De son vrai nom Rythm Tengoku, le soft de Nintendo peut se résumer par l'imbrication de Wario Ware dans le monde de la musique. Reposant sur des mini-jeux totalement décalés, ce dernier reste la référence de l'ovni vidéoludique simple et enivrant. Reprenant cette recette goûteuse à son compte, Rythm Heaven l'intègre de manière homogène tout en ajoutant un plus non négligeable, la notion de rythme. Un facteur extrêmement important dans le sens où il est l'un des seuls à garantir au jeu de conserver sans aucune interruption l'attention totale et concentrée du joueur. De fait, les petites épreuves ne sont pas survolées et oubliées, mais bel et bien vécues intensément. De plus, le fait d'apprendre parfois par coeur certaines rythmiques assez complexes force à se souvenir un long moment des tâches incriminées et provoque un attachement plus fort au soft.

Un double intérêt donc, que les développeurs ont bien saisi et dont ils se servent avec une science indubitable. Effectivement, alors que l'on peut se dire légitimement qu'un gameplay basé uniquement sur la compréhension d'une cadence a de grandes chances de tourner court à n'importe quel moment, le titre nous prouve très rapidement le contraire en développant une intelligence rare dans la déclinaison de ce système. Aucun des mini-jeux ne ressemble à un autre, même si les manipulations nécessaires restent assez souvent similaires. Le "génie" du soft est justement d'arriver à se renouveler constamment, soit par le biais d'un environnement visuel différent, soit grâce à une tâche spécifique. Par exemple, vous devrez à un moment donné diriger un samurai sabrant quelques démons totalement dénués de charisme et à un autre instant frapper dans une balle avec un joueur de base-ball. Dans les deux cas, vous aurez l'obligation de respecter la ligne rythmique en pressant la touche "A" mais dans un contexte différent, face à une cadence unique et surtout avec des difficultés particulières.

La plaisir de la découverte ne s'éteint donc jamais et la seule envie qui se forme en nous est celle nous dictant de progresser encore et encore pour s'émerveiller une fois de plus à la vue de la richesse imaginative du jeu. Une base tentaculaire partant dans des dizaines de directions à la fois et brassant un grand nombre de références, le tout dans une atmosphère complètement délirante, voire psychédélique. Entre les trois petits singes revêtant une tenue digne des animateurs des années 80 et effectuant une chorégraphie, le joueur de base-ball tentant désespérément de protéger une soucoupe volante, ou encore l'oignon géant demandant une épilation, même les plus rêveurs seront surpris par ce fil toujours ténu entre le ridicule et un humour surréaliste assumé. D'autant que le jeu ne se contente pas de suivre bêtement cet enrobage savoureux, apportant une pointe épicée de gameplay à ce plat exotique. En effet, le système de jeu "vit" vraiment avec la notion de rythme, la faisant évoluer suivant ses besoins et souvent avec une vision très juste. Le meilleur exemple reste la dualité entre l'épreuve des souris et celle du karaoké. Dans le premier cas, le principe de la cadence est réduit à son côté purement réflexe, dans le sens où vous devez simplement appuyer au bon moment sur la touche correspondante pour vous cacher derrière un obstacle, puis la relâcher dès que vous désirez vous enfuir, au signal donné par vos compagnons. Dans la seconde option, votre objectif est de vous caler sur la musique, de comprendre les différentes rythmiques du morceau et de les appliquer au moment opportun. Il est de fait possible de découvrir les deux extrêmes de l'éventail dans une cohérence générale digne d'éloges.

La folie furieuse s'exhalant du soft est elle aussi un gage de plaisir, notamment par le biais d'un souci du détail et de la mise en scène assez probante. Chacun des personnages mis en cause répond suivant vos performances, souvent de manière vraiment amusante, et les divers stages rivalisent de petites animations distrayantes ou tout simplement exposent un parti pris graphique ouvertement barré. De fait, l'attachement à ce monde de fous est immédiat et le simple fait d'y prendre part contribue à la joie diffusée par le soft. Allant jusqu'au bout du délire, chaque niveau, composé de cinq stages souvent de courte durée, se termine par une épreuve spéciale, mélangeant toutes les précédentes dans un feu d'artifice étonnant. Basé sur une mélodie inédite, ce mix final enchaîne toutes les différentes phases dans une fluidité désarmante, vous obligeant à maîtriser au mieux chaque mini-jeu et à tenter de gérer votre surprise. Ces étapes presque brûlantes participent grandement à faire de chaque partie terminée une sorte de final s'ouvrant invariablement sur l'envie de connaître une nouvelle fois cette panique. Certes, Rythm Heaven n'est peut-être pas totalement original sur la forme, rappelant tout de même furieusement Wario Ware sur certains tableaux et possède une difficulté étrangement réglée, mais sa force ludique et son fun omniprésent en font l'un des jeux phares de la GBA. Espérons que Nintendo fasse un geste pour l'Europe et nous donne l'occasion de profiter pleinement d'un soft loin de la scène mais aux qualités évidentes. Et puis un jeu qui propose un simulateur de chat musical ne peut pas être foncièrement mauvais.