Devil May Cry 3 ayant divisé, Devil May Cry 3 Special Edition en fera tout autant, en simple extension au titre original qu'il est. Pourtant, cette nouvelle version des aventures de Dante se pose forcément comme plus aboutie que son modèle en proposant au joueur divers bonus dont la possibilité d'incarner Vergil. Simple coup marketing pour grossir les caisses de Capcom, pain béni pour ceux et celles qui n'ont pas encore acquis DMC 3 ? A vous de voir, mais pour l'heure, notre star est de retour et les démons peuvent commencer à pleurer.
A force de vouloir plaire à tout le monde, il arrive souvent que la pluralité des situations, des atmosphères ou encore des possibilités puisse nuire à l'ensemble d'un projet. Malheureusement, DMC 3 est un de ces titres qui se perd un peu dans une construction décousue qui n'arrive pas vraiment à s'émanciper, si on la compare rétrospectivement à celle de DMC 2 ou surtout à celle du premier Devil May Cry. Cependant, il serait maladroit de critiquer activement cet état des choses puisque la linéarité du jeu, qui est découpé en 20 missions, est censée amener une bonne dose d'action par le biais d'affrontements nerveux se déroulant dans des endroits cloisonnés qui serviront à accentuer la fulgurance des gunfights. Aucun doute là-dessus, DMC 3 est un vrai beat'em all avec tout ce que cela implique de scènes d'action. De plus, le pari de cet opus était d'installer une histoire digne de ce nom, ceci ayant fait défaut à DMC 2. Mais il se peut qu'il y ait parfois de grandes différences entre ce qu'on désire faire et le résultat final.
On peut même se demander si il est préférable d'avoir un ersatz de synopsis ou un jeu qui repose entièrement sur ses situations. On pourra alors me rétorquer que découvrir le passé de Dante est un bon moyen pour mieux connaître ce personnage emblématique. Certes, et c'est pour ceci qu'il est d'autant plus dommage de constater que l'histoire n'est pas à la hauteur de ce que nous étions en droit d'espérer. Il est ainsi agaçant de constater que Capcom aurait pu éviter bien des erreurs en recentrant son histoire sur Dante et Vergil, son frère, sans être obligé d'en appeler aux personnages d'Arkham et de Lady qui n'apportent rien à l'histoire tant ces derniers sont effacés. On se contentera alors de deux ou trois dialogues entre les deux frérots qui n'ajoutent quasiment rien à la mythologie DMC, ou encore quelques très belles cinématiques bien mises en scène, même si l'abus de ralenti (post Matrix) leur nuie parfois. En somme le titre tourne davantage autour des ambitions peu avouables (et peu originales) d'Arkham qui ne recherche ni plus ni moins que la puissance absolue en faisant appel aux puissances démoniaques. Il est d'ailleurs étrange que la relation entre Lady et Arkham n'est pas été plus approfondie.
En parlant de monstres, il est intéressant de noter que les plus belles créatures de DMC 3 proviennent directement de DMC, comme La Mort par exemple. Les anges destructeurs sont également d'une grande beauté et côtoieront diverses créations humanoïdes ou insectoïdes qui naviguent entre le Bon et les Très Moyen. Les Boss, eux, s'en tirent très bien et chacun d'entre eux a un petit quelque chose qui attire le regard. Dommage tout de même que la transformation d'Arkham a la fin du jeu en fasse un des monstres les plus laids jamais vus dans un jeu. Retenons aussi l'arrivée de Jester en tant que boss supplémentaire dans cette version. Malheureusement, la séquence est incluse à la va-vite et l'affrontement n'a rien d'exceptionnel. Les décors, eux, sont quasiment exempts de défauts. On regrettera malgré tout les nombreux allers-retours ou le fait que les étages d'une Tour constituent 80 % environnements du soft. OK, la plupart des pièces existent dans deux versions (normale et délabrée) mais on ne peut s'empêcher d'être un peu déçu par le manque de variété. Pourtant, ici aussi, DMC 3 joue un double jeu avec d'un côté une redondance architecturale et de l'autre des endroits originaux (l'intérieur du corps d'un monstre très Moby Dick dans l'âme) ou d'une sidérante beauté à l'image des décors visibles dans les missions 17 et 18 qui témoignent d'une réelle qualité artistique. Le bilan graphique est donc positif même si il est clair que Capcom a joué la carte de la sûreté en reprenant quasiment à la lettre ce que Mikami avait crée dans le premier épisode.
Le système de jeu est également intéressant même si on peut ici aussi émettre plusieurs réserves. Tout d'abord, sachez que vous retrouverez les orbes et étoiles de différentes couleurs qui vous permettront de ressusciter un certain nombre de fois, de remonter votre vie ou votre énergie maléfique, une fois que vous aurez obtenu la transformation en démon. A ce sujet, on regrette un peu que le fait de se transformer ne vous permette plus de tirer des rayons d'énergie ou de voler comme c'était le cas dans DMC 2. En somme votre état démoniaque gagne en beauté mais perd en qualité pratique puisqu'il ne vous servira pratiquement qu'à courir plus vite. Pour revenir aux orbes, vous pourrez aussi en obtenir de couleur rouge qui vous serviront à acheter des objets entre les niveaux ou en ayant accès à des statues divines que vous trouverez un peu partout dans les niveaux. La bonne nouvelle est que le prix des items est beaucoup moins important que dans DMC 2. La panoplie d'armes (que vous pouvez upgrader) est aussi plus importante que dans le deuxième opus. Alors qu'on retrouve toujours les doubles flingues Ebony & Evory, vous aurez droit à un fusil à pompe, une arme laser du nom d'Artemis, un nunchaku, une double épée, etc. On pointera quand même du doigt quelques choix douteux comme le coup de la guitare électrique ou le design bien risible de Dante quand il revêt des bottes, style Pattes d'ours, lorsqu'il désire se battre à mains nues. Vous aurez aussi la possibilité de switcher à tout moment entre deux armes blanches et deux armes à feu, après les avoir choisi avant les missions ou une fois encore par le biais des statues décrites plus haut. On aurait aimé pouvoir opter à tout moment pour n'importe quelle arme ou style de combat mais à priori Capcom a préféré de pas trop chambouler les règles du jeu...
En parlant de ça, les différents styles de combats permettent à DMC 3 de se différencier un peu des autres opus. Ainsi, à mesure que vous progresserez vous aurez accès à diverses techniques. On en dénombre 4 de bases (Trickster, Swordmaster, Gunslinger, Royal Guard) + 2 à débloquer (Quicksilver et Doppelganger). Chaque technique vous permettra de disposer de différents coups ou mouvements inédits. Cependant il est un peu énervant de constater que si le mode Trickster vous permet de marcher sur les murs ou d'effectuer des acrobaties, ce dernier ne bénéficie pas de toutes les figures de DMC 2 comme la pirouette de côté ou le double flip arrière. Ensuite si Swordmaster vous donne la possibilité d'effectuer des attaques supplémentaires avec votre épée et que Gunslinger vous autorise entre autres à tirer manuellement dans plusieurs directions, il est regrettable de voir qu'au final ce système éclate les différentes actions que Dante peut réaliser. Il eut été préférable de choisir un système proche d'un RPG qui permette à Dante d'apprendre une technique puis de l'acquérir définitivement, sans passer par un style spécifique.
Pour ce qui est des techniques restantes, le Royal Guard vous permettra de vous défendre, Quicksilver d'arrêter le temps alors que Doppelganger sera utile pour profiter d'un double lors de votre transformation démoniaque. La plupart des techniques dispose de trois niveaux de puissance (qui augmentera à mesure que vous les utiliserez) et vous aurez droit à un mouvement supplémentaire à chaque palier. Maintenant, vous devrez combattre comme un beau diable si vous désirez obtenir tous les mouvements de chaque technique puisque le second niveau sera atteint après 30 000 points d'EXP, le suivant vous demandant pas moins de 99 999 points d'EXP. L'autre intérêt du jeu réside dans les combos que vous pourrez effectuer en switchant entre vos armes pour frapper rapidement un ennemi. Ceci dit, ce système de combos pourra en lasser plus d'un, d'autant que ceux-ci ne servent pas à grand chose, si ce n'est à dynamiser les affrontements ou à obtenir un meilleur rang à l'issue d'une mission. A vous de voir ce qui vous intéresse le plus dans le genre. Tout ceci mis bout à bout contribue à une jouabilité entre deux eaux. C'est d'autant plus vrai qu'on note toujours de gros problèmes de caméra qui n'ont pas étés résolus depuis le premier DMC. Si ces soucis ne sont pas omniprésents, ils deviennent vite contraignants dans des pièces exiguës (où on ne voit plus les ennemis) ou lors des phases de plates-formes. On dispose bien d'une gestion manuelle de la caméra à certains endroits, mais vu qu'on ne peut pas le faire quand on en a réellement besoin, ça ne sert pas à grand chose. Enfin, on notera quelques possibilités peu ou pas exploitées comme les interactions avec des piliers (à deux ou trois endroits uniquement) dont Dante pourra se servir pour faire le ménage alentours.
Le résultat final est donc assez dérangeant dans le sens où chaque bonne idée semble trouver écho dans un problème. Maintenant, DMC 3 Special Edition nous permet malgré tout de diriger Vergil ou d'avoir accès à quelques bonus inédits à l'image du mode Bloody Palace dans lequel vous devrez passer 9999 étages en utilisant ou non des cristaux de téléportation. Outre un mode Very Hard ou la possibilité de reluquer toutes les cinématiques débloquées, les ajouts restent anecdotiques depuis Devil May Cry 3. On pourra tout de même y rajouter des niveaux de difficultés mieux dosés (calqués sur ceux des versions japonaise et US), un mode Turbo (20% plus rapide que le mode normal) ainsi qu'un système de continues qui vous permettra de reprendre à l'endroit où vous êtes mort pour peu que vous disposiez d'orbes en or. Est-ce à dire que ces suppléments sont suffisants pour acquérir cette édition spéciale si tant est qu'on dispose de l'ancienne version ? Je serais tenté de dire non mais comme vous le savez, le coeur a ses raisons que la raison ignore. Quoi qu'il en soit, Dante n'a pas fini de faire parler de lui et déjà les regards se tournent vers le quatrième épisode, sur PS3, qui devrait être plus gothique que jamais. C'est du moins tout le mal qu'on lui souhaite.
- Graphismes17/20
Malgré pas mal d'aliasing, les décors sont d'une grande beauté mais aussi d'une grande redondance puisque vous aurez à faire de nombreux allers-retours en passant par les pièces d'une immense tour qui représente 80% du jeu en termes d'environnements. Ceci dit, plusieurs endroits sont superbes (notamment vers la fin) et plusieurs boss sont très impressionnants. Dommage que le bestiaire oscille autant dans le Très bon et le Très mauvais, que le look de Lady et Arkham soit si fade et que Dante perde en charisme.
- Jouabilité14/20
Le système de techniques est assez contraignant dans le sens où les actions de Dante sont maintenant éclatés. Dommage que Capcom n'ait pas pensé à un système qui propose de choisir une technique puis de l'acquérir définitivement une fois apprise, sans passer par un style. Bien que le jeu reste jouable et très fun, on lui reprochera aussi d'avoir plusieurs petits problèmes de caméra, malgré une gestion manuelle de l'objectif, qui n'ont pas été résolues depuis le premier épisode. En contrepartie, le système de lock a été revu et se veut bien plus efficace que dans DMC 2.
- Durée de vie15/20
Comptez sur 9 à 10 heures pour terminer les 20 missions du jeu la première fois. De plus, quelques missions cachées pourront rallonger la durée de vie. La version Special Edition nous propose un nouveau personnage jouable, Vergil, un mode turbo ou le challenge Bloody Palace : un donjon composé de 9999 niveaux !
- Bande son15/20
Le doublage anglais est assez réussi, à l'exception de Vergil qui a malheureusement pour lui de parler par le nez. Et autant dire que le charisme du personnage en prend un coup. Les bruitages très Arcade sont bien rendus, les thèmes musicaux renvoient aux précédents épisodes et en Bonus nous avons droit à un morceau bien rock, bien qu'un peu répétitif, qui vous accompagnera lors de vos échauffourées.
- Scénario9/20
Bien que DMC ne soit pas réputé pour son scénario et que DMC 2 n'en ait quasiment pas, on était en droit d'attendre beaucoup plus de celui de DMC 3. Au lieu de ça, le jeu hésite constamment entre l'histoire lénifiante de Lady et Arkham et celle des deux fils de Sparda qui aurait mérité beaucoup mieux que deux ou trois dialogues. Au final, la mythologie DMC n'est quasiment pas exploitée, ce qui est tout de même un comble pour un épisode censé nous expliquer le Pourquoi du Comment.
Les ajouts de ce Devil May Cry 3 Special Edition restent légers (un boss supplémentaire, un mode Turbo moyennement convaincant, une difficulté Very Hard) hormis le fait d'incarner Vergil, le frère de Dante. Néanmoins, si vous n'avez pas encore acquis le troisième opus des aventures de Dante, cette nouvelle mouture reste bien évidemment la plus intéressante et ce malgré le fait que tous les problèmes de DMC 3 soient toujours d'actualité. Quant aux heureux possesseurs de la version originale, autant dire qu'ils sont invités à ranger les deniers dans leur bourse et à passer leur chemin.