Pour la petite histoire, sachez que le manga de Watsuki, Rurouni Kenshin, a déjà connu plusieurs adaptations vidéoludiques, notamment deux épisodes PSOne sortis uniquement au Japon. Avec cet opus dédié à la PS2, les joueurs occidentaux risquent encore une fois d'être lésés, c'est pourquoi je conseillerai aux plus fans d'entre vous de ne pas attendre une hypothétique distribution européenne qui ne viendra probablement jamais, et de se procurer ce titre en import s'ils ne craignent pas les contraintes inhérentes à la barrière de la langue. Ceux qui n'en ont pas la possibilité peuvent toutefois se consoler en se disant que le soft n'est pas non plus une réussite totale, loin de là, même si l'on a énormément de plaisir à retrouver l'ambiance du manga original dans ce titre qui couvre toute la période Kyoto, partie centrale de l'histoire de Kenshin.

Sur les 28 tomes du manga, le jeu s'intéresse donc aux volumes 7 à 17 qui retracent la lutte de Kenshin et ses compagnons contre Makoto Shishio et ceux que l'on prénomme les Dix Sabres. Je n'ai malheureusement pas la place de m'étendre plus longuement ici sur le scénario, mais celui-ci réserve autant d'affrontements mémorables que de scènes poignantes, et il constitue sans surprise l'un des points forts du soft. Celui-ci a, en effet, le mérite de respecter scrupuleusement l'histoire originale, en s'inspirant directement de la série animée, à grands renforts de cut-scenes et d'écrans fixes superbement choisis. Bien sûr, on regrettera de ne pas trouver carrément des extraits du dessin animé pour appuyer la narration qui tient une place importante dans le jeu, mais le fait que celui-ci conserve à la fois les voix japonaises de la série et la plupart des musiques compense largement cette déception. Cette adaptation a donc déjà la mérite de proposer une atmosphère réussie, très respectueuse de l'oeuvre originale, nous permettant ainsi de replonger en quelques secondes dans une histoire qui se révèle vite bien plus profonde qu'elle peut le laisser paraître.

Comme le veut bien souvent la tradition lorsqu'il s'agit d'adapter un manga ou une série animée en jeu vidéo, les développeurs ont opté pour une réalisation à base de cel shading qui offre un rendu plutôt convaincant dans le cas présent. Les contours sont suffisamment ténus pour ne pas dénoter avec les environnements, et les effets n'entravent pas trop la lisibilité de l'action. Les frappes au sabre sont bien mises en valeur, et le déclenchement des attaques spéciales donne lieu à une mise en scène plutôt réussie. Pour ne rien gâter, le joueur a la possibilité de s'éloigner du coeur de la bataille pour jouir d'une meilleure vue d'ensemble, ou au contraire de rapprocher la caméra derrière son personnage pour chercher à placer des contre-attaques. Les combats peuvent, soit faire intervenir une bonne vingtaine d'adversaires simultanément que vous devez éliminer dans une arène fermée, ou encore se dérouler sous la forme d'un duel contre un personnage clé de la série. L'utilisation des gâchettes pour modifier l'orientation des vues devient alors indispensable, puisque cela vous permet de garder le contrôle sur vos déplacements par rapport à vos ennemis.

En règle générale, la méthode recommandée pour surprendre l'adversaire consiste à combiner les touches L1+R2+Rond tout en imprimant une direction sur le stick analogique afin d'esquiver facilement un assaut pour se placer derrière l'ennemi et pouvoir contre-attaquer, tout ça sans risquer de le perdre de vue. Si vous jouez en difficulté normale ou supérieure, vos opposants vous obligeront ainsi à jouer avec un minimum de finesse et pourront profiter de la moindre inattention de votre part pour vous terrasser en quelques coups. Sachant que le mode Facile vous donne, à l'inverse, l'impression de vous battre contre des légumes en hibernation, vous avez tout intérêt à jouer en Normal si vous ne voulez pas anéantir tout plaisir de jeu. Qui plus est, il faut reconnaître que le gameplay de Kenshin s'avère globalement très perfectible, et même si l'on note quelques idées intéressantes, les sensations offertes sont loin d'être convaincantes.

Construit un petit peu à la manière d'un jeu d'aventure, vous verrez pourquoi un peu plus loin, le soft vous permet de faire évoluer les caractéristiques de vos personnages au fil de leur périple. A chaque fois que vous remportez un combat, vous avez ainsi la possibilité d'améliorer les aptitudes de votre choix ou d'opter pour une répartition automatique. A cela s'ajoutent les techniques spéciales que vous apprenez en franchissant un cap dans le scénario, par exemple lorsque Seijûro Hiko lègue le Dragon Divin à son disciple ou que Sanosuke apprend le Futae no Kiwami auprès d'Anji dans la montagne. Tous les personnages principaux disposent ainsi de deux arcanes spéciaux très puissants auxquels vous pouvez recourir en combat, en plus de leurs techniques de départ.

Au final, on se rend compte que la panoplie de coups aurait gagné à être plus étoffée, car on se retrouve souvent à appliquer le même schéma d'attaque contre tous les adversaires du jeu. En dernier recours, vous avez la possibilité d'appuyer sur R3 lorsque vous êtes sur le point de mourir pour passer en mode Désespoir afin de renverser la situation. L'écran prend alors des couleurs apocalyptiques et vous disposez d'attaques beaucoup plus puissantes qu'à l'accoutumée, tandis que les mouvements de votre adversaire sont considérablement ralentis pour vous donner l'avantage. Malgré tout, mieux vaut ne pas en abuser pour ne pas risquer de s'écarter du scénario normal et de se voir ensuite obligé de lutter contre ses propres compagnons. Ce qui peut s'expliquer par le fait que vous aurez laissé votre héros succomber à sa folie meurtrière, comme lorsque Kenshin devient Battosai l'assassin dans l'histoire originale.

Il y a quand même une question qui doit vous brûler les lèvres à ce stade de votre lecture : mais quels sont les personnages jouables ? Le soft n'en propose en fait que quatre, à savoir Kenshin Himura, Sanosuke Sagara, Hajime Saitô et Aoshi Shinomori. Et encore, vous devrez terminer le scénario de Kenshin sans recourir une seule fois au mode Désespoir si vous voulez débloquer Aoshi. Chacun de ces protagonistes dispose quand même d'un scénario bien à lui, et bien que l'affrontement final avec Shishio soit inévitable, ils ont tous leur propre lutte à mener. Je n'en ai pas encore parlé mais les phases d'exploration tiennent une place non négligeable dans le déroulement du jeu, à savoir que vous devrez régulièrement choisir une destination depuis la carte de Kyoto pour visiter l'un des quartiers proposés. Il s'agit alors d'interroger les autochtones pour obtenir des renseignements, tout en japonais bien évidemment. Ce qui rend ces phases un peu pénibles, c'est le fait que les événements diffèrent selon le moment de la journée où vous vous rendez dans un lieu, ce qui complique grandement les choses quand on ne sait plus ce que l'on attend de nous. Par conséquent, on finit par abréger ces phases en allant droit au but pour faire avancer le scénario, plutôt que de revisiter régulièrement chaque endroit dans l'espoir de rencontrer un adversaire optionnel.

Ce n'est d'ailleurs pas le seul reproche que l'on pourra adresser à cette adaptation de Kenshin qui souffre également d'une rejouabilité très limitée. Certes, il est possible de reprendre un même scénario plusieurs fois pour découvrir de nouveaux événements, mais le déroulement ne diffère que très peu. De la même façon, les plus perfectionnistes devront recommencer x fois chaque combat pour rassembler la totalité des répliques des personnages, ce qui ne fait que rallonger la durée de vie de façon factice. Il est dommage aussi que les scènes les plus tragiques aient été atténuées, notamment lors du duel entre Aoshi et son ancien maître Okina, ou lors de l'intervention mémorable de Yumi entre Kenshin et Shishio. Je ne rentrerai pas plus dans les détails pour ne pas spoiler, mais il est vrai que le fait de ne suivre que les 4 héros principaux nous empêche de profiter de certaines scènes pourtant marquantes, comme la défense de l'Aoiya ou encore le face-à-face dantesque entre Seijûro Hiko et le géant Fuji. Au final, le plus frustrant est de ne pouvoir contrôler aucun des protagonistes croisés durant l'aventure, que ce soit Jin'é, Misao ou n'importe lequel des Dix Sabres. C'est d'autant plus incompréhensible que ces personnages ont bien été créés, avec leur propre palette de coups, puisqu'on peut les affronter, alors pourquoi ne pas avoir pensé à intégrer un mode Versus pour en profiter ? Tout juste pourrez-vous débloquer un mode Survival sur lequel vous ne passerez guère de temps à cause de sa difficulté. Malgré toute la passion que j'ai pour Kenshin, j'étais obligée de terminer sur une note un peu triste pour que les fans ne s'attendent pas à trouver là le soft de leur rêve. Si l'adaptation vaut surtout pour sa fidélité au manga et pour son ambiance générale, elle comporte trop de lacunes dans son contenu pour nous satisfaire pleinement.