Adapter une oeuvre cinématographique, qui plus est culte, revient à marcher sur un fil tendu au dessus du vide. Soucieux de préserver une certaine intégrité vis-à-vis du film d'origine, le développement doit également mettre en exergue une utilisation du matériau de base pour que le joueur participe au déroulement de l'histoire. Un défi a priori insoluble qu'Electronic Arts a tenté de relever grâce à son premier GTA-like qui s'offre pour la peine le chef-d'oeuvre de Francis Ford Coppola, Le Parrain. Malheureusement, comme c'est généralement le cas avec EA, les versions portables subissent des coupes franches difficilement acceptables.
EA a beau être un mastodonte du jeu vidéo, son incursion dans le GTA-like est une première pour lui. De fait, les nombreuses maladresses rencontrées dans l'adaptation vidéoludique du Parrain pourront être excusables, surtout si ces dernières ne prennent pas le dessus en laissant le plaisir de la découverte loin derrière. Ce terrifiant postulat de départ voudrait donc dire que Le Parrain ne vaut pas tripette face à Grand Theft Auto : Liberty City Stories ? Eh bien, si ce n'était pas le cas sur consoles de salon, le résultat est tout autre sur PSP puisqu'une grande partie du contenu a été supprimé... Pour des questions de place, ou de temps. Néanmoins, le résultat final profite tout de même d'un univers d'une densité visuelle et narratrice à nulle autre pareille. Cependant, le premier écueil qu'on pourra lancer à l'encontre de cette adaptation tient au paradoxe voulant que le joueur participe pleinement aux événements du film sans jamais pouvoir influer sur l'issue de ces derniers. Ceci nous ramène à cette fameuse fidélité scénaristique mais on a tout de même le droit d'être légèrement déçu. Maintenant, la question est complexe, surtout quand on voit ce qu'EA avait réalisé avec l'adaptation de Bons Baisers De Russie qui incluait des scènes inédites au film sans que cela soit d'un quelconque intérêt, du moins pour le cinéphile averti.
Quoi qu'il en soit, le pitch de départ nous fait endosser la défroque d'un jeune homme qui va devoir évoluer au sein de la famille Corleone. Son but ? Progresser dans les sphères du pouvoir, éliminer les familles rivales et devenir le roi de New York à l'image d'un certain Christopher Walken. Première chose à signaler sur PSP : l'absence d'éditeur de personnages. De fait, vous ne pourrez pas non plus acheter différents vêtements et accessoires avec l'argent récolté dans le jeu. Mais alors, à quoi notre pécule va nous servir ? A recruter des gangsters ! Cette idée rattachée au mode de jeu Guerre des Familles, absent des versions 128 bits (et copie quasi conforme du mode Guerre des gangs de Gangs Of London), propose de recruter des hommes pour défendre nos territoires. Si chaque catégorie de gangster (Outsider, Associé et Soldat) est plus ou moins efficace, vous devrez malgré tout les choisir en fonction de vos revenus puisqu'il vous en coûtera plus ou moins d'argent. Ensuite, sachez qu'en gagnant du respect, vos hommes pourront être promus, tout comme vous.
J'en profite pour lâcher quelques mots sur la construction du jeu. Bien que l'histoire soit toujours composée de plusieurs missions, vous passerez à intervalle régulier par un menu (dans lequel vous pourrez augmenter vos caractéristiques, visionner des vidéos de la trilogie...) où vous pourrez choisir votre prochain niveau parmi deux choix disponibles, rattachés aux modes Scénario et Guerre des familles. Ce dernier mode se présente ainsi sous la forme d'un jeu de stratégie où vous devez acheter des hommes et des cartes (racketter une famille, attribuez des points de respect à ses hommes...). Quand je vous disais qu'on était en plein Gangs Of London. Le but sera alors de contrôler tous les territoires adverses en intimidant vos ennemis, en négociant, en recrutant des hommes et en protégeant vos propres quartiers. La bonne idée est que les modes Scénario et Guerre des familles sont liés. Par exemple, si vous avez besoin d'argent ou d'une bonne puissance de feu dans le second mode, passez au premier pour débloquer des améliorations ou obtenir des pépettes. De plus, lorsque vous déplacerez vos hommes sur la map., vous passerez au jeu à proprement dit pour débuter une mission. Bref, c'est assez convaincant, même si ça ne suffit pas à masquer les carences du mode Scénario.
Ainsi, placé sous la protection d'un proche collaborateur de Don Corleone, vous allez devoir faire vos armes dans le monde impitoyable de la pègre new-yorkaise des années 30. Vos premiers jobs seront autant de moyens de se faire la main avec le gameplay puis viendra par la suite une visite en règle de votre terrain de jeu. La leçon la plus importante dans ce milieu est que quand on travaille pour la famille Corleone il ne faut jamais avoir peur de se mouiller et de prendre des coups. Avoir la main mise sur une cité tentaculaire requiert des sacrifices et un coup de poing dans la figure est parfois aussi efficace qu'une bonne poignée de main remplie de liasses de billets. Tu veux qu'un commerçant te reconnaisse du premier coup d'oeil ? Alors laisse-lui un souvenir indélébile lorsque tu iras le voir. Les flics te collent aux basques ? Trouve-en un plus véreux que les autres et fais en sorte qu'il ferme les yeux sur les agissements de la smala Leone pendant quelque temps. De manipulation en manipulation, vous allez donc devoir gagner le respect de vos concitoyens qui vous verseront chaque semaine une somme d'argent. Les moyens sont nombreux pour obtenir cette rente hebdomadaire qui représentera d'ailleurs la majorité de vos objectifs annexes pouvant être effectués entre chaque mission obligatoire.
De fait, si on retrouve bien tous les personnages de la trilogie, remarquablement modélisés soit-dit en passant, ainsi que les scènes mythiques des films (qui a parlé de tête de cheval ?), une multitude de missions supplémentaires viendront se greffer au récit pour rallonger la durée de vie. Ne perdez pas aussi de vue que chaque quartier est contrôlé par une des cinq familles que sont les Corleone, Tattaglia, Stracci, Cuneo et Barzini. Les tripots, bordels, ou commerces seront tous sous la protection d'un de ces groupes, ce qui vous obligera à les affronter si vous voulez vous accaparer une échoppe. A ce sujet, les moyens de faire du "gringue" aux commerçants se résument à deux choses. Bien que chaque extorsion débute par une cinématique (un dialogue où chaque mot de votre part sonne comme une menace), vous aurez ensuite le choix de démolir le commerce d'un pauvre travailleur ou de le tabasser afin qu'il cède à vos avances. Néanmoins, faites attention à ne pas aller trop loin auquel cas votre pauvre victime se retournera contre vous et ne voudra plus vous payer. Une fois que vous aurez pris le contrôle d'une boutique, vous pourrez vérifier qu'elle ne cache pas un business illégal qui pourra vous rapporter un bon paquet de fric. Cependant, pour profiter de cette manne providentielle, vous devrez auparavant en découdre avec des escouades de mafieux.
En parallèle de ces petites visites de courtoisie, rien ne vous empêchera de graisser la patte aux flics pour qu'ils ferment plus ou moins longtemps les yeux sur vos agissements (en fonction du grade du policier), ce qui pourra vous éviter de finir en prison. Quoi qu'il en soit, contrôlez de près vos niveaux de surveillance, tout comme l'état de Vendetta propre à chaque famille qui augmentera rapidement si vous vous en prenez trop souvent à une même fratrie. Si vous vous y prenez correctement, vous gagnerez alors en respect et obtiendrez des points d'expérience qui vous serviront à améliorer vos caractéristiques de combat, tir, d'état... Si vous en ressortirez plus résistant ou plus rapide, vous acquerrez aussi de nouveaux coups lorsque vous vous battrez à mains nues. Par contre, notez que le tout se fera automatiquement sachant que pour votre part, vous n'aurez qu'à utiliser les gâchettes pour agripper votre adversaire ainsi que la touche Croix pour aligner les coups. En fonction des armes à disposition (fusil à pompe, pistolet, bâton de dynamite...), vous pourrez réaliser des exécutions une fois que votre ennemi sera au bout du rouleau. En marge de ces rixes sanglantes, EA s'est même permis d'intégrer quelques phases de furtivité. Une fois de plus, ça reste très basique mais ça apporte de la diversité à un jeu qui, au final, n'en manque pas. En définitive, la version PSP du Parrain est un jeu honnête qui a tout de même du mal à tenir la comparaison avec GTA : Liberty City Stories. La faute à un contenu moins convaincant que celui de son homologue PS2. Si d'un côté, Electronic Arts a essayé de limiter la casse en rajoutant un mode stratégique (qui est loin d'être inintéressant), le fait de posséder une version light, expurgée des phases en voiture, est un peu frustrant. A vous de voir cependant, car entre un Gangs Of London au contenu généreux mais sans véritable histoire et Le Parrain qui dispose d'un excellent scénario à défaut d'une aventure très stimulante, le choix se fera en fonction de ce que vous recherchez dans ce type de jeu.
- Graphismes13/20
La modélisation de New York est réussie mais on attendait beaucoup plus de EA, d'autant qu'on constate énormément de clipping avec des bâtiments s'affichant par blocs entiers ou des voitures qui apparaissent au dernier moment comme par magie. Ce sont au final les effets spéciaux qui se taillent la part du lion et si les visages des personnages sont criants de réalisme, leurs animations laissent à désirer. Enfin, les rues restent très vides sur PSP ce qui donne parfois l'impression d'évoluer dans des villes fantômes.
- Jouabilité13/20
Adieu les phases de véhicules, et bonjour à un système de la Main noire simplifié à cause de l'absence du second stick analogique. Peu de problèmes de caméra (qu'on peut recentrer) sont à signaler et la maniabilité est bonne dans l'ensemble. La construction du jeu est différente de celles des versions 128 bits, à cause (ou grâce) au nouveau mode Guerre des familles, mais elle reste tout de même bien pensée. Un bon point également pour les temps de chargements très courts.
- Durée de vie14/20
Difficile à dire, surtout si vous prenez votre pied avec le mode Guerre des familles. Dans tous les cas, éliminer tous vos rivaux et gravir les échelons de la hiérarchie vous demandera une forte implication. La longévité du titre reste tout de même moins importante que celle de Liberty Stories ou Gangs Of London, ne serait-ce que par l'absence de mode Online.
- Bande son16/20
L'ambiance musicale est exquise avec des musiques d'époque tranchant radicalement avec ce qu'on entend d'habitude dans ce genre de jeu. Les bruitages réussissent parfaitement à retranscrire les années 30 et le doublage français a bénéficié énormément de soin sachant que certains passants sont doublés par des professionnels. La composition du doubleur (entendu dans plusieurs séries et films) qui se charge de notre personnage est malheureusement un peu trop monocorde et effacée, quelques problèmes de mixage sont présents mais à part ça, la réalisation sonore mérite toutes nos félicitations.
- Scénario14/20
Le scénario suit scrupuleusement celui des films mais on regrette qu'on ne puisse pas vraiment influer sur l'histoire, réduits que nous sommes à un "simple" exécutant. Pour autant, Electronic Arts ne s'en tire pas trop mal et n'a a priori omis aucune scène culte attendue par les fans.
Disons-le tout net, Le Parrain perd de son intérêt sur PSP. Bien qu'on y trouve un mode de jeu stratégique totalement inédit et plutôt attrayant, l'absence de phases en voiture a du mal à passer, surtout dans un GTA-like. Dans tout ça, difficile de comprendre les choix d'Electronic Arts vu que Gangs Of London a démontré qu'il était possible de développer un titre PSP au contenu pantagruélique en y incluant plusieurs modes de jeu très différents. Il reste tout de même au Parrain une ambiance fabuleuse et quelques bonnes sensations de jeu. C'est déjà ça de pris.