Malgré son nom qui pourrait laisser croire à une appartenance au domaine de l'heroic-fantasy, Shadowgrounds est en réalité un bon vieux hack'n slah se déroulant dans un univers tout ce qu'il y a de plus futuriste. Car oui, en 2096, les terriens que nous sommes auront l'insigne honneur de résider sur Ganymède, l'un des satellites de Jupiter. Si l'idée n'est pas désagréable en soi, imaginez un lever de la planète gazeuse tous les matins, le résultat sur place laisse quant à lui à désirer. A peine les humains ont-ils le dos tourné que des créatures venues de l'espace attaquent sans vergogne leurs installations et leurs vies. Un problème épineux que seul un mécanicien tel que le héros de cette histoire pouvait régler. Nostalgiques d'Alien Breed, cette virée spéciale et spatiale est faite pour vous.
Dès les prémices de cette quête pour la survie de l'espèce humaine, quelques indices nous disent que la trame scénaristique ne s'apprête pas vraiment à être épique ni à s'avérer renversante. Les premiers dialogues sonnent cruellement faux, les personnages sont tous des caricatures, en commençant par le personnage principal, copie psychologique de Gordon Freeman (Half-Life 2) et dirigé par les mêmes ficelles difficilement crédibles, enfin l'arrivée des créatures féroces se devine sans grand effort. Un ensemble cousu de fil blanc donc, mais qui parvient étonnamment, non pas à passionner, mais à immerger dans un ensemble cohérent et parfois presque prenant. Vous jouez donc le rôle d'un sombre mécanicien ayant fait les frais d'une éviction d'un groupe de scientifiques après l'explosion d'un engin nucléaire dont il avait la charge. Un drame humanitaire qui ne semble pas gêner notre ami pour le moins du monde, le poussant simplement à réparer amoureusement machines immobiles et véhicules divers. Un travail ne le captivant pas vraiment, mais lui permettant de rester en contact direct avec ses anciens camarades et quelques personnes de confiance. Jusqu'au jour où tout ce petit monde bascule, l'entraînant avec lui. Se retrouvant par le plus grand des hasards associé à une faction militaire, notre camarade devra pour le coup étudier rapidement le maniement des armes à destination des imbéciles afin de pallier à ses compétences limitées au niveau du tir. Et comme tout cela reste logique dans le fond, les tâches les plus importantes vous seront attribuées, allant jusqu'à des opérations vitales, quasi suicidaires. Un parti pris passablement incohérent qui ferait presque passer le scénario d'Independance Day pour du Shakespeare, mais qui trouve une légère justification dans la volonté de susciter une peur panique chez le joueur, sachant bien que son avatar ne dispose d'aucune capacité de combattant. Un citoyen lambda confronté à l'horreur, voilà ce que cherche à retranscrire Shadowgrounds sans réellement y parvenir, surtout sur la longueur.
Pourtant ce dernier fait de nombreux efforts pour cela, notamment dans sa représentation d'un univers froid et complètement déshumanisé. En effet, là où le titre de Frozenbyte se démarque c'est dans sa conception d'un background, certes pauvre mais véritablement attachant. Offrant des décors quasi lunaires, garnis de rares arbres en décrépitude, le jeu associe cette ambiance de mise en place clinique d'une civilisation voulant avant tout survivre avec un aspect métallique omniprésent. Le tout se pare alors d'une sorte de voile froid et déprimé faisant bien ressortir les difficultés d'acclimatation des habitants, obligés de construire rapidement et sans souci de beauté plastique. C'est donc dans ce monde fait de couloirs lugubres et de terrains stériles que vous allez devoir errer, au départ plutôt seul, puis accompagné d'une jeune demoiselle à la gâchette facile. Cette dernière ne tardera d'ailleurs pas à vous prendre pour l'homme à tout faire et vous confiera des missions toujours plus dangereuses dans une atmosphère gangrenée par les attaques répétées des créatures belliqueuses nouvellement apparues. Vous partirez de fait souvent l'arme au poing, esseulé face à des hordes d'araignées mutantes ainsi qu'à de pseudos aliens agiles et fourbes. Une occasion comme une autre de découvrir avec une joie en demi-teinte le gameplay particulier de ce soft.
Utilisant un système de déplacement classique inhérent aux FPS, malgré une représentation vue de haut, un peu à la Blood Omen premier du nom ou à la Alien Breed pour les plus vieux d'entre vous, Shadowgrounds surprend quelque peu quant à son système de visée. Dans les faits, votre personnage vise dans l'alignement de la souris. C'est-à-dire que le réticule se déplace selon les mouvements de cette dernière, prenant le héros comme axe principal. Considérez donc celui-ci comme une sorte de tourelle de char d'assaut, pivotant autour d'un point lors de la mise en joue mais pouvant avancer tout de même dans les quatre directions principales. Une manière de jouer assez difficile à expliquer, particulièrement déstabilisante sur le moment et demandant de longues minutes d'entraînement avant d'être maîtrisée. Néanmoins, avec l'habitude, vous finirez sûrement par trouver ce système assez agréable. Le reste s'avère bien plus classique, se basant sur le schéma antédiluvien du bouton à cliquer dans l'espoir de faire feu. Vous passerez donc le plus clair de votre temps à repérer un adversaire et à tirer frénétiquement dans le but avoué de l'abattre, sans autre stratégie. S'il vous est possible d'esquiver de façon assez pataude les assauts des divers monstres présents, cette fonction ne dynamise pas du tout le système de jeu et permet juste de se sortir vivant d'affrontements contre des vagues d'ennemis éternellement dirigées de manière analogue. Une preuve tangible d'une intelligence artificielle relativement déficiente, s'adaptant certes suivant certaines situations basiques mais ne vous surprenant jamais. Seules les petites araignées qui craignent la lumière de votre torche et qui attaquent dès qu'elles se sentent en sécurité, peuvent jouer en faveur de la tension se décantant tout au long du titre.
Prenant part à ce constat, la construction même du soft souffre de carences de finition et d'un déséquilibre notoire. En effet, autant il est agréable de parcourir des zones inexplorées et de prendre part à des missions intéressantes comme résister à un siège ou tenter à tout prix de rétablir les communications, autant l'architecture archaïque reposant sur des cartes pour ouvrir des portes qui amèneront à une clé pour déclencher un mécanisme tend à lasser. De même, les nombreux allers-retours au sein d'un même niveau commencent un peu à sentir la vieille naphtaline. On peut aussi émettre une réserve concernant la difficulté du jeu, qui, si elle reste clairement abordable, subit parfois quelques pics étonnants, rappelant douloureusement l'absence de sauvegarde entre les chapitres. Pourtant, Shadowgrounds fonctionne. Proposant une ambiance accrocheuse située entre la paranoïa d'Alien, symbolisée par la présence du radar à balayage et d'une gestion de la lumière trompeuse, et la folie furieuse d'un Starship Troopers au gré de combats épiques contre des dizaines d'ennemis, il permet de véhiculer un certain plaisir dans l'action. Il offre de plus un panel d'armes assez conséquent, à défaut d'être original, et surtout un système de modifications assez sympathique. Au final, pour son atmosphère et le plaisir véhiculé par les nombreuses scènes d'action parfois d'une rare intensité, Shadowgrounds vaut le coup d'oeil. De là à vous le conseiller, il y a un pas quelque peu large à franchir, mais grâce à son petit prix, ce jeu pourrait bien vous donner envie de partir pour Jupiter ou de devenir mécanicien. C'est au choix.
- Graphismes13/20
Si les textures utilisées ont tendance à se répéter et que la modélisation des personnages est loin de convaincre, la gestion des lumières s'avère en revanche intelligemment agencée, cherchant à susciter le doute par le biais des formes affichées avec la lampe-torche. Mis à part cela, les décors restent relativement réussis et l'ambiance générale joue grandement dans l'immersion.
- Jouabilité13/20
S'il faut pas mal de temps pour s'habituer totalement au système de jeu et à la prise en main en général, une fois ce cap passé, tout devient bien plus agréable, voire intense. Certains combats quasiment perdus d'avance remplacent le manque de sentiment épique du scénario et offrent au joueur des moments assez jouissifs. Malgré tout, les rouages s'avèrent totalement archaïques et empêchent le jeu de surnager réellement.
- Durée de vie10/20
Se terminant après une dizaine d'heures maximum d'efforts et d'étripages d'aliens, Shadowgrounds laisse tout de même un arrière-goût d'inachevé dans la bouche, notamment lorsque l'on se rend compte a posteriori des nombreux allers-retours essayant de masquer justement une durée de vie assez faible. De plus, ce n'est pas le mode coopératif qui vous sauvera la mise, vous obligeant à partager votre PC avec vos coéquipiers. Sur Ganymède, le réseau local n'existe pas...
- Bande son14/20
Les musiques de ce titre s'avèrent assez banales même si elles posent bien l'ambiance et favorisent l'inquiétude. En revanche les morceaux intervenant lors des scènes d'action ou contre les ennemis spéciaux restent de fort bonne qualité, donnant une réelle importance à ces scènes et leur conférant un grand dynamisme. Le doublage s'avère quant à lui assez moyen et les effets sonores restent dans la norme.
- Scénario10/20
Si les faits relatés restent dans la mouvance des films de science-fiction de série B, la trame est assez intéressante pour nous donner envie de la suivre, même si les personnages campent de belles caricatures et que les dialogues sonnent relativement faux. Encore une fois l'ambiance parvient à faire tenir le tout.
Bonne petite surprise que ce Shadowgrounds, qui, sous sa carapace hérissée de défauts et de quelques approximations, parvient à donner envie de se plonger dans l'aventure et de disputer son existence avec des hordes de créatures sauvages. Néanmoins, de par son côté répétitif et son manque d'idées général, il ne conviendra que pour des séances de jeu assez courtes. Ce qui se marie à merveille avec sa maigre durée de vie par ailleurs. Amuse-gueule un peu épicé, Shadowgrounds permet de passer un moment assez sympathique et c'est bien tout ce qu'on lui demande.