Une grosse dose d'humour noir et une couche de satire suffisent-elles à maintenir un shooter à la troisième personne à flots ? Difficilement en vérité, comme le démontre Raze's Hell, titre de Majesco qui met à mal le culte des Bisounours.
Il était une fois les Kewletts, des êtres évoquant vaguement un croisement entre les Bisounours et les Télétubbies, mignons, parlant d'une voix haut perchée et vivant dans un bonheur à rendre jaloux les Schtroumpfs au sein de leur royaume magique empli de richesses. Voilà qu'un jour, ces adorables petites créatures décident d'apporter joie et bonheur en exportant leur mode de vie au monde extérieur si triste et désolé, ne pouvant goûter à la joie d'un système parfait. Voilà comment les Kewletts partirent en guerre contre le monde. Toutes ressemblances avec une certaine guerre dans un certain Moyen-Orient serait bien évidemment volontaire, et pour ceux qui en douteraient encore, il suffit de regarder le JT des cinématiques, largement inspiré de Fox News, où l'on pourra suivre les évolutions de l'opération Fresh Hope. Je pense que le doute n'est désormais plus de rigueur. Cette satire acidulée ne va pourtant pas très loin et cède rapidement la place au simple aspect décalé qui résulte du spectacle de ces adorables créatures armées jusqu'aux dents, utilisant des véhicules militaires ornés de petits coeurs roses. Ceci dit, on notera quelques autres références plus ou moins discrètes à l'histoire militaire des USA, notamment en découvrant ce scientifique Kewlett au fort accent allemand qui ne manquera pas de faire penser à un ex-Nazi. Quant au nom du bonhomme, sachez qu'il se nomme docteur Mingele. Je veux bien croire que cela ne fera pas rire tout le monde. Remplacez le I par un E et demandez à votre ami Google.
Faisant sourire à maintes reprises en abusant de situations absurdes, Raze's Hell vous offre la possibilité d'espionner quelques conversations stupides du camp ennemi, entendre ces petits nounours raconter leurs souvenirs de guerre ou vous poursuivre en criant "reviens, je suis venu te libérer, ça ne fera pas mal" est assurément une source de sourires. Tout autant que le fait de les sniper et de voir leur tête s'envoler. Combattre les Kewletts, c'est de plus affronter leurs sbires, au nombres desquels figurent des soldats kamikazes bardés d'explosifs qui courent vers vous en hurlant. La référence à Serious Sam est évidente, et le pire c'est qu'ils sont encore plus drôles ici.
Malheureusement, cette course à la rigolade a ses limites, Raze's Hell n'étant pas vraiment tordant de rire de bout en bout. Et il se trouve qu'en termes de gameplay, le titre ne fait pas mouche. Guidé par un être ailé et sournois qui fera penser à une version dark du Murphy de Rayman, Raze va devenir le sauveur de son peuple "libéré" après avoir subi les effets d'un artefact magique qui feront de lui un mutant guerrier. S'il est capable de combattre au corps-à-corps, le jeu reste avant tout un shooter. Pour s'équiper, notre héros doit s'alimenter auprès de mère nature. Différents types de plantes qu'il pourra ingérer correspondront à de multiples sortes d'armes. Mitrailleuse, snipe, missile ou même "l'écraseur", équivalent à un fusil à pompe. Précisons cependant que l'arme qui projettera ses tirs n'est autre que la bouche même de Raze.
On ne devra pas pour autant négliger l'importance du combat rapproché, car mettre en charpie (au sens propre) vos ennemis aura une utilité indispensable : faire remonter votre niveau de vie en aspirant leurs restes encore chauds. Oui, c'est en effet tout à fait dégouttant, mais vous n'avez jamais mangé de Kewletts, ce n'est pas forcément pire que du croupion de lapin.
Voici donc des bases un peu simples, trop sans doutes. Car tout ce que le titre offre, c'est une suite de massacres à vocation rigolote mais nécessairement redondante. Aucun puzzle, aucune phase d'adresse ou quoi que se soit. De plus, Raze's Hell se révèle très mal équilibré. C'est toute une horde d'ennemis déchaînant leur puissance de feu contre nous qu'il faut affronter, soldats de base, kamikazes, engins volants, un véritable déluge contre lequel on se sent souvent impuissant. Car les Kewletts sont peut-être mignons, ils n'en ont pas moins résistants. Capables de supporter une somme d'impacts beaucoup trop élevée (surtout en comparaison à votre propre endurance), il s'avère qu'ils sont de terribles adversaires et que le niveau de difficulté de certains passages est extrêmement frustrant, en particulier pour un jeu finalement sans grande surprise, en dehors de son humour.
Le design lui-même ne comblera pas le manque d'intérêt du gameplay puisqu'il est terriblement peu inspiré, reposant sur de grands espaces vides, aux couleurs peu variées. Les personnages ne sont pas mieux servis et en dehors des Kewletts eux-mêmes, les autres semblent avoir été bâclés, à l'image de la bande-son de la version française qui n'est que partiellement traduite. Ainsi, seules les paroles qui vous sont directement destinées sont énoncées en français, les autres n'ont pas été localisées. Une attitude franchement déplorable. Une autre saveur désagréable qui contribue à donner au jeu l'aspect d'une bonne recette mal cuisinée.
- Graphismes12/20
Partant d'un frame-rate déjà bien bas, le jeu est souvent secoué de vilaines saccades en sus de n'afficher que des décors trop épurés et manquant de soin.
- Jouabilité10/20
Un gameplay très pauvre et sans aucune finesse qui souffre en plus d'un mauvais équilibre avec des ennemis endurants comme des rocs et un héros nettement plus fragile. Raze's Hell s'avère trop pauvre pour tenir la distance.
- Durée de vie12/20
Comptez environ 10 à 12 heures pour venir à bout du jeu, en dépit d'un niveau de difficulté parfois élevé, limite frustrant. Le mode multijoueur présente peu d'intérêt.
- Bande son12/20
On trouve quelques dialogues très bien vus qui sonnent de façon admirable dans la bouche de personnages à la voix gentillette mais il est intolérable de constater que la V.F. n'a même pas été menée à bout. Les musiques n'ont rien de mémorable mais se laissent entendre.
- Scénario11/20
S'il propose une univers décalé et parodique, le scénario de Raze's Hell est trop mal exposé pour qu'on s'y retrouve, les événements se produisant sans être correctement mis en lumière.
Aïe, alors qu'il était dans ma liste de chouchou et potentiellement une bonne surprise, Raze's Hell échoue près de la ligne d'arrivée. Son aspect satirique ne va pas assez loin, même si son simple humour parvient à arracher quelques sourires (stand tall, stand proud, look cute !) mais il est encore plus dommageable que le gameplay soit si creux et frustrant par son incompréhensible frénésie. Un bon client pour le marché de l'occasion.