Depuis la prestation remarquée de Castlevania : Lament of Innocence sur PS2, les adorateurs de la mythique série de Konami ne craignent plus de voir leur saga fétiche subir les foudres de la 3D. A présent que cette compréhensible appréhension s'est mue en impatience nerveuse, la venue d'un successeur au dernier volet était attendue comme un petit événement. Pour l'heure, dépêchons-nous de pénétrer à l'intérieur du château du comte car le propriétaire des lieux nous y attend.
Nous sommes en 1476 sur les terres de la Valachie, une contrée proche des Carpathes et de la Transylvanie qui fut, selon la légende, le théâtre des événements les plus sombres et les plus étranges de l'Histoire. Le berceau de la terreur est devenu le champ de bataille d'une guerre que se livrent le comte Vlad Tepes, aussi connu sous le nom de Dracula, et ses pitoyables ennemis de toujours, les hommes. Leur salut, ces derniers le doivent à Trévor Belmont, l'héritier du plus célèbre clan de chasseurs de vampires qui parvient à repousser le comte dans les ténèbres qui l'ont engendré. Sous le poids de la colère, Dracula maudit alors l'humanité toute entière et la précipite dans la misère éternelle. Ainsi livrée aux pillages et aux massacres, cette contrée déchue ne survit désormais que dans l'angoisse permanente du retour de cet être haï. Trois années s'écoulent et un héros connu sous le nom d'Hector se dresse à son tour pour défier l'un des sbires du comte, le sarcastique Isaac. Ne pouvant pardonner à ce dernier d'avoir orchestré la condamnation et l'immolation de sa tendre Rosalie, Hector se résout à reconquérir les pouvoirs maudits dont il a hérité. En tant que forgeron du mal, il lui faudra donc mettre sa connaissance mystique au service de la création de démons innocents qui se chargeront de mettre un terme à l'existence méprisable de ce fou-furieux d'Isaac.
La première surprise pour le joueur est donc de ne pas contrôler un héritier du clan Belmont, mais un personnage aux origines plus ou moins maléfiques. La chose n'est pas totalement nouvelle puisqu'on avait déjà eu l'occasion de diriger ce genre de protagonistes par le passé, notamment dans Aria of Sorrow, Dawn of Sorrow et bien sûr Symphony of the Night. Ce dernier étant considéré par beaucoup comme le meilleur opus de la série, on sera rassuré de savoir que c'est à nouveau l'équipe de Koji Igarashi qui est aux commandes de Curse of Darkness. Le jeu comporte d'ailleurs un certain nombre de clins d'oeil et d'idées provenant du fameux épisode PSOne, ce qui n'est pas pour nous déplaire. En guise d'exemple, on pensera tout particulièrement aux fauteuils et autres sièges présents dans certaines salles du jeu, où l'on peut s'asseoir juste pour le plaisir de voir Hector adopter la même attitude de poseur que l'immortel Alucard. Un clin d'oeil sympa qui se transforme même en petite quête annexe, comme vous le verrez en faisant le jeu.
Que vous ayez fait ou non l'épisode Lament of Innocence, vous serez à coup sûr déçu par vos premiers pas dans l'aventure. Il faut reconnaître, en effet, que les toutes premières heures de jeu sont assez rebutantes par le fait que vous ne disposez que de très peu de possibilités d'action. Par conséquent, on se focalise plus ou moins sur les défauts du soft qui se trahissent rapidement à notre plus grand regret. D'un point de vue purement visuel, la réalisation technique n'a pas vraiment évolué depuis l'épisode précédent, et même si le résultat est convenable, il paraît un peu dépassé en comparaison des productions actuelles. En dehors de quelques salles véritablement somptueuses, la plupart des environnements sont ternes et assez déserts, aussi bien en intérieur qu'en extérieur, et les effets de lumière ne sont pas toujours réussis. Quant au gameplay, il ne révèle son efficacité qu'une fois les principales capacités de mouvement acquises. Dans ces conditions, seule la musique parvient à maintenir une ambiance travaillée, tant elle est sublimée par le talent créatif de la compositrice de génie Michiru Yamane. Celle-ci nous livre ainsi, dès le début, des thèmes purement grandioses. On remerciera d'ailleurs Konami de distribuer la bande originale du jeu en édition limitée, même si l'OST originale comporte bien plus de pistes dans son intégralité. Pour en finir avec l'aspect sonore, seul le doublage anglais nous est proposé en version PAL, et même si le jeu des comédiens fait parfois un peu trop théâtral, il convient relativement bien à l'ambiance particulière du soft.
Une fois les principales capacités acquises, vous allez heureusement vous rendre compte que le gameplay se révèle finalement beaucoup plus riche qu'il n'y paraît au début. Indispensable pour contourner les éventuels problèmes de caméra, le ciblage permet aussi de réaliser toutes sortes de manoeuvres d'esquives qui font partie intégrante du système de combat. Anticiper les attaques adverses et glisser rapidement dans le dos de ses ennemis devient alors un jeu d'enfant. De plus, même si Hector n'est pas un adepte du fouet, contrairement aux Belmont, il manie la plupart des armes blanches à la perfection, et vous aurez donc l'occasion d'utiliser aussi bien des lances que des haches ou des épées. Les combos mettent à contribution les attaques normales et puissantes qu'il suffit de combiner de différentes façons pour réaliser des enchaînements variés qui diffèrent aussi en fonction de l'arme utilisée. Comme dans le précédent volet, une approche réfléchie à base d'esquives et de gardes parfaites est le meilleur moyen de progresser efficacement dans le jeu.
Autre point fort de la série, depuis Symphony of the Night en tout cas, le côté RPG est à nouveau présent à travers la possibilité de gagner de l'expérience et des niveaux en charcutant du monstre. Une évolution permanente qui entraîne l'optimisation des capacités du héros ainsi qu'une tolérance renforcée vis-à-vis des attaques élémentaires. Dans le même ordre d'idées, la gestion de l'équipement est une donnée à prendre en compte, dans la mesure où les armes possèdent également des aptitudes et effets bien spécifiques. En dehors de ça, on constate que la plupart des choses mises en place dans Lament of Innocence ont été évincées au profit de nouvelles idées. Dans Curse of Darkness, il est possible, par exemple, de contourner l'ennemi pour lui voler de l'argent ou lui subtiliser divers objets. Une excellente initiative quand on sait à quel point l'argent est rare dans les Castlevania. Le système de combinaison des objets est également une autre nouveauté extrêmement intéressante dans la mesure où il permet d'utiliser les matériaux obtenus sur les cadavres pour forger des armes, des armures ou des accessoires de toutes sortes. Rien n'est fait au hasard puisqu'on sait exactement quels sont les éléments requis pour créer un nouvel objet, et le résultat dépasse parfois largement nos espérances d'apprenti forgeron du mal.
La principale innovation de Curse of Darkness réside toutefois dans la possibilité d'invoquer des Démons Innocents. Une idée qui renvoie directement aux familiers de Symphony of the Night, et qui fonctionne un peu de la même façon. Concrètement, vous pourrez vous faire accompagner de démons qui auront un rôle de soutien (gain de vie, aide pour surmonter certains obstacles) ou qui agiront de manière offensive en vous aidant à combattre les ennemis. Libre à vous de les laisser agir à leur guise ou de choisir à quel moment vous souhaitez utiliser leurs capacités spéciales, sachant que ces dernières vont être accrues au fur et à mesure de l'évolution des démons. Car ceux-ci gagnent de l'expérience de la même façon que le héros, et pourront même changer de forme pour libérer tout leur potentiel. Il faut savoir d'ailleurs que ces transformations varient en fonction de l'arme que vous utilisez, ce qui ménage un très grande nombre de possibilités en termes d'évolution. Un système vraiment appréciable dans la pratique et qui accentue le dynamisme des affrontements, vous permettant même de terrasser vos adversaires en déclenchant des attaques combinées avec votre démon.
Il faudrait aussi parler de bien d'autres aspects du jeu, certes plus anecdotiques, mais tout aussi pertinents. C'est le cas des coquilles utilisées pour engendrer de nouveaux familiers à invoquer. Un processus qui sera confié à Rosa, un personnage clé chargé de s'occuper des démons que vous ne pouvez pas emmener avec vous, et qui tient également une boutique d'objets et d'accessoires. On retrouve aussi la possibilité de poser des jalons sur la map, comme dans le précédent volet, ce qui facilite le repérage et les déplacements dans les niveaux, de même que les téléporteurs et les billets de retour. Enfin, on retiendra surtout le charisme des personnages, dont le design a été confié encore une fois à la redoutable Ayami Kojima adulée par tous les fans de la série. L'histoire comporte bien sûr son lot de personnalités marquantes, et même si le scénario ne se dévoile qu'au compte-gouttes, il est là pour rappeler qu'un Castlevania vaut autant pour son atmosphère gothique que pour l'efficacité de son système de jeu. Sur ce, j'espère vous avoir convaincu que ce nouvel opus tient véritablement ses promesses, même si l'on a hâte de retrouver la série sur la prochaine génération de consoles pour que ses créateurs puissent enfin laisser libre cours, sans contrainte, à leur imagination.
- Graphismes14/20
Même si le level design est assez inégal et que l'on tombe parfois sur des salles somptueuses, le jeu n'est pas franchement beau d'un point de vue global. Les effets de lumière sont mal rendus, les textures sont généralement trop ternes et les environnements trop vides. Visuellement, le soft paraît dépassé à côté des dernières productions comme Onimusha : Dawn of Dreams.
- Jouabilité16/20
Il faut passer le cap du début pour profiter pleinement des possibilités du titre. Une fois les principales capacités acquises, le gameplay révèle tout son potentiel malgré quelques petits soucis de caméra. L'apport des invocations est considérable en termes de plaisir de jeu.
- Durée de vie14/20
Sans doute un peu court, cet épisode se range dans la lignée de ses prédécesseurs et réserve tout au plus une dizaine d'heures de jeu. On aurait bien aimé que les énigmes et les boss optionnels soient un peu plus nombreux.
- Bande son18/20
Les compositions de Michiru Yamane transcendent véritablement l'ambiance sonore, à tel point que le titre n'aurait plus du tout la même allure sans elles. L'achat de l'OST est donc très fortement conseillé. Niveau doublage, il faut une fois de plus se contenter des voix anglaises.
- Scénario15/20
L'histoire puise autant dans le charisme de ses protagonistes, tous plus marquants les uns que les autres, que dans son déroulement narratif. Celle-ci est toutefois largement mise en retrait au profit de l'action.
En intégrant un certain nombre de nouveautés très pertinentes en termes de gameplay, Castlevania : Curse of Darkness parvient à se hisser à la hauteur de ce qu'on attendait de lui, malgré des faiblesses techniques évidentes. La notion de démons à invoquer et le système de combinaison des armes sont les principaux arguments de cet épisode qui aurait peut-être pu nous impressionner davantage si le level design avait été plus recherché.