Etrangement, dans de nombreuses bandes dessinées où les animaux de compagnie s'expriment comme vous et moi, cet état de fait ne choque personne. Imaginez un peu votre réaction face à votre chat, qui, de bon matin, vous accueillerez d'un vaillant "salut machin !". Surprenant n'est-il pas ? Plus bizarre encore, à la manière d'un Milou, nombre de ces animaux spectaculaires n'existent qu'en un seul exemplaire. Sammy ne parle effectivement qu'à Scooby-Doo, et Lucky Luke ne s'adresse qu'à Jolly Jumper. Comment expliquer cet aspect unique, cette évolution subite, sans voir dans tout cela un complot gouvernemental à base de mutants génétiquement modifiés par des extraterrestres aux gros yeux ? Ou peut-être est-ce simplement une volonté de l'auteur ? Ouais ça m'a l'air louche tout ça. Je confierais bien l'enquête à Mystère et Cie.
Comme les recettes qui marchent se doivent de ne pas changer, surtout dans le monde du jeu vidéo, ce Scooby-Doo Démasqué reprend à la lettre le schéma de n'importe quel épisode de la saga du chien détective le plus benêt du monde. Et comme un malheur n'arrive pas seul, ce dernier se voit entouré d'une fine équipe, composée de personnages totalement clichés, allant de la beauté légère et en retrait, à la petite intellectuelle grassouillette, en passant par le blond pédant et dominateur ainsi que l'idiot barbu. Bref, une belle brochette de vainqueurs qui a pour mission de porter à la lumière du jour des énigmes fantomatiques sombres et inquiétantes. C'est donc dans ce contexte de maisons hantées et de cimetières indiens que vous allez prendre part aux investigations de ces "héros", parangons du second degré axé seventies, avec fleurs multicolores et vans Volkswagen. Comme d'habitude donc, vous allez vous voir confronté à un monstre terrorisant les bonnes gens, qui semble pourtant avoir des raisons bien humaines. Les habitués savent déjà que la créature en question ne sera en fait que l'un des interlocuteurs du groupe de Scooby-Doo habilement déguisé, toujours celui que l'on remarque le moins, et agissant pour une sombre histoire de vengeance ou de jalousie. Bref du convenu pur jus, manichéen jusqu'à en piquer les yeux, mais qui marche par je ne sais quel miracle, et parvient même parfois (rarement en fait) à captiver. C'est de fait au travers de quelques petites histoires légèrement tirées par les cheveux que vous allez pénétrer dans ce monde plein de révélations qui sonnent creux. Heureusement, sachant que les scenarii ne tiendraient pas la route, les développeurs ont choisi de mettre un point d'orgue à proposer un gameplay faisant honneur à la série, à savoir dynamique, simple, clair et convenant même aux plus jeunes.
Un parti pris louable, mais qui souffre également des principaux griefs de la plate-forme 3D de nos jours. Enfin, si on peut appeler cela de la 3D. En effet, le titre de THQ, ne sachant pas visiblement où se situer, prend le risque de nous proposer une sorte de compromis, plaçant l'axe de jeu en caméra fixe mais dans une vue de trois-quarts. Ce qui aboutit à un déroulement décalé sur la gauche ou la droite, un peu à l'image d'une 3D isométrique. Et comme tout le monde le sait, le genre plate-forme et cette manière de représenter l'univers ne vont pas spécifiquement bien ensemble, voire pas du tout. Laissant le joueur face à des sauts imprécis, des difficultés pour se situer dans l'espace, et surtout l'envie insatiable de tourner l'angle de vue imposant ses restrictions, le soft commence particulièrement mal son entrée en lice. Toutefois, et heureusement pour lui, il bénéficie d'une qualité graphique suffisamment convaincante pour ne pas provoquer un rejet immédiat. Maniant une 3D assez fine doublée d'une fluidité sans heurts, Scooby-Doo Démasqué attire l'oeil dès les premières minutes de jeu, bien plus d'ailleurs pour ses décors, rappelant furieusement l'atmosphère de la série. Une volonté de coller à l'oeuvre originale digne d'être saluée, rappelant à notre mémoire des souvenirs nostalgiques et des après-midi Sammy. Un bouclier face à la déception qui semblait éminemment solide, mais qui s'écroule rapidement face aux errances d'un gameplay déséquilibré. Tout d'abord, sachez que les phases ludiques se scindent en deux parties. D'un côté vous avez les passages "classiques", empruntés aux ténors du genre sans le level design inventif qui va avec, et de l'autre des courses-poursuites assez intenses avec les "fantômes" que vous avez osé déranger dans leurs plans machiavéliques.
D'un intérêt relativement important, ces dernières vous imposent de vous munir de votre stylet et de bien regarder les indications sur l'écran tactile au fur et à mesure du duel fortement en votre défaveur. Chaque obstacle devra être contourné grâce à différentes manipulations en accord avec l'action à accomplir dans une cohérence agréable, charriant une idée de fond très intéressante. De plus, il vous incombera également de poser les pièges au bon moment, de manière à mettre la main sur le coupable tentant de vous faire taire. Contenant l'essentiel du potentiel de fun du titre, ces étapes immersives ne suffisent du coup pas vraiment à rattraper les épreuves de plate-forme terriblement fades. Reposant sur l'utilisation de costumes octroyant diverses capacités, allant de la possibilité de vol, à celle, moins excitante, d'effectuer des mouvements de combat, le schéma général se contente de vous placer devant des embûches en rapport avec vos nouvelles spécificités sans plus d'imagination. Par exemple, dès que vous tombez sur une planche affichant le symbole définissant le yin-yang, il vous faudra revêtir votre kimono pour la détruire, ou dès que vous faites face à un précipice trop imposant, vous devrez logiquement décoller et planer un moment. Un fonctionnement binaire qui ne serait pas gênant si seulement on était parfois confronté à des situations nécessitant une utilisation juxtaposée des différentes capacités et non à des enchaînements de passages plats ne demandant aucune réflexion. De fait, on s'ennuie passablement au gré des niveaux, effectuant toujours les mêmes actions dans des moments identiques sans plus de passion.
Reste l'une des transformations en un scientifique faible et binoclard (cliché quand tu nous tiens) qui apporte son maigre lot d'intérêt en vous donnant accès à un type particulier de mini-jeu nécessaire à la désagrégation des murs de "blob" érigés pour vous ralentir. Répétitif au possible et souvent inutilement difficile, ce dernier vous bloquera parfois de longues minutes, hachant définitivement le rythme déjà peu soutenu du soft. Et ce sans compter les problèmes de collisions lors des affrontements, l'obligation de refaire les niveaux pour trouver des indices manquants et le manque de vie global. Le seul point positif restant dans ce flot de reproches demeure la vérification des preuves, vous demandant de passer en revue les diverses pièces découvertes à l'aide d'une loupe, d'un petit balai pour découvrir des inscriptions cachées sous la poussière, et d'un marteau nécessaire dans le cas d'objets creux abritant des informations. Une étape sympathique, retranscrivant bien l'excitation de l'exhumation de petits détails passés inaperçus. Arborant de bonnes idées et une utilisation pour une fois justifiée de l'écran tactile dans un titre de plate-forme, Scooby-Doo chute pourtant d'un possible piédestal à cause d'un gameplay limité et surtout d'une représentation rendant cauchemardesques les phases de sauts nécessitant une certaine précision. De plus, les problèmes de collisions finiront de vous dissuader de rechercher plus avant le "coupable qui en fait n'en était pas un parce que c'était son frère". Dommage.
- Graphismes11/20
Malgré une qualité plastique "3D" assez convaincante, le titre de THQ souffre nettement de sa représentation quasi isométrique nuisant réellement au gameplay et à la situation dans l'espace. Peu détaillés et clairement en retrait, les personnages font triste figure dans des décors répondant en écho à ceux de la série et se montrant parfois vraiment réussis. Néanmoins, le tout manque singulièrement de caractère et le level-design loin d'être convaincant n'est pas d'une grande aide dans ce cas présent.
- Jouabilité9/20
Certes, le soft possède des idées très intéressantes, comme la vérification des preuves ou encore les courses-poursuites contre les "boss", mais les passages purement plate-forme, soporifiques et soumis à un manque de variété évident, plombent le jeu pour une grande part. De plus, le changement de costumes, s'il demeure agréable la première heure de jeu, se place ensuite complètement en retrait, simple gadget légitimant des "énigmes" bien faiblardes.
- Durée de vie11/20
Suivant la courbe de l'avancée dans le jeu, Scooby-Doo semble relativement court, en accord avec la tranche d'âge visée. Toutefois, répétitif à souhait, sans aucun bonus particulier à débloquer, ni mini-jeux autres que ceux présents dans la trame principale, le titre laisse clairement sur sa faim. De plus, et même s'il est à destination des enfants, il demeure parfois peu aisé, surtout dans les phases de démantèlement des blobs incluant le costume de docteur qui en rendront fou plus d'un. Heureusement que les environnements sont assez variés.
- Bande son12/20
Les musiques passent plutôt bien, collant avec la thématique du niveau, et bénéficient qui plus est d'un son relativement bon, loin de certaines compositions grésillantes dans des productions concurrentes. Le morceau correspondant avec le niveau du cirque est à ce propos vraiment agréable, offrant une certaine noirceur à une ballade chantante. Malheureusement, on peut déplorer le manque de voix digitalisées qui auraient pu mener un degré d'immersion plus fort.
- Scénario/
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Tentant d'user jusqu'à la corde une licence qui essaie de survivre tant bien que mal, Scooby-Doo Démasqué ne parvient pas à convaincre, laissant de côté les aspects les plus importants d'un bon jeu, à savoir l'imagination, le rythme, et une jouabilité sans accrocs. Pourtant, avec ses bonnes idées de gameplay et son ambiance assez délirante, il aurait pu se faire une place dans le territoire convoité des jeux de plate-forme sur DS. Malheureusement ce n'est pas le cas. Je me disais bien aussi, un chien qui parle...