Comme les catastrophes naturelles, le cycle des saisons ou le flux et le reflux, les problèmes dans les titres destinés aux enfants semblent éternels et impossibles à contourner. C'est donc porté par sa destinée qu'Heidi se conforme à cet état des lieux. Non, je ne vous dirai pas si le jeu est bon ou mauvais, et non je ne nous révélerai rien de la trame torturée et mystérieuse. Car Heidi se déguste, se laisse savourer au gré de nombreuses heures de jeu passionnées. Pour rien au monde je ne vous gâcherai la surprise dans ce modeste chapeau, car un bon bol d'air frais des Alpes, c'est toujours un succès comme dirait l'autre.
Pour ceux qui ne l'auraient pas encore deviné, le valeureux soft d'East Entertainement vous propose, ou plutôt vous oblige, à incarner Heidi, petite fille naïve et aussi mignonne qu'un koala, dans ses aventures au creux des montagnes. Si le pitch de départ laisse sans voix, il faut toutefois mettre ses appréhensions de côté et se laisser entraîner dans les plaines verdoyantes ou enneigées des hauts pâturages. Accueillie par son grand-père et un certain Pierre au passé plutôt trouble, la jeune enfant découvre donc les sommets et leur faune sauvage plutôt terrifiante. Laissez-moi vous dire que ce ne sont pas des paroles en l'air, car Heidi est l'un des seuls softs à considérer les marmottes et les écureuils comme des ennemis farouches et particulièrement sanguinaires. Vous serez donc étonné de vous approcher d'un modeste rongeur vraisemblablement doux et de recevoir une noisette en pleine tête comme signe d'affection. Honnêtement, on ressent un certain malaise à chaque fois que l'on croise le chemin d'une de ces créatures pourtant attachantes dans l'absolu. Le fait de défourailler de la marmotte innocente à tours de bras est assez incompréhensible et ne colle pas du tout avec l'imagerie enfantine que contient le soft. Le seul espoir que l'on puisse avoir est que les jeunes garçons et filles ne parcourent pas la montagne dans l'espoir de se venger de leurs opposants de pixels. Un risque plausible, surtout lorsque l'on se rend compte que ces attaques répétées sur les bêtes des alpages représentent l'unique occupation de la petite Heidi durant toute l'aventure. C'est alors que le désastre écologique se double d'un désastre ludique.
En effet, outre l'aspect répétitif de ces combats injustifiés, le titre souffre d'un gameplay extrêmement pauvre, ne réussissant même pas à conserver une maniabilité convaincante, qui aurait pu rattraper cet écueil. Aux commandes de la frêle jeune fille vos actions se limitent à courir, sauter, et siffler. Un trio ne différant pas vraiment de ce que l'on peut trouver dans un ancien épisode de Mario, c'est certain, mais qui souffre ici d'une absence de rythme et d'intuitivité flagrante. Tout le monde sait bien que Heidi se destine aux joueurs peu âgés, mais ce n'est pas une raison pour leur réserver une telle sobriété, tirant vers une simplicité un peu facile. Sincèrement, je n'aurais jamais pu m'échiner à progresser dans un tel jeu à l'époque où je découvrais Super Mario Bros. premier du nom. Concevoir un titre de plates-formes sans réelle "profondeur" et le réussir de manière grandiose n'est pas donné à tout le monde. Heidi en est la preuve, par le biais de sa gestion des sauts hasardeuse et surtout de sa raideur généralisée. Effectivement, animée seulement par deux étapes bien distinctes, l'héroïne à la jupette rouge semble rechigner à donner le moindre signe de compassion. Vous obligeant à presser les directions de votre pauvre GBA tel un forcené, la jouabilité est à des lieues de la notion même de plaisir. Heidi est victime d'une sorte de lourdeur pataude donnant l'impression de diriger un rocher déguisé en fillette. D'autre part, la capacité de cette dernière à courir, nécessitant une double pression sur l'une des flèches du pavé directionnel nécessite un léger entraînement tant il est difficile de démarrer rapidement cette action. Chose étrange dans cette même veine, une fois que vous avez débuté vos pas rapides vous continuez à cette vitesse jusqu'à rencontrer un obstacle. Un principe assez sympathique miné par le fait que les nombreuses prises de paroles ineptes de Heidi coupent votre élan et vous oblige à repartir de plus belle.
Et comme si cela ne suffisait pas, le jeu innove grandement en vous proposant un système de remise en place probant. Dans les faits, si vous sautez sur une plate-forme, que vous atterrissez (c'est important) et que vous vous faites toucher par un ennemi, vous reviendrez à votre point de départ, même si vous avez atteint l'espace où se trouve votre opposant. Un principe totalement idiot, qui vous replace à chaque fois face à l'obstacle que vous n'avez pas pu surmonter, et vous fait parfois perdre des mètres et des mètres dans votre progression. Toujours dans une volonté d'aider le joueur, la gestion des collisions manque cruellement de précision et il n'est pas rare d'être blessé par un renard furieux alors que l'on pensait nettement lui avoir réglé son compte. Vous l'aurez donc compris, Heidi : Le Jeu Officiel se contente justement d'être officiel et de se servir de cette fausse justification pour se moquer encore une fois des jeunes joueurs. Plat, répétitif dans les décors affichés, graphiquement en retrait de la production actuelle, et ne diffusant surtout aucun plaisir de jeu, le titre de East Entertainement rejoint donc ses comparses aux licences faciles dans le cimetière de la GBA. Pourtant les Alpes sont si belles à cette époque de l'année.
- Graphismes9/20
Doté d'une animation extrêmement limitée et d'un aspect graphique relativement simpliste, Heidi ne joue pas vraiment dans la même cour que des titres pourtant moins récents. D'autre part, et même si les décors changent un peu plus vers la fin de l'aventure, il est assez désagréable de traverser 13 niveaux sans remarquer de variations d'environnements. Une répétition qui ne joue pas en faveur du côté déjà lassant du soft.
- Jouabilité7/20
Si les commandes en elles-mêmes s'avèrent rapidement compréhensibles et relativement accessibles, il en va tout autrement une fois confronté à l'action. En effet, lourde et raide comme une bûche, Heidi vous forcera à écraser vos petits doigts sur la croix de direction en espérant orienter son saut. De toute façon vous ne saurez jamais vraiment où vous retomberez à cause d'un scrolling vertical très mal réglé et d'une précision globale en berne.
- Durée de vie10/20
Etant donné la progression rapide et le peu de résistance (sauf en ce qui concerne la jouabilité) des situations rencontrées vous en viendrez rapidement à bout, même dans le cas de jeunes joueurs. Il faudra aussi composer avec la lassitude ambiante et une absence de renouvellement dramatique.
- Bande son6/20
Enervante à outrance, la bande sonore à comme seul atout de coller relativement bien à l'ambiance du jeu et au côté aérien de la montagne. Non que les mélodies soient de mauvaise qualité, mais entendre le même refrain pendant plus d'une dizaine de niveaux, sans arrêt, a tendance à crisper sérieusement. Les effets sonores, fort rares, laissent également pantois.
- Scénario/
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Faisant partie de cette frange de jeux destinés aux jeunes joueurs qui ne se donnent pas la possibilité d'être respectueux, Heidi : Le Jeu Officiel sombre donc dans les mêmes travers. Confondant public peu âgé et facilité de vente, le titre s'embarque dans un amas de lacunes techniques ou tout simplement de construction. Lorsque la jaquette annonce fièrement que l'aventure va nous emmener malgré nous dans une aventure, elle n'a que trop raison. Car on ne veut pas y aller !