Beaucoup d'entre vous doivent se rappeler que, dans leur plus tendre enfance, leur rêve ultime était de piloter ces gigantesques robots qui peuplaient la télévision, et par extension leur imagination. Arborant les noms poétiques de Goldorak, Mazinger, Gundam, voire Robotech, ces séries ou ces engins inspirèrent moult vocations bien entendu impossibles à réaliser. Imaginez-vous demander à un conseiller d'orientation que vous désirez être un pilote de mecha. Outre le fait d'appeler la police, ce dernier vous expliquera que c'est n'est point possible. Pourtant, grâce à l'arrivée de l'interactivité virtuelle, vos rêves deviennent une réalité de boulons pixélisés. On dit merci tonton Armored Core.
Tentant vainement de faire une vraie percée dans nos sombre contrées, la série Armored Core se place à chaque fois sur le fil du rasoir, oscillant entre l'honnête et le décevant sans jamais vraiment se décider, laissant libre cours à la subjectivité de ceux qui s'y essayent. C'est donc auréolé de cette réputation que cet épisode Nine Breaker débarque presque naïvement. Un adjectif sûrement galvaudé lorsque l'on parle de robots de plus de quatre mètres arborant un lance-roquette à la poitrine, mais qui définit bien l'espèce de solitude dont s'accompagne la sortie des divers opus de la série. Une donne qui pourrait bien commencer à changer après l'expérience que nous offre la dernière production From Software. Ayant visiblement compris les attentes d'un public acquis mais parfois un peu rageur, le studio japonais s'est visiblement décidé à modifier cette austérité rédhibitoire, marque de fabrique de nombreux opus, pour la remplacer par un plaisir de jeu renouvelé, sans être tout à fait convaincant. Evoluant depuis longtemps dans l'ombre de la saga Zone Of The Enders de Kojima, la famille Armored Core ne trouve d'autre moyen que d'ôter ses oeillères et de contempler enfin au grand jour ce qui lui manquait, à savoir le dynamisme. En effet, jusqu'à maintenant tout le suc de ces softs pouvait se résumer en deux mots, précision et exhaustivité. Offrant quasiment l'équivalent d'une simulation de conduite de mecha, ces derniers laissaient libre cours à la créativité en vous permettant de construire votre module de combat de la tête aux capteurs latéraux. Une oeuvre que vous pouviez aller ensuite essayer sur différents champs de batailles en tenant bien compte du réalisme des manoeuvres à effectuer et de la gestion quasi tyrannique du poids de votre compagnon métallique.
En résultait donc des affrontements relativement mous, dont l'excitation passait par ses propres compétences à l'observation et à la prise en défaut. Si le côté stratégique passait en premier plan, seul alibi légitimant la pesanteur du gameplay, le joueur était clairement laissé de côté. Eh bien les temps ont changé et la vitesse est désormais une composante du squelette éminemment solide de cet Armored Core : Nine Breaker. Si les habitués retrouveront leurs marques sans peine, les nouveaux venus ne seront pas en reste grâce à une interface claire offrant une exploration agréable des divers choix. Car, à l'image des grands restaurants, la guerre se gagne dans les menus. C'est dans ces méandres aux couleurs de rouille que vous pourrez effectuer l'une des tâches les plus agréables du titre, à savoir concevoir entièrement votre mecha. Disposant de centaines de pièces différentes, vous pourrez modifier une quinzaine de paramètres, allant du choix de l'arme à la sélection du noyau central en passant par la définition du type de générateur. Créant une variété de formes, de potentialités et de manières d'appréhender les situations de combat, cette façon de composer soi-même son gameplay est une des principales qualités du jeu de From Software. Un souci de renouvellement sur le long terme par le biais de la construction que l'on ne peut retrouver au même niveau que dans la série des Front Mission, T-RPG de grand standing entièrement basés sur la mise en place de mechas adaptés aux revirements tactiques. D'autant que le schéma même de jeu vous obligera à passer le plus souvent possible dans ce garage de rêves électriques.
Effectivement, Armored Core n'est plus ancré dans une narration politico-militaire offrant une assise stable et une liberté d'évolution. Choisissant la voie uniquement guerrière, celui-ci tente un clin d'oeil aux jeux du cirque antique en basant son principe sur des duels en arènes fermées. Mais rassurez-vous, les affrontements se déroulent entre engins motorisés et non contre des lions qui n'auraient cette fois pas vraiment l'avantage. De fait, vous ne remporterez jamais de crédits, même en cas de victoire, vous contenant seulement d'engranger des points qui vous feront changer de classe dans la compétition. D'où l'importance fondamentale d'équiper votre mecha en fonction des besoins, en tentant de bâtir une machine de guerre équilibrée, que vous pourrez modifier en cas de besoin, afin de vous adapter à votre adversaire. Détenteur de l'ensemble des pièces dès le départ, il est assez troublant de ne pas être rétribué en matériel concret, simplement récompensé par des données abstraites. Mais une fois cette désillusion passée, on rentre sans peine dans ce principe d'évolution assez basique mais motivant. Pourtant, il est regrettable de ne pas avoir implémenté quelques missions scénarisées, dans le sens où la progression pour la progression amène forcément une lassitude sur la longueur. Un manque étrange d'immersion pour une série mettant d'habitude ce point en exergue. Toutefois, ce point quelque peu gênant se trouve habilement équilibré par le biais d'un gameplay appelant le plaisir ludique dans son côté instinctif et prenant.
Dépassant allègrement son prédécesseur sur ce point, Armored Core : Nine Breaker se fend d'un système de jeu tourbillonnant et vif, n'arrivant plus au niveau de délires lumineux et virevoltants de Zone Of The Enders, mais trouvant le juste équilibre entre "simulation" et enthousiasme. Suivant votre équipement et la lourdeur de votre "monture", les duels pourront donner lieu à des échanges virulents de missiles au ras du sol ou à des empoignades illuminées par de larges coups d'épée-laser. Le tout accompagné d'un système de déplacement bien plus motivant que par le passé, axé essentiellement sur la glisse et la prise de virages rapides afin d'éliminer les systèmes de verrouillage de l'adversaire. Un subterfuge que l'on peut aisément remplacer par des leurres équipés au préalable. C'est dans cet espèce de système D, cette part d'improvisation que ce titre excelle. Une montée en puissance arrêtée violemment par le manque d'intérêt à long terme et surtout la réalisation graphique, certes légèrement améliorée, mais toujours bien trop faible pour convaincre. Enfin, l'exiguïté insupportable des arènes aura peut-être également raison de votre passion pour ces êtres de métal. Encore un épisode de cet acabit, sans ces lourds défauts aisément évitables, et Armored Core laissera briller ses lourdes épaulettes au sommet de la PS2. Pour l'instant un petit tour à l'atelier s'impose.
- Graphismes10/20
Améliorée depuis l'épisode précédent, ce qui n'est pas un mal, loin de là, la réalisation devient désormais tout juste passable, abandonnant quelque peu la modélisation discutable des robots et des décors pour revenir à quelque chose de plus correct. Si l'aliasing fait un retour en force et que les méchas voient une nouvelle fois leur splendide design un peu gâché par la technique pure, l'ensemble tend à s'améliorer, ce qui est à signaler.
- Jouabilité14/20
Grosse révolution que cette arrivée d'un dynamisme salvateur, sorte de messie du plaisir ludique dans une série qui en manquait grandement. Apportant une vivacité donnant enfin du relief aux combats, le soft ne se contente pas de travailler sur la forme et reprend les fondements habituels et exhaustifs de la série. Une évolution majeure en tout cas, qui n'empêche pourtant pas de regretter l'absence de missions, bien plus excitantes qu'une simple arène.
- Durée de vie14/20
Même s'il faudra beaucoup de temps pour terminer dans les hautes sphères de la compétition, le fait de ne participer qu'à un tournoi tend à lasser sur le long terme et à faire regretter l'évolution en missions, laissant plus de choix à l'interprétation et plaçant vraiment le jeu dans un contexte défini. Heureusement, le fait de pouvoir affronter un autre joueur amène un tant soit peu de piquant.
- Bande son13/20
Suivant la ligne directrice de l'épisode précédent, la bande sonore semble quelquefois d'un autre âge, mais parvient tout de même à faire rentrer dans les affrontements ce qui est déjà un pas de fait. Les bruitages quant à eux se révèlent assez convaincants, sauf dans le cas des explosions un peu faiblardes.
- Scénario/
-
Bien plus réussi que son grand frère, ce nouvel épisode de la série Armored Core, se détache grandement dans le domaine du plaisir pur et échange une austérité pesante contre un aspect ludique mis clairement en avant. Un renouvellement de très bon aloi qui permet au titre de montrer sans vergogne ses entrailles parfaitement rodées. Malheureusement, la faiblesse graphique et le choix d'abandonner les missions nuit à l'attachement accordé au soft. Si vous avez envie de connaître la saga, un conseil, débutez par cet épisode précis.