Dans un souci toujours plus injustifié de changer les titres de jeu "au petit bonheur la chance", le valeureux The Sword Of Etheria remplace le non moins fameux Oz, appellation japonaise d'origine. Si ce nouveau patronyme reflète quelque peu les intentions de la trame du soft, il fait néanmoins perdre de vue aux joueurs les inspirations profondes soutenant le tout. En effet, le nouveau beat'em all de Konami n'est rien de moins qu'une adaptation très libre du Magicien d'Oz, roman de Lyman Frank Baum. Lorsque l'on connaît le ton de cette oeuvre, que ce soit dans son format papier ou dans sa déclinaison cinématographique, on se demande bien comment faire de cette ode onirique un jeu d'action survitaminé et régressif. Et pourtant, voilà la force des créatifs japonais. Saisir un sentiment, une ambiance, et en retranscrire l'essence avec des outils aimés et choisis. Et pour le coup, il y a de quoi être impressionné.
Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire originale du Magicien d'Oz, laissez-moi vous donner un aperçu rapide de cette quête initiatique relativement profonde. Ce conte nous relate les aventures de Dorothée, une jeune fille emmenée au pays d'Oz avec son chien Toto par un cyclope aux intentions plus ou moins amicales. Une fois au coeur de ces lieux fantastiques et irréels, la fillette fera la rencontre d'un homme de fer blanc cherchant un coeur, d'un épouvantail souhaitant être intelligent, ainsi que du Lion poltron désirant obtenir du courage. Ils décideront alors d'un commun accord d'aller rencontrer le Magicien d'Oz afin qu'il exauce l'ensemble de leurs souhaits. Reprenant ces grandes lignes, The Sword Of Etheria utilise avec intelligence les différents personnages du roman en les transposant dans un univers bien plus sombre et mystique. En effet, le trio principal est ici composé d'êtres allant à rebours des attentes de l'amateur de l'oeuvre première. Déjà affublés des caractéristiques que leurs inspirateurs recherchaient, Phyl, Leon et Almira sont en quelque sorte leurs pendants arrivés à maturité. Héros de toute cette aventure, Phyl peut-être assimilé au "robot" du conte, détenteur d'un altruisme sans borne et souffrant des malheurs l'entourant. Leon, s'avère quant à lui particulièrement téméraire, vivant d'ailleurs avec joie son statut de "tête brûlée" de service, tandis qu'Almira, en épouvantail séduisant, se place comme une femme éminemment sage et réfléchie. Conférés par les dieux, ces particularités modèlent l'homme en le forçant à suivre un caractère préétabli. C'est en ce sens que ces trois guerriers opèrent un revirement psychologique en essayant d'accepter malgré tout cette prédestination non voulue. Donc, au lieu de chercher à découvrir en eux leur vraie nature, ils essayent de la comprendre afin de l'accepter. Un renversement intéressant, doublé d'une trame scénaristique assez forte pour ce type de titre. Renaissance et manipulations sont en quelque sorte les deux piliers de cette trame digne d'intérêt, réutilisant néanmoins la légendaire thématique des pauvres humains innocents manipulés par des dieux qui sont visiblement un peu aigris. Mais lorsqu'un sujet au départ bateau est bien traîté, le mal s'estompe.
Sans dévoiler de grands mystères, vous suivez en fait deux anciens émissaires des dieux, faisant autrefois partie du groupe OZ, sorte de troupe d'élite destinée à faire naître le respect chez les êtres inférieurs que sont les hommes, et à collecter l'Ethéria, source de toute vie. Réduisant les terres fertiles à l'état de cendres et détruisant un petit peu tout sur son passage, cette milice ailée ne vit que pour servir ses maîtres, sans aucune arrière-pensée. Jusqu'au jour où un jeune homme, Phyl en l'occurrence, parvient à leur faire reprendre raison après avoir lui-même découvert ses capacités de combattant. C'est de ce fait ce dernier qui prendra la tête de cette troupe éclectique, et qui jouera le rôle envié de protagoniste principal. Comme vous vous en doutez, deux envoyés divins et un être à la puissance démesurée ne tentent pas de jouer la solution diplomatique avec les hordes de monstres qui vont s'en prendre à eux. Conscient de son potentiel et porté par son envie de vengeance, ce groupe furieux va évidemment devenir le centre d'affrontements apocalyptiques et totalement surréalistes. En fait, loin de se laisser aller à proposer un beat'em all de plus, Konami s'est visiblement décidé à utiliser sa carte maîtresse, à savoir une originalité rafraîchissante, laissant de côté nombre de concurrents. Démesurées et diffusant une véritable folie, les phases d'action de The Sword Of Etheria ne ressemblent à rien de connu. Pour vous donner une idée de cette ode au spectaculaire, le système de base du jeu repose sur la possibilité de se faire des sortes de passes avec les ennemis rencontrés jusqu'à ce que mort s'en suive. Etrange ? Bizarre ? Ridicule ? C'est ce que l'on peut se dire en regardant simplement une personne s'y essayer. Mais lorsque l'on pénètre dans cette féroce arène, on saisit rapidement que l'on participe à quelque chose de littéralement puissant.
Dans le principe, vous ne vous heurterez à rien de bien compliqué. Imaginons que vous croisiez un adversaire verdâtre et patibulaire. A ce moment, vous pouvez soit l'éliminer seul, sans vous soucier de vos compagnons, soit faire appel à ceux-ci afin de plonger dans la grande force du jeu. Une fois assez proche de vos amis, il vous suffit de projeter votre cible en l'air, au-dessus de vous ou bien au loin suivant la personne à qui s'adresse ce lancer. En effet, Almira rattrape plus aisément des proies à la verticale, tandis que Léon privilégie les opposants à l'horizontale. A vous donc de choisir à qui communiquer votre adversaire suivant votre position et votre situation. C'est alors que démarre un déluge de coups triangulaire, les trois héros faisant circuler leur rival sans une once de temps mort, jusqu'à que ce dernier soit réduit en poussière. Demandant un timing très précis et variant en fonction du poids de la créature malmenée, ces passages demeurent d'une intensité rare et apportent un dynamisme communicatif qui semblait avoir disparu du beat'em all depuis quelque temps. D'autant que ce n'est là qu'un simple résumé, excluant les notions de base que sont les combos, la gestion des esquives, et surtout le système d'ordre. Peu évolué au demeurant, ce dernier permet tout de même de varier l'approche des combats et offre une petite subtilité bienvenue. Dans les actes, il donne le pouvoir de faire appel à Léon ou Almira afin que l'un ou l'autre s'acharne sur un adversaire un peu trop amical à votre égard. De plus, et suivant le type d'ennemi, cette manière de procéder ouvrira des brèches dans les défenses les plus résistantes, vous laissant libre ensuite de déchaîner votre colère. Ces composantes jouent énormément sur le plaisir ressenti tout au long de la quête et subliment encore un petit peu ce gameplay ahurissant de justesse.
D'autant qu'il demeure également une dernière petite gourmandise prenant la forme d'une attaque spéciale ne pouvant se déclencher qu'après un double enchaînement. Plus prosaïquement, une fois qu'un adversaire revient vers vous après s'être fait agressé par vos comparses, vous pouvez soit le renvoyer platement, sans conviction, soit le faire passer par le biais d'une projection verticale ou horizontale. Cette action permet de relancer une combinaison et provoque la montée en flèche de votre jauge de puissance ainsi que son passage à un autre échelon. Au niveau un, cette dernière vous offre la capacité de déclencher un assaut destructeur incluant seulement Phyl, tandis qu'au niveau deux, vous pouvez aisément effectuer cette même action en compagnie d'un autre membre que vous aurez choisi. Et ainsi de suite bien entendu. Du coup, ces conclusions de longs combos délivrent une sorte de jouissance chamarrée et ouvertement spectaculaire. Bien plus sobre, mais autrement plus saisissant, l'habillage graphique du jeu impose le respect et la contemplation. Tout du moins en ce qui concerne les phases scénarisées et présentant les scènes clés. Dotées d'un filtre tremblotant et utilisant les notions d'ombres et de dégradés avec une approche artistique touchante et âpre, celles-ci laissent sans voix. Malheureusement, il en est tout autrement des passages ludiques, plus communs et visiblement laissés de côté. Effectivement et bien que les effets de lumière et l'animation rattrapent ce tableau un peu jauni, on a parfois du mal à comprendre ce qui se passe devant nous. Où est cette touche graphique particulière ? Cette approche artistique ? Vous vous le demanderez souvent sans trouver de réponse. En effet, vous avancez majoritairement au gré de niveaux "copier-coller" au sein desquels les textures sont sans cesse reposées au sein d'un level-design bien pauvre. Heureusement que le chara-design somptueux sauve ces terres désolées rappelant parfois les heures sombres de Dynasty Warriors. Néanmoins, malgré son côté répétitif et ses faiblesses graphiques bien présentes, The Sword of Etheria charme étonnamment. De par son absence de compromis, sa fureur, son ambiance et ses trouvailles artistiques, il parvient à trouver une voie pour s'adresser à vous, par-delà l'arc-en-ciel.
- Graphismes12/20
Arrivant péniblement à justifier ses carences graphiques à la vue des gravures de mode sorties sur PS2 cette année, le titre de Konami souffre visiblement de cet état. Affichant des textures assez pauvres et des niveaux parfois simplement recomposés d'aplats mis bout à bout, il se montre peu conciliant pour le joueur avide de pixels lissés. Néanmoins grâce à ses effets lumineux fort jolis, son chara-design plus qu'inspiré et son inventivité artistique, il parvient à surnager et à éviter de boire la tasse.
- Jouabilité15/20
Bien qu'un peu répétitif à la longue, le gameplay de The Sword Of Etheria contient tellement de fureur et d'intensité qu'il devient difficile de se retirer de l'action sans une envie immédiate de s'y replonger passionnément. Attirant, spectaculaire et fascinant, le principe de base des affrontements illumine le soft et enserre le joueur jusqu'à la découverte de la myriade de petites subtilités ponctuant ce dernier. De plus, la gestion des personnages, même si elle se révèle limitée, pousse à poursuivre le combat par la simple volonté de puissance.
- Durée de vie11/20
Visiblement assez court et comportant des chapitres relativement concis, le titre de Konami diffuse heureusement un intérêt toujours constant, et ce malgré les quelques défauts cités ci-dessus. De plus, si vous désirez customiser vos personnages jusqu'au bout, il vous faudra combattre de manière parfaite, ce qui vous demandera un certain entraînement. Enfin, vous pourrez débloquer des modes bonus plus ou moins intéressants.
- Bande son15/20
Très réussie, la bande-son alterne des passages bien secs durant les combats et des mélodies à a tonalité plus enlevée durant les phases scénarisées, tirant parfois sur une ambiance gothico-mystique. Un point qui n'étonne pas vraiment lorsque l'on sait que c'est Michiru Yamane qui s'est chargée de composer l'ensemble des morceaux du soft. Rappelant la force s'exhalant des musiques de Castlevania : Symphony of The Night, celles présentes ici fonctionnent en harmonie avec le jeu. En revanche, j'aimerais qu'on m'explique la présence de voix françaises insupportables durant les passages de combat.
- Scénario14/20
Certes simplifié du fait du type de jeu dans lequel il est inclus, le scénario laisse entrevoir une véritable mythologie mûrement pensée. Dans la même veine, les divers personnages, à l'opposé de ceux dépeints dans le Magicien d'Oz, s'avèrent assez bien construits, même si certains clichés ne sont pas évités. Mais le plus probant reste définitivement la présence d'une réflexion intéressante sur le statut de l'être prédestiné et une utilisation assez intelligente du conte de Lyman Frank Baum.
Malgré ses défauts qui paraîtront sans doute insupportables à certains, voire rédhibitoires, The Sword Of Ethéria fait partie de ces jeux que l'on aime un peu honteusement, comme un épisode d'Olive et Tom pris à la volée. Sorte de main tendue aux défenseurs de l'indéfendable, le titre de Konami cache pourtant un gameplay tonitruant et jouissif, et surtout un travail sur l'ambiance très intéressant. De plus, porté par une trame fort riche pour un jeu du genre ainsi que par une bande-son de qualité, il apparaît comme une petite friandise appétissante. Néanmoins, si vous n'êtes pas déjà convaincu, je vous conseille d'attendre de le trouver en occasion, afin de minimiser vos risques. Ca sent bien le futur débat à la Chaos Legion tout ça.