Paru dans nos vertes vallées il y a pratiquement six mois, Atelier Iris : Eternal Mana voit donc arriver sa suite du haut de son originalité encore de mise. Sous-titrée The Azoth of Destiny, cette séquelle n'a aucun lien direct avec son vénérable prédécesseur, reprenant simplement le fonctionnement magique d'un univers l'étant tout autant. Klein se retire dans les coulisses de la féerie pour laisser sa place d'alchimiste en chef non pas à un, mais à deux personnages principaux d'égale importance. Un parti pris très intéressant qui permet de donner au titre de Gust une dimension supplémentaire dans un monde "old-school" rappelant Secret Of Mana. Raison de plus pour s'y glisser.
Dépeignant un environnement doux aux odeurs sucrées de conte enfantin, le premier Atelier Iris mettait clairement en avant cette ambiance simple, dénuée d'artifices et à la candeur assumée. Piqué d'un humour attachant et d'un système de jeu assez innovant, ce titre était réellement une petite envolée fraîche dans le monde du RPG. Néanmoins, sa suite se détache quelque peu de ce constat et se choisit une voie à suivre, un but à atteindre. Elle se construit une trame cohérente ménageant ses effets au sein de rebondissements plus ou moins intéressants. Reste que dans cette optique le soft change assez radicalement de ton, exposant un héros bien moins naïf que Klein et bien plus porté sur les armes blanches. En effet, Felt Blanchimont est l'archétype du héros inhérent aux RPG de l'époque 16 bits. Un jeune homme intrépide, formé à l'épée et prêt à tout pour aider les siens. Un personnage principal sentant bon le cliché en résumé, mais dont les réactions face aux évènements s'avèrent suffisamment dignes d'attention pour créer un vrai attachement. Un casting guerrier se détache alors, dénué de lanceurs de sorts ou d'êtres pacifiques. Non, Atelier Iris 2 se veut épique d'un côté et magique de l'autre. La seconde face est en effet dédiée à Viese Blanchimont, amie d'enfance de Felt et alchimiste de son état. C'est à ses côtés que vous découvrirez les joies de la création d'objets et parcourrez des terres empreintes de mysticisme. La raison de cette séparation de gameplay se trouve dans une scission scénaristique. Effectivement, dès les premières minutes de jeu, Felt se rend à la Porte de Belkhyde accompagné de Viese dans l'espoir d'en savoir plus sur les catastrophes qui secouent leur monde, Eden. Ce dernier finira par passer à travers ce vortex après avoir déniché une épée sacrée du nom de Azur Azoth et se retrouvera dans un monde inconnu sans relation avec son village d'origine. Un univers où l'alchimie est crainte de tous et dans lequel il n'existe aucune alternative à ce pouvoir. C'est donc Viese qui, grâce à l'intermédiaire d'anneaux magiques, pourra transférer à son compagnon les ustensiles qu'elle aura inventés sur Eden.
Un principe assez original qui fonctionne à merveille et trouve surtout une cohérence intelligente avec le postulat scénaristique de départ. La découverte de Belkhyde par Felt rappelle sous certains côtés la trop courte période de Final Fantasy X lorsque Tidus se rend compte qu'il vient d'atterrir dans un environnement étranger, hostile, où aucun de ses repères n'est présent. Le besoin de recherches, de fuite en avant se met donc immédiatement en place et donne envie d'avancer. C'est cet appel à l'aventure qui permet au jeu de rouler tranquillement sur une piste dégagée, emmenant avec lui le joueur avide d'émerveillements et d'invisible. Les diverses émotions ressenties au fur et à mesure de la progression s'apparentent réellement à celles diffusées il y a quelque temps avec des titres comme Star Ocean, Secret Of Mana ou encore Illusion Of Time. Un petit air qui accroche et que l'on aime se rappeler au détour d'une journée. Sans être aussi diaboliquement hypnotisant qu'un Xenosaga 3, le soft de Koei devient un agréable compagnon pour de multiples raisons, dont le système de création d'objets. Similaire dans les grandes lignes à celui du premier opus, ce dernier vous propose de vous servir de recettes dénichées soit dans des coffres, soit achetées dans une boutique spécialisée. Demandant certains ingrédients spécifiques dans leur processus de création, ces items impliquent également la présence d'un esprit mana. Correspondant aux divers éléments (eau, terre, feu, etc.) ainsi qu'à certaines classes (aromatique, musicale, etc.), ceux-ci vous donnent en quelque sorte accès à leur pouvoir pour synthétiser vos oeuvres. Chaque portion doit être prise en compte sans quoi rien de bon ne sortira de votre chaudron.
De plus, il faut savoir qu'il est possible de modifier l'une des composantes de la recette pour en changer soit la puissance, voire les attributs, soit dans le meilleur des cas l'apparence. Une envie profonde d'effectuer divers tests se dévoile subrepticement et pousse à essayer des dizaines et des dizaines de combinaisons afin d'en comprendre les variations. Des expérimentations qui se soldent le plus souvent par des ratages honteux, mais qui peuvent également donner naissance à de véritables petits chefs-d'oeuvre alchimiques. Une fois terminés, ces objets sont finalisés par Viese qui les rend accessibles à Felt par ce biais. Il pourra ensuite les recréer à sa guise, sans avoir besoin des ingrédients, simplement en mélangeant les esprits mana relatifs aux composantes dont s'est servie son amie. Bien entendu, plus les items sont puissants et plus ils demandent de l'énergie pour apparaître. C'est pour cela qu'il faut à tout prix apprendre à se servir du degré d'interaction toujours aussi étonnant de la série Atelier Iris. En effet, vous pouvez à tout moment transmuter n'importe quelle plante, rocher, tonneau en éléments mana. Par exemple, en utilisant une caisse, vous obtiendrez quelques bribes d'énergie du bois. S'accumulant dans un compteur dédié, ces dernières vous serviront ensuite de base à toute création. Une idée très maline, obligeant le joueur à tenir compte de ce qui l'entoure, à l'inverse de nombreux RPG. Ici, le décor est une part véritable du gameplay. Cette réserve d'énergie vous donnera parallèlement accès à de l'invention de pièces d'équipement. Car si Atelier Iris 2 ne propose aucun achat d'armure, il met en avant les accessoires qui, suivant leur type, vous gratifieront de différentes capacités. Créés grâce à l'alchimie, ces objets synthétisés ne peuvent pas être conçus par Felt et rendent obligatoire le passage par Viese. Ils portent en eux des spécificités qui seront ajoutées à celles de son porteur, une fois qu'il aura acquis suffisamment d'expérience pour cela. Une fois apprises, celles-ci seront actives même si l'ustensile n'est plus équipé. Un mode de fonctionnement assez intéressant à la Final Fantasy 9 qui se reporte également sur les armes.
Si Felt est un cancre dans le domaine de l'unification avec les esprits, il sait néanmoins forger des lames tel un Masamune en grande forme. Répondant aux mêmes caractéristiques que les pièces d'équipement, celles-ci demandent l'intervention d'un émissaire de mana et d'un objet particulier. Comme les expériences de Viese, celles de Felt offrent un sentiment agréable d'accomplissement et donnent l'impression sympathique d'être en continuelle évolution. Certes, tout cela n'est pas révolutionnaire et l'on regrette amèrement de ne pas pouvoir laisser libre cours à sa créativité à cause du système de recettes, mais le simple fait de faire appel à ce que l'on désire où on le désire est un atout non négligeable. De plus, vous aurez la fierté d'avoir conçu la survie de votre équipe seul en vous servant simplement de la nature. Vous ne dépendez en fait que de vous. Un sentiment qui se rappellera durement à vous durant les combats si vous n'avez pas pensé à faire un bon stock d'éléments. Reprenant dans le fond le schéma du premier épisode, les affrontements se révèlent autrement plus dynamiques, laissant l'archaïque système du tour par tour de côté pour se doter d'une barre d'action directement en provenance de Grandia 2. Présentant les icônes de chacun des combattants, cette jauge vous permet de visualiser leur ordre d'attaque et donc de définir votre stratégie en conséquence. Dès que l'un des combattants atteint la boule rouge au bout de ladite barre, son assaut est lancé. A vous de choisir si vous voulez retarder cette agression en utilisant un break qui renverra votre opposant plus en amont de la ligne ou bien si vous désirez faire augmenter votre compteur de coup spécial rapidement par une attaque classique.
Dans le premier cas, si vous renvoyez votre adversaire suffisamment loin sur la jauge, dans la partie orange plus précisément, il subit un étourdissement et ne vous fait rien tant qu'il n'est pas sorti de cette zone. Il vous suffit ensuite de vous acharner sur lui tant qu'il est temps (avant sa rentrée dans le "match") pour faire grimper les "hits" et gagner ainsi plus de points d'expérience. Dans la seconde option, point d'immobilisation mais une augmentation en flèche du niveau de l'assaut spécial. En effet, chaque personnage dispose de plusieurs de ces attaques, demandant plus ou moins de puissance. Votre stratégie rentre ensuite en jeu, basée sur la réflexion intérêt/puissance. Un principe peu innovant sur le fond mais qui convainc relativement sur le long terme, rendant les pugilats bien moins soporifiques que dans le précédent opus. Atelier Iris 2 : The Azoth Of Destiny surpasse donc son aîné assez aisément, tant sur la plastique que sur les mécanismes de jeu mais manque tout de même cruellement d'innovations étonnantes. Si son prédécesseur avait ouvert la voie, lui se contente de la suivre un peu naïvement sans vraiment de conviction. Néanmoins, grâce à son ambiance, son système de création d'objets, son scénario vraiment honnête et ses personnages attachants, il se place parmi les RPG dignes d'attention, parfait entre un Suikoden V et un Xenosaga 3.
- Graphismes15/20
Si les sprites de cet opus sont autrement plus sympathiques que ceux du précédent, on remarque tout de même quelques problèmes d'intégration dans des décors parfois un peu "plats". Les aires de combat sont quant à elles toujours aussi peu attirantes. Un sentiment compensé par des attaques impressionnantes et des effets lumineux sympathiques. De plus le chara design s'avère réussi et l'ambiance graphique du soft est réellement immersive.
- Jouabilité15/20
Là aussi, si on note des évolutions dans le bon sens, certaines idées restent désespérément immobiles. Vous retrouverez donc avec plaisir le système de création d'objets assez peu modifié et toujours limité par le principe des recettes, mais également un nouveau système de forge assez intéressant. De plus, le système de combats, s'il reste classique, s'avère bien plus dynamique et permet de rendre les affrontements assez prenants, notamment grâce à la gestion du "break".
- Durée de vie14/20
Pas très étendu, Atelier Iris 2 suit les traces de son prédécesseur mais dans une foulée différente. En effet, le fait de proposer un scénario réellement entraînant joue en sa faveur et évite les baisses de régimes souvent présentes auparavant. Le rythme général est plutôt bon et l'on prend du plaisir à parcourir l'aventure. A noter tout de même la quête des différentes recettes qui pourra vous obliger à fouiller plus précisément dans les niveaux traversés.
- Bande son14/20
Si on a la joie de bénéficier de l'OST en bonus avec le jeu original, celle-ci s'amenuise quelque peu à l'écoute de certains morceaux. Dans l'ensemble, la bande sonore est de bonne qualité, notamment les morceaux plus sombres, mais comprend également des titres tournant rapidement en boucle et pas vraiment immersifs. Le doublage est quant à lui correct.
- Scénario14/20
Toujours aussi manichéen, le scénario de Atelier Iris 2 laisse toutefois entrevoir quelques petites percées très sympathiques et assez surprenantes, comme la véritable nature du monde d'Eden et son utilité première. De plus, les personnages, sans être profonds, sont vraiment attachants et prennent le joueur par la main. Pour finir, les rapports de Felt et de son épée parlante (eh oui) donnent lieu à des situations soit cocasses soit relativement inquiétantes, surtout lors de sa seconde rencontre avec Fee. Troublant.
S'il dépasse son prédécesseur dans bien des domaines, Atelier Iris 2 ne parvient tout de même pas à s'en détacher suffisamment pour totalement convaincre. Intéressant, parfois étonnant et souvent féerique, le titre de Gust manque toutefois de renouvellement pour espérer convaincre les personnes n'ayant pas craqué pour Eternal Mana. En revanche, si vous aimez les RPG old-school, immersifs et loin de toute considération mercantile, jetez-vous sur ce soft qui vous fera passer de bons moments. Un bon entre-deux en résumé.