Alors que le studio Acquire, responsable des premiers opus de la série Tenchu retrouve ses marques sur le surprenant Shinobido, From Software continue à exploiter la licence du jeu de ninjas le plus célèbre du monde vidéoludique. Si leur travail sur Fatal Shadows restait assez convaincant, l'esprit même de la série, ce côté très sombre et calculateur se perdait un peu dans des rouages usés et des variations de gameplay très minces. C'est donc avec un peu d'appréhension que l'on se faufile dans cette espèce de compilation d'hommes et de femmes de l'ombre. Mais, à la manière d'un garde à la nuit tombée, nos craintes sont-elles fondées ?
Ce nouvel opus de la série Tenchu n'est pas vraiment une histoire à part entière, prenant la suite des faits évoqués dans les précédents épisodes. Il s'agit en fait d'un éventail de différents destins, s'axant sur l'ensemble des héros de la saga. Vous aurez donc l'immense joie de retrouver le charismatique Rikimaru, suivi de la jolie Ayame, de Rin ou encore de Tesshu. Issus des quatre volets parus sur console de salon, ces fiers guerriers seront accompagnés d'un cinquième larron que vous aurez à débloquer. Les plus perspicaces auront deviné d'eux-mêmes que cet invité mystère n'est autre qu'Onikage, le "bad guy" majeur de Tenchu premier du nom et rival éternel de Rikimaru. Un secret assez mal gardé, dans le sens où vous verrez cet homme d'exception dès la vidéo d'introduction. Le jeu se construit donc en suivant ces cinq pistes indépendantes les unes des autres. Du coup, si vous souhaitez connaître le fond du scénario, il va falloir que vous vous réserviez quelques précieuses heures. Car ce ne sont pas moins de cinquante missions que vous allez devoir terminer à grands renforts de coups de sabres et de mouvements acrobatiques. Un programme alléchant et particulièrement exhaustif qui donne l'impression de flatter le joueur. Pourtant, ce sentiment est un piège cruel. En effet, si la "mythologie" Tenchu est vraiment respectée et que la découverte de petites aventures personnelles est intéressante, le gameplay ne suit pas, mais alors pas du tout.
Déjà soumise à des problèmes de caméra depuis le premier opus, la série Tenchu s'en était quand même sortie à chaque fois, en proposant un repositionnement correct et surtout une distance d'affichage convaincante. Cela permettait de se situer rapidement et de ne pas se faire surprendre par un ennemi trop facilement. Comme dans une sorte de révolte, Tenchu : Time Of The Assassins met tout cela de côté violemment. Alors que le soft de From Software est à la base un jeu d'infiltration, on se demande longtemps pourquoi ce principe passionnant se voit gâché par des choix de gameplay aussi terribles. Tuant complètement le titre, ces erreurs mettent au sol une licence qui n'a jamais perdu de son intérêt, malgré des opus plus ou moins réussis. Pour résumer la situation, cette quête ténébreuse souffre d'une absence de visibilité désespérante. Durant la progression dans les nombreux niveaux du soft, il est impossible de voir à plus de trois mètres. En effet, passé cette limite, rien ne s'affiche. Vous avez simplement droit à un fond noir presque effrayant. Sûrement présente pour secourir le moteur du jeu qui ne doit pas réussir à gérer tout l'environnement, cette masse sombre est vite insupportable. Vous n'apercevrez vos adversaires qu'à la dernière seconde et serez surpris la plupart du temps, ce qui ne colle pas avec le concept du ninja.
Un lourd problème qui suit directement celui concernant la gestion de la caméra. Totalement mal pensé, le point de vue se place n'importe comment, se mettant quelques fois face à vous ou pire encore juste au-dessus de votre épaule. Un fonctionnement qui ne permet pas de gérer correctement son approche d'une cible surtout associé à la distance d'affichage ridicule. D'autant qu'il est impossible de manoeuvrer cette satanée caméra bien trop proche du héros. Vous avancerez les trois-quarts du temps à l'aveuglette et prierez sincèrement pour ne pas rencontrer d'ennemi pendant que vous essayez de savoir où vous vous trouvez. Une immense lacune dont la pseudo solution est une vue interne vous permettant de regarder autour de vous et un peu plus loin que d'habitude. Une petite idée de dernière minute certes, mais il est handicapant de hacher le déroulement d'une partie en passant sa vie entre la vue à la première personne et celle à la troisième. Une construction maladroite qui masque les bonnes idées du soft. En effet, même si le gameplay vous laissera de marbre, les divers personnages principaux se dirigent très facilement, réservant aux adversaires pris en défaut des prises mortelles fascinantes.
Variant selon l'endroit et la position de votre avatar, ces assassinats furtifs diffusent toujours un plaisir malsain mais intense. D'autant que le tout a été dynamisé afin d'empêcher le côté pataud de Tenchu 1 et 2 de prendre le pas sur le plaisir ludique. De plus, l'ambiance oppressante et ténébreuse de la saga reste d'actualité, soulignée par une bande-son de très grande qualité. D'ailleurs, si vous connaissez personnellement des apprentis ninjas sur la voie de la sagesse, vous pourrez leur faire profiter des niveaux que vous avez créés grâce à un éditeur de missions intuitif et relativement puissant. Enfin, vous aurez la possibilité de refaire toutes les épreuves débloquées dans le scénario avec n'importe quel personnage dans le mode bien nommé : "Choisir Niveau". Des ajouts et une atmosphère grisante qui ne peuvent toutefois pas sauver le jeu de ses profondes erreurs de construction. Tenchu : Time Of The Assassins est donc une triste déception, d'autant plus dans le cadre d'une série attirante, voire passionnante. Ne vous laissez pas éblouir par la lame de ce katana rouillé, et préférez largement le futur Shinobido, si une PS2 traîne dans votre salon. La seconde mort de Rikimaru.
- Graphismes8/20
Mis à part ses lourds problèmes d'affichages et une gestion de la caméra à s'arracher les cheveux un à un, le titre affiche des textures assez convaincantes et une modélisation des personnages de bonne qualité. De plus, le travail sur l'ambiance reste intéressant et permet de s'immerger relativement facilement.
- Jouabilité8/20
Si les commandes répondent bien et que les possibilités d'action se révèlent nombreuses, le titre souffre énormément de sa construction chaotique. Vous passerez en effet plus de temps à essayer de vous situer dans l'environnement et à essayer de distinguer des ennemis qu'à réellement jouer. Si la patience est le maître mot de la série, elle n'a jamais rimé avec austérité, voire ennui.
- Durée de vie15/20
Si vous désirez terminer les cinq scénarios présents et ramasser l'ensemble des objets disséminés dans le jeu, attendez-vous à passer quelques longues heures sur le titre. De plus, vous avez la possibilité de passer par l'éditeur de niveaux et le mode multi (versus ou coopération) si vous souhaitez gonfler de belle manière la durée de vie.
- Bande son15/20
Comme d'habitude dans cette série, les compositions musicales s'avèrent de très bonne facture, mélangeant avec finesse des thèmes traditionnels et des petits passages bien plus actuels et rythmés. Un mélange détonnant qui offre un cachet exceptionnel au jeu et donne une seule envie, quitter l'aventure et acquérir l'OST.
- Scénario11/20
Les histoires restent assez classiques, avec moult cas de trahisons et de guerres en devenir, et les personnages ne brillent pas vraiment par leur profondeur. Malgré tout, on s'attache facilement à eux et suivre leur destin devient vite sympathique. Même si un manque d'imagination se fait parfois sentir.
Passant sous la barre fatidique de la moyenne, ce nouveau volet de la saga Tenchu cristallise les défauts de ses aînés et devient le plus mauvais épisode de la saga, de très loin. Injouable à cause de problèmes majeurs de gameplay, mal construit et surtout dénué d'une caméra correcte, le titre de From Software semble être la proie d'un assassinat nocturne. Espérons que cela soit dû à des temps de développement trop courts et que le studio japonais reprenne le chemin de la vivacité et du plaisir. Sans quoi Rikimaru sera bientôt à la retraite.