Qui ne s'est pas demandé un jour comment Michael Bay réussissait ses fameux montages épileptiques ou par quel prodige Roland Emerich avait réussi le plus mauvais film de tous les temps ? Vous êtes-vous jamais questionné sur la passion qui habitait Ed Wood lorsqu'il assemblait ses bouts de ficelle ? Et si cette même passion vous poussait à franchir le pas et à réaliser votre propre long-métrage ? Si toutes ces interrogations vous semblent familières, vous pouvez d'ores et déjà investir dans une caméra Super 8... Ou acheter The Movies.
Et si John Carpenter, Tsui Hark, Woody Allen et quelques dizaines d'autres réalisateurs de talent vous accueillaient dans leur cercle d'initiés, quelle serait votre réaction ? Bien que cette question puisse sembler idiote en soi, Peter Molyneux permet aujourd'hui à des milliers de cinéphiles de se la poser en toute sincérité. Bien sûr, on peut se dire que le nouveau bébé du papa de Syndicate n'est qu'un simple jeu mais rappelons-nous tout de même que des génies tel que Peter Jackson ou M. Night Shyamalan ont commencé leur "carrière" dans un garage avec trois fois rien. La main tendue par ce bon vieux Peter ne peut donc pas se refuser car derrière son titre, se cachent trois jeux en un. De ce fait, The Movies dispose d'un panel de possibilités excitantes qui vous permettront de construire votre studio de cinéma, de gérer vos futures stars et de réaliser vos propres films. Maintenant, il ne tient qu'à vous de choisir entre le style Dino De Laurentiis ou Brian Yuzna.
Tout comme sa jeune soeur vidéoludique, l'industrie du cinéma est faite de rêves, d'aventures mais aussi d'argent. Voilà pourquoi vous vous ferez un plaisir d'accepter une enveloppe de plusieurs milliers de dollars avant de commencer votre carrière professionnelle. Celle-ci peut d'ailleurs débuter entre 1920 et 1950 avec un pécule plus ou moins important. S'il est alléchant de choisir la solution la plus aisée, il sera intéressant de démarrer au bas de l'échelle pour profiter pleinement de The Movies. Néanmoins, l'excellence du gameplay se fait l'écho d'un tutorial qui vous apprendra les rouages de votre nouvel univers. Une fois les bases acquises, il va falloir sérieusement penser à se mettre au travail. Comme je le disais plus haut, le jeu de Lionhead peut être scindé en trois parties distinctes qui ont chacune le mérite d'avoir bénéficié énormément de soins de la part des programmeurs. Si vous le voulez bien, nous débuterons donc ce tour du propriétaire par l'aspect immobilier.
Vous pensez bien qu'avant de commencer à tourner, il va vous falloir des décors, des bâtiments administratifs pour tout gérer ou divers lieux de débauche dans lesquels vos acteurs pourront déstresser entre deux prises. Mais avant d'en arriver là, il vous faudra monter une école d'art dramatique pour créer vos acteurs ou vos réalisateurs, un bureau d'équipes pour tout le personnel technique ou encore un bureau de casting par lequel vous devrez obligatoirement passer pour attribuer les rôles aux acteurs, figurants de votre prochain long-métrage. La bonne nouvelle est que de nombreux autres bâtiments seront disponibles très rapidement, le plus souvent en fonction d'une chronologie bien précise. Si on s'amuse comme un beau diable dès le départ, disons que le vrai jeu débutera lorsque vous aurez accès au bureau de post production (pour monter votre film comme vous le souhaitez) ou aux bureaux de scripts avancés ou personnalisés, indispensables pour obtenir des scénarii de meilleure qualité. A ce propos, rien ne vous empêchera également de vendre vos oeuvres ou vos stars pour engranger plus d'argent. Enfin, vous devrez aussi penser à construire un bar, des terrains de basket ou tout autre forme de commodité qui permettra à votre personnel de se sentir mieux.
Malheureusement, on touche ici un point sensible qui est à mon avis le gros point faible de The Movies. Ainsi pour s'occuper de tous ces problèmes d'intendance (réparation des bâtiments, entretien des sols, etc.), vous aurez besoin de beaucoup de personnel. Le hic, c'est que vous ne pourrez pas embaucher par vous-même puisque c'est en fonction de la réussite de votre studio que les demandeurs d'emploi afflueront. Vous serez donc contraints de réussir dès le départ. Et encore, même en engrangeant quelques 500 000 dollars sur 8 ans, je n'ai pu créer que six emplois. Etonnant et surtout très frustrant quand vous n'avez plus accès à des bâtiments capitaux pour cause de délabrement. De fait, si certaines personnes viennent postuler pour un poste artistique, n'oubliez pas que vous pourrez malgré tout leur offrir un emploi d'agent de maintenance, de bâtisseur. Ceci me permet de vous parler du deuxième aspect du jeu qui a trait à la gestion de tout votre personnel. En parallèle des scientifiques qui vous donneront une longueur technologique d'avance sur vos concurrents, et des scénaristes par qui vos futurs chefs-d'oeuvre verront le jour, vous pourrez par moment "utiliser" un photographe pour le poser près d'une de vos stars en espérant la parution d'un article à sensations qui fera parler de votre firme. Toujours bon à prendre pour être en bonne position dans le classement des stars ou des studios.
En parlant de stars, vous devrez faire très attention aux votres en veillant à ce qu'elles ne s'ennuient pas ou en les faisant répéter pour qu'elles progressent dans un des genres cinématographiques que sont l'Horreur, l'Action, l'Amour, la Science-Fiction et la Comédie. Mais attention car bien que le travail soit une chose, le physique et le mental sont aussi très importants. Privilégiez donc une personne peu encline au stress pour le poste de réalisateur, optez pour des bellâtres ou de jeunes beautés afin de concocter une belle petite comédie romantique et faites attention à ce que vos petits protégés ne deviennent pas alcooliques ou boulimiques après avoir un peu trop traîné du côté du bar ou d'un stand de nourriture ! Les possibilités sont gigantesques et si vous pourrez aussi faire en sorte que vos personnages tissent des liens d'amitié pour une meilleure qualité de travail, notez que grâce à l'outil Starmaker (installé en même temps que The Movies), vous aurez la chance de pouvoir créer votre propre star en modifiant ses traits du visage ainsi que ses caractéristiques (minceur, genre, bonne et mauvaise humeur, ennui, tour de poitrine, etc.). Pour l'importer dans le jeu, vous devrez cependant attendre qu'un demandeur d'emploi se présente pour le poste d'acteur.
Beaucoup de travail en perspective mais ici aussi, on remarque quelques bizarreries. Il n'est donc pas toujours très facile de comprendre ce qui se passe dans la tête de vos acteurs. Par exemple, s'il est possible de relooker (automatiquement ou manuellement) votre star, il est fréquent que votre protégé ne soit pas convaincu de son image malgré tous vos efforts. Un peu décourageant quand vous faites tout pour que votre "gagne-pain" se sente bien. Tout ça pour dire que vous devrez constamment cliquer sur les avatars de vos stars pour avoir des informations sur ces dernières et connaître leur état émotionnel. Précisons ici que le déplacement de vos personnages se fera simplement en cliquant sur ces derniers ou son portrait. Ensuite, en maintenant le bouton de la souris enfoncé, vous le ferez "voler" pour le bouger plus rapidement. Une autre idée très ingénieuse se matérialisera alors sous la forme d'un faisceau lumineux vous indiquant les endroits où vous pouvez amener votre acteur. Mais à peine terminé votre rôle de nounou que viendra ensuite la création de films. Très limitée au tout départ, vous devrez simplement choisir le type de votre prochain film, son réalisateur ainsi que son acteur principal. Tout ce beau monde ira alors de décor en décor et votre long-métrage se fera automatiquement. A ce stade, libre à vous de le visionner ou de le sortir pour amasser des pépettes. Après, vous n'aurez qu'à croiser les doigts pour que les critiques ne soient pas trop assassines. De ceci dépendra votre côte de popularité ainsi que de possibles récompenses lors de remises d'Oscars qui influeront également sur le prestige de votre studio.
A présent, jetons un oeil à l'éditeur de film avancé (disponible après quelques heures de jeu) qui vous fera franchir une nouvelle étape. En plus de la rédaction du script (nom du film, genre, structure), vous pourrez alors choisir ou modifier vos décors, ajouter des scènes ou des acteurs, incorporer des effets de lumière ou météorologiques, etc. Bien entendu, la caméra ne sera pas statique et si on eut aimé un peu plus de liberté en ce qui concerne les prises de vue, le jeu d'acteur ou les mouvements de vos stars, c'est un régal que de peaufiner son film. Mais ce n'est pas tout car lors de la Postproduction, la possibilité de rajouter des sous-titres, des pistes sonores ou de déplacer des scènes vous sera donnée. Cerise sur le gâteau, il sera même possible d'enregistrer vos propres dialogues (de 40 secondes maximum) pour les incorporer dans votre film. Enfin, il sera temps d'exporter le tout sur le net pour que tout le monde profite de votre talent. En l'état, on prend du plaisir à créer son long-métrage, même s'il faut bien reconnaître qu'il faut passer pas mal de temps pour tout maîtriser. On peut d'ailleurs penser que de nouvelles fonctionnalités devraient être incorporées grâce à l'arrivée de patches.
Comme vous le voyez, Peter Molyneux nous avait promis un grand jeu et le résultat est à la hauteur de nos espérances. Quelques petits défauts ou absences sont à signaler mais face à cet amoncellement de possibilités, ce ne sont que peccadilles. Pour tout vous dire, The Movies est un jeu aussi puissant et fédérateur que Populous ou PowerMonger en leur temps. L'attrait de cette production est telle qu'il est très difficile de décrocher, surtout quand vous réussissez à créer un succès au box-office qui vous permet de sortir votre entreprise du rouge. Novateur, plein d'humour et promis à un très bel avenir, The Movies nous fait comprendre à quel point les industries du jeu vidéo et du cinéma ont en commun. Cinéphiles avertis, vous ne devez pas passer à côté de ce titre par lequel vous pourrez vivre votre passion de l'autre côté du miroir. Tremblez Del Toro, Burton et consorts, la nouvelle vague arrive !
- Graphismes16/20
Le niveau de zoom est impressionnant et vous permettra de profiter de nombreux détails. Joli et varié, le graphisme de The Movies n'oublie également pas de nous faire profiter de l'évolution du cinéma depuis ses débuts. Ceci se traduira donc par des films en noir et blanc, en bleu et rouge (les premiers films en couleur) et ainsi de suite. Bien que les premiers décors soient sommaires, vous aurez droit par la suite à d'immenses plateaux couvrant tous les genres filmiques représentés.
- Jouabilité16/20
The Movies propose un gameplay solide et étudié. La surveillance de vos stars est souple mais on regrettera des réactions un peu étranges de la part de vos acteurs ou un recrutement d'employés trop lié à la réussite de votre entreprise. Néanmoins, la gestion de votre studio est aisée et si la création de vos films requerra pas mal de temps pour être complètement maîtrisée, vous pourrez réaliser de petits courts-métrages bien sympatoches. Dommage que le tout ne soit pas plus évolué mais pour l'heure, ça suffira amplement pour faire ses armes dans le monde du cinéma amateur.
- Durée de vie17/20
Si vous voulez atteindre un haut rang de prestige ou faire en sorte que votre protégé soit classé dans le top 10 des meilleurs acteurs du moment, vous allez devoir être irréprochable tant au niveau de la gestion de votre studio qu'en ce qui concerne la qualité de vos films. Enfin, la réalisation de courts ou moyens-métrages est quasi-illimitée grâce aux possibilités offertes. Vous n'êtes pas prêts d'alterner les plans larges et les plans américains.
- Bande son16/20
Les musiques sont exquises et leur charme vient en grande partie de leur petit côté désuet et glamour qui les rendent irrésistibles. Pour parfaire le tout, le doublage français est tip tap top avec des doubleurs parfaitement dans le ton qui se veut tantôt décalé lors des annonces radiophoniques ou plus chaleureux pour ce qui est des conseils de jeu.
- Scénario/
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The Movies est un véritable coup de coeur. Ambitieux, malin, plein d'humour, bien pensé, le bébé de Peter Molyneux est un régal d'ingéniosité qui vous fera passer de très longs moments devant votre PC pour peaufiner le plus petit détail de votre prochain chef-d'oeuvre. Bien qu'on eut aimé davantage de possibilités pour nous permettre de réaliser de vrais longs-métrages, on ne peut qu'applaudir à deux mains le travail effectué. Dès lors, on attendra impatiemment des éventuels add-ons qui viendraient gommer quelques imperfections tout en creusant un peu plus la création de films. En l'état, nous avons donc affaire à un "simple" joyau qui aurait sans doute fait étinceler les yeux des Frères Lumière s'ils avaient pu y toucher.