Les incursions de séries animées dans le monde vidéoludique ne sont, le plus souvent, pas vraiment de bonnes nouvelles. C'est donc avec une certaine appréhension que l'on accueille cette version GBA de Shaman King, surtout après sa piteuse prestation sur PS2, dans un T-RPG pas vraiment tactique. Néanmoins, on se trouve ici devant un jeu de plates-formes/action, bien plus propice à relater les aventures de Yoh, et donc amenant plus de confiance dans notre esprit rebelle. Le jeu de Konami peut-il prétendre à rendre honneur au roi des shamans ? En tout cas, il est sur la bonne voie.
Se plaçant en marge du dessin animé du même nom, Shaman King nous narre la rencontre entre la bande de Yoh et un ennemi inconnu semblant s'intéresser au célèbre Livre des Shamans. Censé contenir le moyen de réveiller l'un des rois des shamans les plus puissants, cet ouvrage reste depuis longtemps un objet de profonde convoitise. Déchiré dans le duel opposant l'émissaire du mal avec la fine équipe de héros, le grimoire laisse alors s'envoler une grande partie de ses pages à travers la ville. Bien entendu, votre mission va être de remettre la main dessus au péril de votre vie, afin d'éviter la montée en puissance des ténèbres très sombres pour l'occasion. Une trame assez simpliste donc, servant visiblement plus à introduire l'aventure qu'à lui conférer une véritable assise. Toutefois, le script vous réserve quelques petits rebondissements et une dramatisation suffisamment crédible pour être suivie sans heurt. Prenant le contrôle de Yoh vous allez battre la campagne et le pavé dans des lieux fort différents et aux ambiances bien ancrées. Vous traverserez donc pèle-mêle des paysages enneigés, des villages typiquement japonais ainsi que des cimetières étrangement surpeuplés. Outre le fait de varier les expériences de jeu, ces décors s'avèrent réalisés avec un très grand soin, égalant aisément les titres les plus convaincants graphiquement parlant de cette année. Offrant un niveau de détail qu'on ne peut que louer, le titre de Konami ne se laisse pas aller sur l'autoroute de la facilité, et cherche sincèrement à gâter le joueur. Un respect que l'on croyait définitivement perdu dans les titres "à licence", surgissant ici sans crier gare. Dans la foulée, les intervenants disposent d'une animation exempte de défaut, conférant un dynamisme flagrant aux actions qu'ils effectuent tout au long de leur quête.
Rappelant curieusement les deux derniers épisodes de la série Castlevania sur GBA, le rendu plastique ne peut que pousser à l'émerveillement au fur et à mesure des décors foulés de la sandale. Si l'on suit la comparaison avec les tribulations des chasseurs de vampires de la famille Belmont, on remarque aisément que la ressemblance ne s'arrête pas à l'aspect visuel du soft qui nous intéresse. En effet, et même si des dissensions se font bien entendu ressentir, des similitudes explicites parsèment le gameplay étonnant de Shaman King : Master Of Spirits. Basé sur l'utilisation des esprits, celui-ci vous permet en fait de collecter des âmes errantes pour ensuite les équiper sur différentes parties de votre corps. Il vous est possible de vous munir de quatre "divinités" simultanément, que vous assignerez à votre tête, à vos deux poignets et à vos pieds. Il faut néanmoins savoir que celles que vous aurez affiliées aux niveau des poings correspondent à des attaques spéciales que vous pourrez déclencher d'une pression sur les gâchettes droite ou gauche. Vous servant au départ à annihiler plus rapidement les adversaires coriaces, elles vous apporteront une aide indispensable lors de certaines tâches spécifiques à effectuer. Par exemple, Tokageroh vous autorisera à bouger des objets lourds, tandis que Kororo vous fournira son pouvoir de glace afin de passer à travers les flammes. Un principe qui implique donc forcément une progression nécessitant quelques petites phases de "réflexion" loin d'être désagréables, ainsi qu'une variation notable des situations rencontrées. Les esprits se trouvant aux deux autres endroits sont, quant à eux, détenteurs de capacités permanentes allant de l'augmentation de la puissance à une protection contre le gel. Autant dire qu'il vous incombera de choisir intelligemment vos alliés éthérés dans le but de les adapter aux évènements.
Fort heureusement, et à l'image d'un Kingdom Hearts : Chain Of Memories, vous avez à votre disposition plusieurs "deck" (quatre en l'occurrence) qui vous autoriseront à essayer diverses combinaisons. Un système très intéressant, s'apparentant un peu à celui d'Aria Of Sorrow, notamment au niveau de la "capture" d'âmes. En effet, le seul moyen pour vous d'obtenir ces précieux compagnons est d'anéantir des créatures visqueuses, baveuses et forcément rancunières. Une fois passées de vie à trépas, ces dernières consentiront parfois à laisser échapper leur esprit que vous empresserez de récupérer. Une fois en votre possession, il vous suffira alors de l'équiper pour bénéficier de ses capacités plus ou moins dignes d'attention. Evidemment, les attributs avec le plus de potentiel sont jalousement gardés par des boss valeureux et aux nombreuses techniques d'attaque. Comment de fait ne pas voir ici l'inspiration nette des tribulations de Soma Cruz. Un constat qui finit de se vérifier dès l'entrée dans les parties obscures du soft, mêlant cimetières et catacombes. C'est en ces lieux que vous pourrez observer des chauves-souris reprenant pratiquement au pixel près les sprites du tire d'Igarashi, des squelettes sentant le Castlevania à plein nez, ainsi que des portes vue de profil, habituelles dans la saga des Akumajo Dracula. Clins d'oeil, ou réelle inspiration, peu importe à vrai dire. Effectivement, devant un gameplay si travaillé, une jouabilité à la précision intense, et un travail graphique si convaincant, on ne peut que flatter Konami d'avoir su se servir de ses acquis dans ces divers domaines.
Malheureusement et comme il faut visiblement un quota de petites aigreurs, Shaman King ne peut prétendre à atteindre les sommets enneigés de la GBA. Le principal problème du soft réside surtout dans le système de déplacement sur la carte. Entre les niveaux vous devrez effectivement voyager sur une représentation aplanie du monde, marchant de case en case. Toutefois, si vous désirez aller à trois emplacements de là où vous vous trouvez, vous serez obligé de refaire les stages que vous venez de compléter à l'envers. Un élément très frustrant qui hache totalement la progression et empêche de profiter au mieux du plaisir de jeu ressenti lors des passages orientés action. D'autre part, s'il vous arrive de bouger un obstacle d'une mauvaise manière jusqu'à le bloquer et briser du coup votre avancée, vous serez forcé de sortir du niveau pour permettre un replacement général des objets. Un écueil difficilement compréhensible, qui s'ajoute à l'impossibilité de faire évoluer ses "fantômes", réduisant du même coup l'intérêt de leur utilisation à long terme. Mais il ne faut pas pour autant que tout ceci vous éloigne de ce titre étonnant et sincèrement bon, réussissant à dépasser le poids de sa licence. C'est tellement rare qu'il serait dommage de ne pas en profiter.
- Graphismes15/20
Moins léchés que ceux d'un Harmony Of Dissonance, les graphismes de Shaman King s'avèrent pourtant détenteurs d'une grande finesse. Disposant d'un niveau de détail digne de productions bien plus ambitieuses et d'une volonté louable de diversifier les environnements, le titre de Konami réussi la performance de faire oublier que l'on joue à un dérivé de la série initiée par la Shueisha. D'autant que les personnages exposent une animation sans faille.
- Jouabilité16/20
Offrant une jouabilité précise et intuitive, Shaman King : Master Of Spirits se dote également d'un gameplay accrocheur, empruntant quelques idées à Castlevania : Aria Of Sorrow. Il y a pire comme inspiration. De fait, relativement riche et variant habilement les situations, le titre de Konami laisse une certaine liberté au joueur, tant dans la progression que dans le choix des "armes". On notera juste quelques problèmes de logique dans l'obligation de traverser une nouvelle fois des niveaux terminés.
- Durée de vie14/20
Visiblement assez court, Shaman King ne vous proposera rien de plus une fois l'aventure terminée. Malgré tout, on prend un réel plaisir à traverser les différents niveaux, cherchant à utiliser chacune de ses nouvelles acquisitions. De plus, l'avancée non linéaire permet de briser la lassitude et de laisser libre cours à la découverte.
- Bande son13/20
Les divers thèmes présents dans le jeu s'avèrent de qualité, mis à part certains qui ont tendance à revenir trop souvent et surtout à tourner rapidement en boucle. Néanmoins, quelques compositions possèdent des mélodies assez prenantes, comme le thème du cimetière par exemple, ou encore ceux relatifs aux boss. A noter en revanche des effets sonores un peu en retrait.
- Scénario/
-
Belle surprise que ce Shaman King : Master Of Spirits qui ne pouvait qu'inquiéter après l'opus PS2. Disposant d'un gameplay détonnant, d'une réalisation de qualité et d'une cohérence globale louable, il aurait pu aisément s'approcher des cieux étoilés. Néanmoins, à cause de quelques lacunes pourtant facilement évitables, il ne peut que décrocher le statut de bon jeu. Ce qui est déjà une belle distinction. Quand l'honnêteté dépasse la licence, il ne se passe que des bonnes choses. La preuve. On en viendrait presque à avoir envie de regarder la série.