Dans l'esprit d'un bon roman d'Agatha Christie, The Ship : Murder Party nous invite à bord d'un majestueux paquebot pour une grande croisière qui tourne au vinaigre. Les règles du jeu sont simples : tous les passagers sont des meurtriers potentiels et ont pour tâche d'abattre une proie précise sans savoir qui est à leurs trousses. Avec son atmosphère kitsch et ses airs de Cluedo, The Ship est une expérience tentante sur le papier.
Reprenant à la lettre tous les bons clichés du genre, The Ship est un soft qui baigne dans une ambiance feutrée des années 30, et qui intrigue à la fois par son design cartoon et son concept totalement inédit. L'idée de mettre aux prises des personnages a priori inoffensifs et dénués de mauvaises intentions dans un contexte pompeux qui vire à la tuerie générale a déjà de quoi susciter l'intérêt du joueur. L'instigateur de cette mascarade est un mystérieux personnage masqué et coiffé d'un chapeau haut de forme connu sous le pseudonyme de Monsieur X, qui ne laisse pas d'autre alternative à ses passagers que de s'entretuer, dans le pur esprit d'un Battle Royale. En dehors du fait que vous devez tuer avant d'être tué, le ton général du soft se veut complètement parodique et propice à des situations burlesques qui promettent des parties mémorables, en théorie.
Avec un tel postulat de départ, les développeurs ont dû trouver les moyens de concrétiser cette Murder Party virtuelle sans faire passer à la trappe les nombreuses idées prévues à la base. Une tâche qui s'est avérée sans doute plus difficile que prévue, compte tenu des trop nombreuses approximations qui caractérisent ce titre. Sur le plan purement technique, The Ship est largement en dessous de ce qu'on attendait pour un jeu PC, et seul le character design caricatural rattrape cette mauvaise impression ressentie au niveau visuel. Il faut dire que le style particulier des protagonistes colle merveilleusement à l'ambiance générale et à l'époque rétro à laquelle se déroulent ces événements morbides. Même si le joueur n'a pas la possibilité de choisir l'apparence de son personnage, ce qui s'explique par le fait que l'on en change régulièrement lors des parties online, tous les personnages du jeu ont quelque chose d'absurde qui les rend inoubliables. Autant dire que vous n'aurez aucun mal à mémoriser le visage de votre future victime si tant est que vous la démasquiez, mais vous allez voir que les concepteurs ont pensé à bien des choses pour préserver l'anonymat des membres de la croisière.
La première chose à faire lorsqu'une chasse est lancée, c'est de fouiller sa propre cabine pour récupérer un maximum d'objets utiles. De simples cannes ou des parapluies peuvent déjà constituer des armes de base non négligeables, tandis que les vêtements trouvés dans les armoires pourront vous procurer un déguisement salvateur si vous les utilisez après avoir commis un crime. Sachez tout de même que l'inventaire est limité, et qu'il vaut donc mieux ne pas l'encombrer d'objets futiles comme des romans ou des magazines qui ne vous serviront qu'à vous divertir en cas d'ennui. Par ailleurs, le simple fait d'être surpris en possession d'une arme suffit à vous envoyer en prison, chaque paquebot comportant un espace carcéral prévu pour pénaliser les joueurs imprudents. A votre sortie, vous aurez non seulement perdu du temps mais aussi tout l'argent et les objets qui étaient en votre possession, mieux vaut donc éviter de sortir quoi que ce soit de suspect devant une caméra de surveillance, ou d'éliminer une proie sous les yeux d'un témoin.
Pourtant, l'IA vraiment médiocre de The Ship n'incite pas vraiment à prendre un maximum de précautions, quand on voit qu'il est possible de massacrer quelqu'un à moins de deux mètres d'un garde, sans avoir eu besoin de le soudoyer. Ce n'est qu'un des multiples défauts d'IA que nous avons pu constater en jouant, mais même lors des parties online, ce côté approximatif gâche considérablement le plaisir de jeu. D'énormes bugs de collision surviennent dès que vous croisez trop de monde dans des endroits confinés, et ce manque de précision se retrouve également lors des agressions physiques. Par ailleurs, le soft n'offre pas autant de liberté que prévu dans le sens où les interactions possibles avec l'environnement restent assez limitées, vous interdisant de brandir n'importe quel vase ou de vous emparer de n'importe quel couteau si ce n'est pas prévu au départ. Résultat, on se retrouve bien souvent à recourir aux mêmes armes classiques, telles que la hache ou le revolver, en attendant que sa proie daigne s'isoler dans un endroit situé à l'abri des regards. Les parties auraient pu s'avérer autrement plus intéressantes si on nous avait donné les moyens de forcer un autre joueur à tomber dans un piège, et si les meurtres subtils avaient été plus faciles à mettre en place.
Au bout du compte, si tant est que vous parveniez à déclencher un piège à bon escient, vous pourrez enfermer votre ennemi dans un sauna, dans un congélateur, ou même lui faire tomber un chandelier ou un canot de sauvetage sur la tête. Notez que les blessures non mortelles peuvent être guéries en passant à l'infirmerie. Il faut savoir que plusieurs variantes sont proposées lors des parties online, le mode solo n'étant pas suffisamment passionnant pour tenir la route à long terme. Sur les serveurs, vous aurez ainsi la possibilité de jouer en mode Chasse (éliminer sa proie dans un laps de temps limité), Elimination (rester le dernier chasseur en vie), Duel (règlement de compte à deux joueurs) et Match à Mort (tuerie générale avec des récompenses variables en fonction de l'arme utilisée). Quelques mots tout de même sur la façon dont les besoins naturels sont gérés dans le jeu, même si leur traitement n'a finalement pas énormément d'influence sur le déroulement des parties.
A l'instar des Sims, les passagers du bateau sont tous dépendants de certains besoins qui les obligent à entretenir une hygiène minimum, ou encore à s'alimenter et se reposer régulièrement. Toutes vos actions auront une incidence plus ou moins grande sur ces besoins, et une liste d'icônes vous signalera régulièrement de faire attention à tel ou tel critère si vous ne voulez pas en subir les conséquences (déprime, fatigue, endormissement, etc). A titre d'exemple, vous pourrez vous installer au restaurant pour prendre des repas plus ou moins consistants, vous asseoir sur une chaise pour récupérer, faire la sieste sur un lit, prendre une douche, ou encore danser lorsque votre personnage ressent le besoin de se distraire. Je vous laisse imaginer les situations cocasses que ce système peut engendrer dans un contexte où n'importe qui peut venir vous assassiner à tout moment. Quant à l'argent, il sert surtout à faire des achats dans les boutiques, et peut être entreposé à la banque pour éviter de se retrouver à sec après une mort imprévue. En dépit de ses défauts et de ses limitations, The Ship : Murder Party a le mérite de s'essayer à un concept suffisamment original pour mériter le coup, d'autant que le titre est proposé à un prix assez attractif.
- Graphismes11/20
On est très en dessous du résultat attendu sur le plan visuel, même si l'ambiance kitsch et le design caricatural des personnages rattrapent un peu les lacunes techniques du soft.
- Jouabilité11/20
La jouabilité s'inspire des FPS, même si l'action n'est pas prédominante. On regrette que les déplacements soient aussi lents, que le gameplay soit aussi approximatif et surtout que les pièges à déclencher ne soient pas plus nombreux. Résultat, on se limite souvent aux armes classiques pour éliminer ses adversaires. Par ailleurs, les interactions possibles sont également plus limitées qu'on ne l'aurait cru.
- Durée de vie13/20
Plusieurs paquebots sont accessibles et leur grandeur offre de bonnes parties de cache-cache. Les missions solos sont trop scriptées, mais le jeu s'avère plus intéressant en online face à des joueurs humains.
- Bande son12/20
L'ambiance sonore fait intervenir des thèmes classiques très connus qui conviennent bien à la période traitée, mais on aurait bien aimé entendre les personnages s'exprimer.
- Scénario14/20
Le postulat de départ est déjà assez original pour se suffire à lui-même, d'autant que les parties online prennent vite le pas sur le mode solo scénarisé.
Partant d'une idée réellement attirante et originale, The Ship : Murder Party ne concrétise pas vraiment ses ambitions sur le plan technique, et affiche trop de limitations en termes de gameplay pour offrir suffisamment de liberté d'action. Malgré tout, l'ambiance est amusante et les parties online valent le coup d'oeil, surtout que le soft est vendu à un prix assez attractif.