Plongeant dans une culture urbaine underground faite de tags et d'iPods, Marc Ecko's Getting Up se la joue Prince Of Persia des temps modernes, remplaçant les sables du temps par des bombes de peinture et le pays des Mille et Une Nuits par les quartiers chauds. Bienvenu dans un monde désenchanté.
Marc Ecko's, voilà bien un jeu qui a fait beaucoup de bruit sans que l'on sache vraiment pourquoi. Annoncé comme un fer de lance de la culture urbaine souterraine (dans un produit grand public, cherchez l'erreur) et à l'origine de polémiques sans fond, le titre justifie pourtant difficilement tout ce battage médiatique, pour ne pas dire marketing. A son crédit, accordons au jeu une fidélité, ou en tout cas une aura d'authenticité, dans son ambiance. Peu d'entre nous sauraient, ceci dit, affirmer que le titre est parfaitement fidèle à la culture des graffeurs, toujours est-il que l'univers se pare d'un langage et de codes bien à lui. Au moins peut-on se cultiver en apprenant par exemple qu'un artiste débutant est appelé un toy, et que ça ne fait pas plaisir à entendre. Cela, on le sait tout simplement parce que c'est précisément ce qu'on est ici, un jeune toy qui souhaite cartonner et faire connaître son blaze. Pour ce faire, il entreprend alors de se venger d'un gang rival, taggant les murs de la ville de sa griffe et conquérant un à un les territoires des VANR, jusqu'à terminer sa course sous le nez de son meneur. Si l'univers, le scénario, les dialogues et plus encore la bande-son en général, sont réussis, le problème, c'est le jeu en lui-même, qui n'a précisément rien de ludique. De plus, signalons que si cette culture hip-hop est assez bien représentée, il n'y a bien qu'elle car la ville que vous allez visiter semble avoir été désertée de toute vie tant les rues paraissent vides et mortes.
Pour progresser au long de votre périple en métro, il vous faudra enchaîner les missions comportant des suites d'objectifs. Pour les mener à bien, vous aurez à vous battre, rarement à vous infiltrer, puis à pratiquer quelques exercices de plate-forme bondissante afin de pouvoir bomber les murs. Une action assez diversifiée, simple à prendre en main et qui séduit véritablement dans les premiers temps de jeu mais qui s'écroule dès lors qu'on a saisi qu'aucun des éléments du jeu n'est exploité de manière satisfaisante. En premier lieu, l'infiltration est finalement si dispensable que l'on s'abstiendra de s'y adonner pour se contenter de latter les membres des crews adverses. Parlons donc des combats qui s'avèrent atrocement répétitifs et n'apportent rien au jeu par leur manque de coups disponibles et leur intérêt minime. Ils deviennent de pesantes formalités que l'on appréhende avec lassitude lors de notre arrivée dans une pièce. Une fois la zone nettoyée, il nous reste à atteindre les murs à graffer, ce qui pourra donner lieu à une escalade tendance yamakazi perdant son intérêt dans une gestion des collisions bien trop laxiste qui vous laisse raccrocher un rebord en dépit du saut le plus mal anticipé qui puisse être.
Dernière étape : l'oeuvre en elle-même. Sur ce point, on appréciera la possibilité de charger son book et de pouvoir sélectionner une grande quantité de motifs différents afin de personnaliser un minimum le jeu. Malheureusement, là encore, la pratique laisse vite indifférent. Pour réaliser le tag, il suffit de se coller face au mur et de promener le stick droit en barbouillant pendant que la magie s'opère. La seule difficulté étant de ne pas passer trop de temps sur un point afin d'éviter les gouttes. On répétera l'opération autant de fois que nécessaire selon l'objectif de la salle avant que le mur, réel ou invisible, qui bloque la sortie ne nous libère. Au final et de façon paradoxale, c'est le coeur même du jeu qui en devient la part la plus ennuyeuse et la moins gratifiante. Le soft s'enfonce alors dans une morne mécanique, après le métro-boulot-dodo, bienvenu au baston-grimpette-dessin. Une fois les objectifs d'une zone accomplis, il ne reste qu'à passer à la suivante qui nous réserve strictement le même sort.
Un regrettable crash au regard de bonnes idées malheureusement très mal mises en pratique. Mais si le gameplay ne suit pas la qualité de l'univers, c'est également le cas de la technique. La fameuse gestion des collisions ne se contentera pas de faciliter la plate-forme ou les combats, elle contribuera également à décrédibiliser le rendu graphique du jeu, que ce soit en détournant le personnage de sa trajectoire pendant un saut, ou plus simplement en vous faisant traverser les trop rares piétons. Au même chapitre, la qualité de certaines textures laisse à désirer, tout autant que le clipping ou l'aliasing qui se feront plus particulièrement sentir sur PS2. Cette dernière version souffrant en plus d'un frame-rate assez aléatoire. Des faiblesses qui ne s'expliquent pas par la taille des environnements, souvent petits et confinés. Seule la bande-son s'en tire sans reproche avec des bruitages réussis et surtout une tracklist prestigieuse qui satisfera aussi bien les amateurs de hip-hop que ceux qui penchent plus vers le trip-hop. Une fois de plus, on constate que cette déclinaison ludique de la marque Marc Ecko frappe plus fort sur son ambiance que sur son contenu. Mais on ne fait pas un jeu avec une bande-son ou du vocabulaire.
- Graphismes12/20
Des bugs de collision, des textures floues, un frame-rate un peu chaotique, le bilan est mitigé mais se rattrape sur une animation de qualité des personnages.
- Jouabilité10/20
S'il est simple à prendre en mains il manque à Marc Ecko's une dose d'inspiration et de fun. La diversité d'action n'est qu'illusoire et on réalise vite les limites des combats ou des graffes qui s'avèrent inintéressants et redondants à réaliser.
- Durée de vie14/20
Marc Ecko's parvient à doper sa durée de vie avec un peu de contenu bonus mais sa linéarité rend ces derniers trop simples à repérer et on doute qu'un second passage soit vraiment nécessaire pour compléter sa collection.
- Bande son16/20
En dépit d'un héros qui surjoue un peu trop, la bande-son se révèle excellente, au moins sur le plan de la tracklist qui sait éviter les caricatures du hip-hop, même les réfractaires sauront y trouver de séduisantes sonorités sans wesh-wesh dedans.
- Scénario14/20
Difficile sans être expert d'affirmer la fidélité absolue du jeu à la culture qu'il emprunte, au moins tout ceci est-il crédible, malgré un scénario convenu.
Si on peut croire en Marc Ecko's Getting Up quand on se lance dans le titre, c'est pour mieux désenchanter lorsqu'on réalise qu'on a tout vu au bout de quelques minutes. Extrêmement répétitif dans la structure de ses missions (cogner, grimper, graffer), il l'est tout autant dans ses actions qui deviennent de tristes formalités, bien loin finalement de l'esprit original qui devrait habiter le jeu.