Le phénomène de vitriolage d'une licence vidéoludique est dans l'air du temps. Et 'c'est dark, c'est bath' le nouveau slogan des Jak, Prince et autre Sonic, n'est pas forcément le seul apanage des héros consoles. La projection de Black And White 2 vers un synopsis chuintant de morts vivants est ainsi le credo de cet add-on, qui confinerait, par voie de conséquence, l'original à l'ennui gentillet d'une promenade dans les décors de Baudelaire - ce qui n'est pas loin d'être l'opinion de certains par ailleurs... La Bataille Des Dieux est donc de prime abord une sombre griffure dans un jeu un peu ronflonflon, ou si vous trouvez l'expression trop polie : un bon coup de pied aux fesses.
Les morts-vivants donc. Anciennement Aztèques, leur chair a été détroussé par la morsure de la décomposition et le passage des vers gloutons, si bien qu'ils appartiennent désormais à cette catégorie de monstres qui claquent des dents en marchant. Vous situez ? Bon, eh bien cette coll-os-al armée n'aurait certainement pas pu parcourir les 6 pieds qui l'éloignaient du plancher des vaches sans un petit coup de pouce divin. Surprise, donc, au sein de la saga Black & White : un dieu vous fait désormais face, égal à vous, si ce n'est supérieur, dans son influence et sa puissance. Ce Gozer de l'Eden doit lui-même son réveil à la dernière frange armée des Aztèques, survivants d'un conflit dont vous êtes précédemment sorti vainqueur. Tout le monde a donc bien les crocs et vous promet un spectacle du feu de dieu, dés que le soleil se couche, ce qui ne tarde pas puisque notre sympathique belligérant nécrologique éteint la lumière assez rapidement.
Ce dernier, qui constitue justement une première, est, tranchons dans le vif tout de suite, la seule addition notable de l'add-on. Dit ainsi, ça se présente pas très bien mais commençons déjà par juger du plaisir qu'apporte la présence de cet adversaire. La difficulté est la première bénéficiaire, et ce, d'entrée de jeu. Toutes les techniques de raccrocs que l'on s'amusait à employer dans le titre original pour clore les missions en moins de deux peuvent désormais être utilisées contre vous. Protéger un village à l'aide d'un miracle, balancer de grosses pierres ou des boules de feux à distance, utiliser le bouclier, tout ça le boss de l'autre camp sait le faire. Et il le fait même plutôt bien. Du moins, pour ce qui concerne le maniement des miracles et des objets pour frapper.Il est très plaisant de se voir ainsi opposé une résistance concrète et des attaques un peu plus malignes. Mais, dieu ou pas, notre équivalent maléfique reste un sans coeur qui envoie ses troupes avec un timing d'une triste régularité, et qui ne se soucie guère de la tournure dramatique que prend un affrontement entre sa créature, gros singe dégueulasse, et nos troupes, 10 fois trop nombreuses pour elle. L'inverse marche aussi avec notre créatures et ses troupes en nombre trop réduit. Bref, si ce boss est un adversaire apte à créer du stress et du fun, il reste loin, très loin d'une hypothétique opposition humaine.
A part ça qu'y a-t-il de nouveau dans La Bataille Des Dieux ? Deux nouvelles créatures jouables, oui, on s'en serait un peu douté qu'il y aurait de ces bestioles. Tout d'abord le Tigre, qui n'était présent que dans l'édition spéciale de la version d'origine, et la Tortue, chouette animal, dont l'association avec une divinité fera remonter quelques souvenirs aux lecteurs de Ca. On poursuit avec quatre nouveaux miracles assez puissants qui ne sont vraiment pas du luxe avec cette difficulté revue à la hausse. En fait, vous pourrez oublier tous les sorts classiques devenus trop faiblards, comme la boule de feu, pour vous concentrer sur les météorites, les incantations, et surtout la coulée de lave, nouvelle star des miracles offensifs, sans aucun doute permis. On remarque aussi une petite subtilité avec le mode Miracle expert qui vous permettra de consommer moins de points par lancé, avec en contrepartie des déclenchements davantage houleux. Tous ces nouveaux miracles sont certes rigolo (surtout la lave, qui permet d'appeler au Pompeï toutes les 5 minutes), mais ils ne peuvent prétendre renouveller ne serait-ce qu'en surface un gameplay qui ne manquait pas vraiment de gros effets spectaculaires, ne serait-ce que pas la présence des Merveilles. Et là, catastrophe, car nous venons de faire le tour exhaustif des ajouts en présence.
C'est autant l'absence d'une vraie plus value quantitative qu'une grosse frustration dont nous afflige Lionhead. Car, les oripeaux de cet adversaire divin nous rappelle surtout cruellement ce mode multijoueur qui manque encore à l'appel. Le fait de pouvoir choisir la créature qui nous a accompagné il y a quelques mois nous fait penser : mais où sont les nouveaux joujoux ? Où sont les bidules débiles très "bac à sable" que l'extension "L'île aux créatures" du premier Black & White avait au moins eu le mérite d'apporter ? Deux bestioles supplémentaires, voire une seule si on met à part le Tigre, 3 cartes jouables, certes grandes mais pas franchement différentes, et affligées du même filtre grisatre de début de partie, quelques nouveaux miracles, tout cela n'est pas bien folichon. Il est aussi regrettable que le soft, qui n'était pas un modèle d'IA et de pathfinding, n'ai pas profité d'un petit nettoyage de code. Enfin, la stature un peu plus sérieuse et violente de l'histoire ne passione pas franchement. Trop manichéen tout ça. Heureusement, certaines quêtes annexes viennent offrir un peu de second degré, toujours avec cet humour British dont la bande à Molyneux est coutumière. Mais bon, en l'état, seule la difficulté assez accrocheuse et les bons moments de rigolade avec les coulées de lave évitent à cet add-on d'être totalement insignifiant.
- Graphismes17/20
Au rayon de l'épate technique, le titre garde sa bonne place malgré les mois qui défilent. On ne constate pas de grosses améliorations, même si certains effets ont bénéficié d'une légère retouche. Par contre les nouveaux miracles, la coulée de lave en tête, caressent l'iris dans le sens des cils.
- Jouabilité14/20
La présence d'une opposition divine bonifie la difficulté du jeu. Ce dieu sait se défendre et attaque avec un chouïa plus de concertation que nos pauvres Aztèques du titre d'origine. Mais sorti de ce bon point, le joueur peut poliment capitaliser sur ce qu'il connaît sans jamais devoir s'attendre à quelques subtilités inédites. Le nouveau sort de coulée de lave est peut-être le seul paramètre à prendre en compte si vous voulez élaborer des stratégies un peu plus complexes, et rigolotes.
- Durée de vie10/20
Trois cartes, même grandes et bien remplies, c'est peu. Surtout quand l'objectif et le cheminement pour obtenir la victoire restent les mêmes. Le tour des nouveautés se fait en une petite heure de jeu, soit à peu près 1 sixième du total. De fait, il semble raisonnable de penser que beaucoup d'entre vous en resteront là et ne recommenceront pas le schmilblick.
- Bande son16/20
Dans la lignée de l'original, c'est propre, soigné, avec de jolies colorations lorsqu'on passe sur un village au style assez africain et un concert de douleurs aux abords des lignes ennemis. Les voix sont bien rendues mais on a quand même rapidement du mal à supporter sans sourire le doublage du grand méchant, dont le synthétiseur de voix a du être réglé sur "baryton fiévreux vous parle en direct d'une cave".
- Scénario12/20
L'armée des morts-vivants apporte au moins un peu d'humour dans ce synopsis très manichéen et pas franchement finaud. Dans l'ensemble, ça se résume à "ce n'est pas possible ! Je suis pourtant le plus puissant des dieux !" Du Dragon Ball entre sommités divines, en somme.
On ne frémit jamais devant La Bataille Des Dieux, tout au plus on s'accroche à une difficulté bien réglée ou a quelques mécanismes extravagants telle la coulée de lave, et on éprouve quelque plaisir coupable à retrouver sa créature. Mais l'ensemble reste bien léger, et l'envie de continuer s'effiloche à la mesure de ces parties très, trop, similaires au titre d'origine. Manque de contenu, manque d'ambitions, manque d'idées, on savait que tout n'est pas rose pour Lionhead en ce moment (et le ton du jeu en est d'ailleurs symbolique), mais il n'y a aucune raison pour que vous en payez le prix fort.