Parfois, il arrive qu'une petite chose mette la puce à l'oreille, une sorte de sentiment diffus, sans explications ni réalité. Un renseignement aiguillant sur les évènements à venir, comme une sorte de divination d'une prêtresse antique. Mais dans d'autres cas, cela peut aussi rester parfaitement prosaïque, voire pour le coup décevant. C'est ce qui arrive avec Tueurs. En effet, lorsque la pochette mentionne en lettres capitales, je cite : "le combat d'un homme contre la mafia", les jeux sont en quelque sorte faits. On ne s'attend plus vraiment à être surpris et pourtant. Suivons ensemble la voie de l'étonnement.
Vaste imbroglio assez incompréhensible de complots, de pots-de-vin, de brigands et de découpage de doigts, Tueurs vous place dans la peau de trois hommes différents au creux d'un scénario commun sans réels croisements de destins. Si on peut résolument ne pas comprendre où est le destin d'un seul personnage là-dedans, comme promis, il est également possible de se dire que cette variété favorisera des phases de gameplay diversifiées et un renouvellement de l'expérience ludique. Un sentiment qui s'évanouit bien vite lorsque l'on se rend compte que chacune de ces histoires parallèles offre un fonctionnement analogue et bien entendu un challenge loin d'être motivant sur le long terme. Toutefois si le tout s'avère réglé avec le sens du rythme, un principe de base novateur et une vision permettant de dépasser ce côté cloisonné, il serait difficile de le repousser à dessein. Avant de conclure sur ce point, une petite explication s'impose. Chaque personnage que vous dirigez dispose de mouvements de base, à savoir la possibilité de sauter, d'escalader et surtout de tirer des coups de feu. Le problème vient du fait que ces possibilités d'action ne sont pas celles par défaut, mais bel et bien l'éventail complet de ce dont vous disposez pour survivre. Vous serez donc confronté au strict minimum sans aucun espoir de voir évoluer vos avatars de pixels. De fait, il n'était pas vraiment possible de concevoir un level-design qui tienne convenablement la route, ni des principes de missions suffisamment étoffés, étouffés par ce manque d'inventivité ludique. Vous vous contenterez donc d'arpenter des niveaux dénués de caractère et d'une rare platitude en tirant maladroitement sur des personnes inconnues travaillant visiblement pour le parrain local.
Car vous aurez bien du mal à profiter des miracles de la technologie moderne avec vos armes de seconde zone, sans aucune précision ni viseur digne d'intérêt. Vous vous rendrez de plus bien vite compte que ce ne sont pas vos ustensiles guerriers qui sont en faute, mais bien la conception du réticule de visée, n'étant jamais vraiment placé idéalement sur votre cible. Il vous arrivera souvent de tirer plus haut que votre point défini pour des raisons qui nécessitent encore un éclaircissement. Et bien qu'avec de l'entraînement vous finirez par aligner les "headshots", cela dépendra moins de vous que de l'imbécillité contagieuse des ennemis qui ne se mettent que rarement à couvert et attendent sagement derrière un petit muret, leur beau visage buriné dépassant allègrement. Une offre qui se révèle tellement belle que l'on peut définitivement pas la refuser. Lorsque le cas contraire se produit et que l'ennemi se jette sur vous avidement, les commandes demeurent tellement raides qu'il vous est quasiment impossible d'éviter les balles qui fusent de tous les côtés, sauf si vous parvenez miraculeusement à effectuer une roulade. Ce qui, rassurez-vous n'arrivera que très rarement. De fait, on avance, on tire, et on peste contre ce rythme de jeu lacérant la moindre envie de s'investir. Et je passe sous silence les objectifs de missions inconséquents ainsi que la difficulté totalement déséquilibrée. Tout cela cacheté avec la cire de l'apparence graphique générale. Car si le soft semble annoncer de bien belles choses en tenant sur deux CD, il n'en reste pas moins que l'on se demande vraiment comment tant de place a pu être occupée avec les maigres textures et la modélisation plus qu'approximative de l'ensemble.
Et puis, négligemment, on se décide à regarder l'une des scènes cinématiques afin d'essayer de comprendre quelque chose à cette adaptation d'un sombre film russe jamais parvenu dans nos contrées sauvages. La solution était donc sous nos yeux depuis le début. Ce qui prend de l'espace sur ces disques innocents s'avère être un amas de nombreuses vidéos, illustrant chaque passage scénarisé. Visiblement extraites dudit long métrage, celles-ci bénéficient d'une compression catastrophique et donnent réellement à penser que l'on se trouve devant un "snuff movie" d'ex-Allemagne de l'est. De plus, la réalisation peu maîtrisée de ces passages, le côté tremblotant et le déluge d'effets spéciaux "stevenseagalesques" enrobé de voitures qui explosent et effectuent des tonneaux de huit mètres a grandement tendance à déclencher des crises de fous rires qu'à créer une immersion. Je vous conseille à ce propos la scène de la fusillade sur le tourniquet, qui reste un des monuments cinématographiques, n'assumant pas du tout son premier degré. Vous l'avez compris, malgré une ambiance qui aurait pu donner lieu à des étapes intéressantes et variées, ancrées dans les méandres d'une mafia tentaculaire, le titre se contente d'enchaîner les séquences de tirs aux pigeons sans saveur ni profondeur. Un manque de finition assez flagrant qui peut s'expliquer sans doute par un manque de moyens et/ou de personnel. Dans tous les cas, n'achetez pas ce titre, même si le héros ressemble de loin à Hitman, ou même sous une pression quelconque. Sauf si elle émane de la mafia bien évidemment. C'est toujours mieux qu'un doigt coupé.
- Graphismes7/20
Offrant des décors corrects sans plus, le titre trouve par contre ses limites dans la modélisation des personnages et surtout dans la cascade de bugs d'affichage présents. De plus, l'animation se révèle également lacunaire et donne l'impression de diriger des individus à la raideur cadavérique. Et leur teint pâlichon nous pousse à nous poser des questions sur leur statut d'être vivant.
- Jouabilité6/20
Si les mouvements des divers protagonistes s'effectuent sans mal et semblent donner le ton pour l'ensemble, vous déchanterez bien vite lorsque vous devrez utiliser le réticule de visée très "spécial" du soft et que vous aurez l'obligation d'effectuer un saut. Deux mouvements assez problématiques qui nuisent grandement au plaisir de jeu. De plus, le manque de variété du gameplay reste assez troublant.
- Durée de vie7/20
Si vous parvenez à supporter le titre jusqu'au bout vous n'aurez pas plus d'une dizaine d'heures grand maximum à passer dessus. Un temps bien suffisant pour vous apercevoir des manquements du soft et surtout pour profiter d'une des expériences cinématographiques les plus troublantes de votre vie.
- Bande son6/20
Si vous arrivez à en comprendre les grandes lignes vous parviendrez peut-être à rentrer dans le jeu, mais ce serait bien étonnant tant les ellipses ont la belle vie et tant la narration s'avère chaotique. De plus, les personnages ne sont pas du tout attachants, et leur destin n'intéresse personne, à part la mafia.
- Scénario9/20
Si vous n'avez jamais entendu des reprises du thème principal du film Bad Boys ou de celui du Parrain en russe, vous voilà servi. Outre l'étrangeté sonore de ces deux morceaux, vous retrouverez une bande-son assez variée, mais avare en thèmes suffisamment forts. D'autre part il est assez difficile d'accrocher aux divers exemples de hip-hop présents dans le soft.
Sorte de mélange entre un film tourné au caméscope équipé de vibrations automatiques et un ersatz raté de Hitman, Tueurs n'est pas vraiment le jeu que tout le monde attendait au tournant. Pas finalisé, lacunaire dans son fonctionnement et vraiment lassant même sur le court terme, le soft édité par Nobilis donne l'impression d'avoir été mis sous la coupe de quelques agents tout de noir vêtu et pas très conciliants. Si vous vous en sortez les gars, on compte sur vous pour un prochain jeu un peu mieux équilibré.