Certains pourront se sentir chanceux, d'autres lésés, mais il est un fait indéniable : les RPG arrivent en masse en Europe sous couvert de grosses acquisitions, de coups de poker ou bien encore d'adaptations d'anciens hits. A ce titre, la PSP se veut une terre d'accueil idéale pour des softs ayant fait les beaux jours de vénérables consoles. De fait, après l'excellent Tales Of Eternia, voici un autre fleuron du genre, Breath Of Fire III, qui accuse malheureusement un peu trop le poids des âges.
D'aussi loin que je me souvienne, Breath Of Fire III fut une révélation pour moi. Après m'être remis du choc Final Fantasy VII sur PSOne, quelle ne fut ma surprise de découvrir un univers, radicalement différent de celui du chef-d'oeuvre de Squaresoft, où les dragons régnaient en maîtres absolus. De plus, Capcom avait eu la clairvoyance de traduire son bébé sur notre continent, ce qui rendait d'autant aisée l'approche, pour celles et ceux qui désiraient découvrir cette grande saga. Certes, la localisation était plus que douteuse (qui ne se souvient pas de l'énorme faute de traduction à la fin du jeu à cause de laquelle il était impossible de sortir d'un désert labyrinthique ?) mais on ne pouvait pas vraiment se plaindre à l'époque, surtout que les sorties parcellaires étaient autant de pain béni pour tous les fans du genre. D'ailleurs, il convient tout de suite de préciser que la version PSP est entièrement en anglais, ce qui est un peu gênant, pour les anglophobes et, surtout, très gonflé de la part de Capcom. Malgré tout, ne boudons pas notre plaisir, d'autant que quelques ajouts complètent cette édition. Cependant, rien de bien transcendant puisqu'on y trouve uniquement un mode Fishing (à débloquer suivant certaines conditions) dans lequel vous devrez réaliser le plus haut score en pêchant des poissons dans des endroits précis avec des appâts pré-choisis. Veuillez noter que ledit mode est également jouable avec un ami, ce qui est une bonne chose d'autant que le titre gère le Game Sharing, grâce auquel une seule cartouche suffira pour profiter du tout. De plus, en fonction de votre réussite, vous débloquerez des artworks, consultables dans une galerie. De ce point de vue-là, il semble donc que le "remake" PSP ait fait l'objet de quelques attentions de la firme nippone. C'est du moins ce qu'on peut se dire avant de débuter véritablement l'aventure.
Et c'est à ce moment-là qu'on se rend compte que le temps altère parfois nos souvenirs. Comme je le disais plus haut, Breath Of Fire III était pour moi synonyme de joyeuses tranches de plaisir parsemées de combats spectaculaires où la magie d'un superbe design se mêlait à des effets spéciaux convaincants. Ainsi, si ce Breath Of Fire conserve toujours d'excellentes idées de gameplay, il faut avouer que son adaptation PSP a de quoi surprendre. La première chose que j'avais oublié provient de la construction maladroite du soft qui vous fera souffrir à plus d'un titre. Pour être plus précis, on peut scinder le jeu en deux parties. La première, qui s'étend sur une petite (grosse ?) dizaine d'heures, mettra en scène le jeune Ryu qui rencontrera nombre de ses futurs compagnons dont deux voleurs (Rei et Teepo) et une princesse du nom de Nina. Ensuite, le temps passera et c'est un Ryu adolescent qui prendra le relais. Dans l'absolu, l'idée est très bonne sauf que Capcom n'a pas pensé à tout. Par exemple, si on combat le plus souvent à trois, on ne compte plus les passages en début de partie où il faudra se taper des affrontements en solo ou à deux. Le hic est qu'il est difficile de faire de l'EXP sachant que les ennemis sont soit trop forts, soit trop nombreux. On rajoutera également les sauvegardes très espacées, les objets de soin difficiles à trouver ou relativement chers, et les combats aléatoires incessants, tout ceci induisant une difficulté très importante, le plus souvent synonyme de crises de nerfs de la part du joueur désoeuvré. Bien entendu, vous aurez la possibilité de faire leveler vos persos en vous battant contre des ennemis assez faibles mais c'est assez fastidieux et un peu gavant. En bref, si vous réussissez à survivre à l'éprouvante visite du manoir de McNeil, à l'énigme du cimetière sous-terrain ou aux combats du Colisée, vous pourrez enfin commencer à profiter de ce titre.
Ceci dit, débutons tout de suite par quelques écueils supplémentaires. Tout d'abord, il est regrettable que Capcom n'ait pas jugé bon de retravailler cette satanée caméra qui n'arrête pas de masquer des éléments comme des routes, des objets ou des personnages. C'est assez déstabilisant, d'autant que ce problème est parfois mis à profit comme lors de la partie de cache-cache à Wyndia. Ensuite, on aurait aimer pouvoir tourner l'objectif à 360°, ce qui n'est pas possible vu qu'il a seulement été prévu de le bouger légèrement pour voir ce qui est masqué par les décors. Enfin, l'autre soucis est lié à un énorme temps de latence entre le moment où on termine un combat et celui où on peut bouger à nouveau. On parle ici de quelques secondes, mais il faut avouer que c'est insupportable sur la longueur. Malgré cela, n'allez pas croire que ce titre ne présente aucun intérêt. Comme je le disais plus haut, si vous réussissez à tenir les premières heures, vous pourrez alors apprécier à sa juste valeur ce RPG. On pourra reprocher quelques choix scénaristiques douteux à l'image de la fin futuriste un peu en trop en décalage par rapport au reste (c'est ce qu'on appelle l'effet Onimusha), mais à part ça, les protagonistes qui viendront rejoindre vos rangs sont des plus intéressants, à part Peco qui est relativement inutile. On se retrouve donc rapidement avec une équipe éclectique qui doit beaucoup à la force brute de l'homme-dragon Garr ou à l'intelligence de Momo qui fera d'ailleurs une brève apparition dans BoF IV pour ceux que ça intéresse. Le petit plus est que chaque membre aura une capacité particulière à mettre à profit en dehors des combats. Ainsi, vous pourrez switcher entre chaque personnage faisant partie de votre équipe pour crocheter des serrures (capacité de Rei), donner des coups d'épée (Ryu), lancer des sorts avec Nina, etc. N'oubliez pas non plus que certains NPC ne réagiront pas de la même façon face à tous vos héros.
En dehors de cet aspect, le gameplay de BoF III comprend moult idées toutes plus intelligentes les plus que les autres. Commençons par la pêche qui est un jeu dans le jeu. En effet, vous trouverez tout au long de l'aventure des spots où vous pourrez essayer d'attraper différents types de poissons. Ainsi en fonction de votre canne et de vos appâts, vous aurez plus ou moins de chance d'obtenir des plus grosses prises. Au-delà de la pure compétition (obtenir tous les types de poissons vous demandera de nombreuses heures de jeu), vous pourrez aussi vendre vos prises ou les utiliser pour récupérer vos HP et AP (points de magie). Dans le même genre d'idées, n'oublions pas le village des fées que vous pourrez faire évoluer afin d'y trouver des objets rares. Ici aussi, autant dire que cette quête annexe grossit de manière exponentielle la durée de vie du soft. De la même façon, le système de combat nous incite à tout découvrir pour avoir droit à quelque chose de dynamique.
En fait, outre les traditionnels sorts magiques que vous récupérerez en gagnant de l'expérience, vous profiterez du savoir de divers maîtres qui croiseront votre chemin. Si vous décidez de devenir leurs élèves, vous aurez alors la chance d'acquérir des techniques spéciales ou d'augmenter certaines de vos caractéristiques. Sachant que chaque sensei délivrera un enseignement différent (lié à la magie ou aux techniques de combat), vous comprendrez vite qu'il sera intéressant d'étudier chez chacun d'entre eux pour obtenir des personnages complets. En sus, Ryu a aussi la possibilité de se transformer en dragon pour utiliser des techniques supplémentaires. Pour se faire, il suffira de trouver des gènes de pouvoir puis d'en associer trois différents. A ce titre, si on peut obtenir plus de 900 transformations différentes, il convient de préciser que d'un strict point de vue visuel, celles-ci seront bien moins nombreuses. Néanmoins, elles restent très jolies (beaucoup plus que celles du IV mais c'est une question de goût) et avec un peu de chance, vous pourrez même obtenir la transformation ultime qui verra Ryu se transformer en une sorte de berserker du nom de Kaiser. Ceci dit, faites très attention à cette dernière métamorphose car si votre personnage arborera un look très classe (forme humaine mais vêtements inédits et cheveux blonds) en plus d'être surpuissant, vous ne pourrez plus du tout le diriger, notre héros pouvant alors attaquer amis comme ennemis.
J'allais presque oublier de vous parler d'une possibilité qui vous permettra également de copier les techniques de vos adversaires. Ici, il vous suffira simplement de choisir l'option Examiner en plein combat, en espérant que votre ennemi utilise une technique spéciale contre vous. Cependant, seule une poignée d'attaques sont imitables mais elles s'avèrent parfois très puissantes. Comme on peut le voir, Breath Of Fire III ne manque pas de ressources et peut se targuer de proposer une aventure de longue haleine, surtout si vous adhérez aux principes des quêtes supplémentaires. C'est donc d'autant plus dommage que Capcom n'ait pas jugé bon de rectifier le tir en gommant plusieurs problèmes fâcheux entachant grandement le plaisir de la découverte. Malgré tout, cet opus reste pour moi un des meilleurs épisodes de la série, qu'il vaudrait mieux découvrir sur PSOne que sur PSP et ce nonobstant les petits plus de cette mouture.
- Graphismes13/20
Tout comme la série des Suikoden, les Breath Of Fire optent pour une vue de biais permettant une bonne visibilité lors des combats. Les décors en 3D ont mal vieillis, tout comme les effets spéciaux, mais le beau character design sauve Breath Of Fire III. On reconnaît d'ailleurs bien la patte graphique de Capcom en cela que les monstres et personnages (représentés en 2D) bénéficient de formes toute en rondeur et d'un rendu détaillé avec plusieurs petites animations.
- Jouabilité12/20
Il est difficile de se faire à ces angles de caméra tarabiscotés qui masquent trop souvent un personnage, un coffre ou même un chemin. Le système de combat ne souffre d'aucun problème, l'idée des transformations, en combinant les gènes, ajoute à l'intérêt des affrontements mais à l'instar de Tales Of Eternia, la fréquence de ces derniers est bien trop importante. Enfin, les temps de chargements sont longuets, les dialogues peinent à défiler à vive allure, même en configurant cet aspect, et le tout est en anglais malgré une (mauvaise) localisation à l'époque sur PSOne.
- Durée de vie15/20
Les dix premières heures sont d'une grande difficulté car il est ardu de faire du level-up tout en avançant dans l'histoire. Par ailleurs, trouver son chemin dans des environnements labyrinthiques en résolvant des énigmes et en combattant pourra vous rendre fou. La longévité est donc conséquente (une trentaine d'heures pour l'aventure principale) surtout si vous cherchez toutes les gènes de transformation, les variétés de poissons ou si vous comptez terminer la quête du village des fées.
- Bande son12/20
Pas de digits vocales (ce qui n'est pas catastrophique) et des compositions assez neutres. Comme d'habitude, les thèmes de combats énergiques alternent avec ceux plus calmes des villages mais dans l'ensemble, les musiques de Breath Of Fire III n'ont rien d'extraordinaire.
- Scénario12/20
Bien qu'on retrouve toujours Ryu et sa quête d'identité, l'histoire de BoF III se permet quelques excentricités futuristes à l'image de la scène de fin rompant un peu trop avec le début. A ce propos, signalons que le soft est découpé en deux parties (enfance puis adolescence du héros) mais on a beaucoup de mal à apprécier les dix premières heures qui ne sont exploitées qu'à travers la recherche des compagnons de Ryu.
Elitiste à bien des égards, Breath Of Fire III a bien du mal à convaincre sur PSP. Les problèmes de la version PSOne (de caméra notamment) n'ont pas été réglés et ce ne sont pas les quelques ajouts qui feront passer la pilule. Paradoxalement le début du jeu est bien plus difficile que la seconde partie, la lenteur inhérente à la fin des combats est énervante et le système de sauvegarde aurait gagné à être revu. Pourtant, le jeu mérite le coup d'oeil, ne serait-ce que pour le jeu de pêche (jouable en Multi dans cette version), les transformations en dragon ou le très beau design général.