur même de l'action pour que l'immersion soit totale. Pourtant, de ce parti pris est né un véritable paradoxe. En effet, si nous retrouvions bien tous les éléments d'un Jour le plus long, Il faut sauver le soldat Ryan, Les canons de Navarone ou Frères D'Armes dans notre console, le fait est que le joueur ne s'était jamais autant senti spectateur. Progression millimétrée, événements pré-calculés, linéarité optimale afin d'être aux premières loges pour ne rien manquer de l'esbroufe technique, tout fut mis en oeuvre pour que nous n'en perdions pas une miette et ce, parfois, au détriment de notre implication dans ce qui se passe à l'écran. Loin de se remettre en question, Treyarch a poursuivi ses expérimentations avec CoD 2 en maximisant l'impact visuel notamment sur la Xbox 360. Bien entendu, CoD 3 poursuit dans cette voie et si le film se savoure de plus en plus, le jeu, lui, a un peu de mal à s'émanciper de ses origines.
1944 : Normandie. Les Allemands n'en ont plus pour longtemps mais ils opposent toujours une résistance féroce aux Alliés. Les campagnes françaises sont couvertes de sang, le visage de la France est meurtri mais l'espoir n'est pas mort. C'est dans ce climat de tension extrême que vous, fier soldat américain, allez prendre part à une des plus grandes batailles de l'histoire. Une fois le décor planté, il est temps de balancer les bombes et de faire hurler les Allemands. Et là, on en a pour notre argent. Comme je le disais plus haut, CoD 3 est la représentation absolue du jeu pop-corn. Certes, on a notre rôle à jouer dans l'histoire mais le plus souvent, on reste pantois devant toute cette fanfare d'explosions en attendant que nos compatriotes éliminent le gros des troupes ennemies. D'ailleurs, si vous voulez faire durer le plaisir, optez dés le départ pour le mode Normal ou Difficile afin de ne pas terminer trop rapidement les 14 chapitres constituant le mode Solo.
Malheureusement, ce choix influe seulement sur la résistance des ennemis et leur nombre. En fin de compte, on se rend compte que CoD 3 est un jeu trop facile pour plusieurs raisons. Premièrement, le fait de retrouver très rapidement sa santé une fois qu'on se met à l'abri permet de pouvoir y aller comme une brutasse puis de se planquer en attendant de repartir au combat. Ensuite, vos compagnons vous mâchent souvent le travail en tuant un grand nombre d'adversaires avant même que vous ayez pu faire quoi que ce soit. Enfin, l'IA calamiteuse nous offre quelques grands moments de n'importe quoi avec des adversaires attendant cinq secondes avant de tirer alors que vous êtes devant eux ou en se laissant prendre à revers comme des débutants. On peut d'ailleurs s'étonner d'une telle absence d'intelligence pour un aussi gros jeu et c'est encore plus flagrant quand on compare le titre de Treyarch avec un F.E.A.R., pour ne citer que lui.
Pour masquer ces carences intellectuelles, on aurait pu penser que les développeurs auraient multiplié les nouveautés de gameplay mais une fois encore, c'est un peu la désillusion. Néanmoins, on a maintenant droit à quelques attaques surprises de soldats (à l'image des assauts des SDF de Condemned) qui nous obligeront à tapoter rapidement sur deux boutons pour dévier l'attaque, puis à appuyer sur une touche spécifique afin de neutraliser l'assaillant. Pourquoi pas, mais vu que ce genre de scènes n'intervient qu'à quatre ou cinq endroits précis, le tout fait vraiment office de gadget. On retrouve aussi ces fameuses actions contextuelles lors de posages de bombes mais ici aussi, ce n'est guère probant vu qu'il n'y a aucun challenge à la clé. Pire, ces passages sont assez nombreux et vite soûlants. Pourtant, la diversité est bel et bien le maître mot de CoD 3 qui aligne des séquences diverses et variées : repérage de cibles pour indiquer à un char où tirer, pilonnage de véhicules avec un mortier, conduite de jeeps (relativement loupées ceci dit) ou de tanks, etc. Mais malgré cette succession de petites surprises, la progression s'enlise vite dans une certaine routine, la faute en incombe aussi à des environnements plus homogènes que ceux du dernier volet. Par contre, cet aspect est tempéré par la beauté des décors, des textures et surtout des effets spéciaux. On a beau constater pas mal de bugs graphiques (soldats qui traversent les murs, corps qui disparaissent...), on reste quand même pantois devant ce jeu "Michael Bayesque". En parlant de ça, j'allais omettre de préciser qu'on peut désormais rattraper les grenades jetées à nos pieds pour les renvoyer à l'adversaire. Bien entendu, le tout doit se faire très rapidement, bien entendu, on utilise rarement cette possibilité mais elle a au moins le mérite d'exister et de nous faire économiser nos propres munitions.
Une fois qu'on aura terminé le mode principal après une huitaine d'heures de jeu, il sera temps de se connecter sur le Xbox Live pour une petite partie en multi. qui peut accueillir jusqu'à 16 joueurs. Ici, cinq modes de jeu vous attendent : Guerre, Capture du drapeau, CDD un drapeau, Quartiers généraux et enfin Combat & Combat équipe. Du très classique en somme mais qui remplit bien sa fonction avec des échauffourées de haute volée où il est aussi important de bien maîtriser son fusil que de connaître la topographie des lieux pour attaquer ses petits camarades tel un ninja. Bref, CoD 3 est la copie quasi conforme de son aïeul et opte pour la solution de facilité qui consiste à améliorer l'aspect cinématographique de l'oeuvre au détriment du gameplay qui ne peut s'enorgueillir que d'une ou deux nouveautés pour le moins dispensables. Est-ce à dire que la série d'Activision doit absolument évoluer pour perdurer ? On serait tenté de répondre par l'affirmative même si on ressort une fois de plus complètement lessivé de l'aventure, certes très courte mais pour le moins efficace.
- Graphismes15/20
On regrette que les décors de CoD 3 ne soient pas aussi éclectiques que ceux de son aîné mais qu'on ne s'y trompe pas, le graphisme du titre reste d'une niveau étonnant. Les bâtiments tombent sous le poids des explosions, les herbes oscillent au rythme du vent balayant la campagne française et la pluie ruisselle sur des soldats fatigués fort bien modélisés. En contrepartie, on note plusieurs bugs graphiques qui font un peu tache.
- Jouabilité15/20
La maniabilité ne soulève pas de gros problèmes même si l'IA est laborieuse. On constate tout de même plusieurs bugs (personnages traversant des murs ou bloquant le passage alors qu'on leur tire cinquante cartouches dessus) et les rares nouveautés liées aux actions contextuelles n'apportent quasiment rien. Enfin, la conduite de jeeps est loupée et celle du tank reste un peu plus immersive sans être transcendante.
- Durée de vie14/20
On éteint les lumières et on les rallume huit heures plus tard après avoir terminé le mode Solo. Le niveau Facile est à bannir, le Normal une évidence et le Difficile à préconiser. Une fois s'être pris une bonne claque dans la figure, vous pourrez vous connecter au Live pour des parties multijoueurs aux modes de jeu habituels mais aux maps vastes et bien pensées ainsi qu'à l'ambiance tout simplement fabuleuse.
- Bande son16/20
Entre John Williams pour l'utilisation abondante de cuivres, et Hans Zimmer pour le côté épique des compositions. Les bruitages sont criants de réalisme et le doublage français est de bonne qualité à l'exception de quelques doubleurs qui n'y croient pas trop.
- Scénario11/20
Chargez, armez le chien et tirez ! Le scénario n'a rien de fantastique tout comme la mise en scène des cinématiques qui est bien trop figée. En parallèle, l'ambiance du jeu est tout simplement formidable, mais ceci a trait davantage à la bande-son ou aux événements pré-calculés qu'au script en lui-même.
Call Of Duty 3 est une expérience moins intense que celle de son prédécesseur mais se pose tout de même comme une bonne baffe, surtout si on ne connaît pas les deux premiers opus. Cependant, il serait temps que Treyarch révise sa copie en rajoutant de vraies nouveautés et en se penchant un peu sur l'IA des adversaires ou la construction linéaire de son aventure solo qui se termine toujours trop rapidement. Heureusement que le multi vient combler un manque évident d'heures de jeu mais malgré cela, l'impression générale laissée par CoD 3 reste mitigée.