En mai 2004, The Suffering était sorti de la nuit sans crier gare. Jeu d'action dont les mamelles étaient l'horreur, le gore et l'absurde, il avait réussi à s'introduire dans les chaumières pour distiller un certain malaise basé sur un scénario alambiqué qui mettait en exergue les délires psychotiques d'un homme face à son passé et confronté à son avenir. Si vous avez eu le plaisir de tenir la main de ce personnage, vous avez sans doute voulu savoir ce qu'il advenait du dénommé Torque à la fin du premier épisode. Eh bien, c'est ce que vous propose The Suffering : Les Liens Qui Nous Unissent en débutant là où The Suffering se terminait.
Pour être précis, sachez que le début de The Suffering 2 équivaut à la meilleure fin de The Suffering, celle-là même où vous appreniez ce qui était réellement arrivé à votre femme et vos deux enfants, sauvagement massacrés par un certain Colonel. Ainsi, outre un flashback qui vous renverra cinq ans en arrière dans la prison de Baltimore, le jeu reprend par la suite lors de votre évasion de Carnate, la prison maudite. A peine arrivé sur les berges de votre ville natale qu'une escouade de soldats lourdement armés vous alpague et vous transfère dans un entrepôt qui n'est rien d'autre que la façade d'une mystérieuse association, la Fondation, qui y effectue des expériences terrifiantes. Quel rôle avez-vous à jouer dans tout ça ? D'après les dires de Jordan, une jeune femme ambitieuse rêvant d'immortalité, toute information concernant les monstres et démons que vous avez combattu est aussi précieuse que de l'or pour ses employeurs. Mais alors que vous alliez en apprendre un peu plus sur le pourquoi du comment, une explosion vient tout briser, emportant avec elle les réponses tant attendues et soulevant encore plus de questions. Libéré de vos liens, votre quête de la vérité pourra alors débuter, car comme vous allez très rapidement le découvrir, quoi qu'on fasse, quels que soient nos désirs, nous sommes toujours rattachés à notre passé. Si vous pensiez avoir fait la paix avec vôtre âme, les fantômes de vos proches reviendront vers vous pour faire en sorte que leur agonie cesse. Pourrez-vous cette fois-ci, apaiser votre défunte femme Carmen ? Le docteur Killjoy, aussi fou soit-il, vous permettra-il de déchaîner votre puissance animale ? Et quelle est cette ombre menaçante qui se fait appeler Blackmore et qui semble vous connaître jusque dans les moindres détails ? Autant d'interrogations qui composent le scénario de ce nouvel épisode The Suffering.
Même ambiance, même moteur graphique, même jouabilité, The Suffering 2 joue cartes sur table dès le départ. Oui, ce jeu est là pour contenter les fans, oui il reprend exactement tout ce qui faisait la réussite de son prédécesseur et oui, il est avant tout là pour permettre à Midway de gagner quelques piécettes de plus. Mais passé cet indéfectible constat de rentabilité, que vaut réellement le jeu. Difficile à dire car d'un côté ceux qui n'ont pas joué (et surtout terminé) à The Suffering se retrouveront dans une histoire qui fait constamment référence à son modèle en mettant en avant des personnages déjà rencontrés essentiels à la bonne compréhension de l'histoire. De l'autre bord de la falaise, nous avons tous les autres joueurs qui connaissent tout de Torque, de ses tourments intérieurs et qui ne veulent qu'une chose : en connaître davantage. Malgré tout, si je fais partie de la seconde catégorie, je dois avouer avoir été quelque peu désabusé par ce second volet. Pourquoi ? Eh bien principalement par l'ambiance qui est plus que jamais dédiée au gore à outrance et à la surenchère d'action. Ceci est flagrant dès les premières minutes de jeu qui nous donnent des dizaines de monstres en pâture nous assaillant de tous les côtés. On peut alors se dire que le chemin suivi par les développeurs est celui de la facilité, d'autant que le scénario peine à satisfaire, du moins au tout début. Néanmoins, le paradoxe est qu'on continue à jouer car on veut à tout pris savoir le fin mot de l'histoire. En bref, on peut penser que les nouveaux venus trouveront peut-être leur compte dans cette action omniprésente alors que les vieux briscards sauront apprécier les informations données qui sont autant de clés pour ouvrir les portes nous menant à l'esprit torturé de Torque.
Maintenant, comment définir Les Liens Qui Nous Unissent ? Comme un survival-horror ? Un Beat'em all ? Une simulation de boucher ? Un peu des trois en fait, vu qu'à chaque fois qu'on tire sur un monstre, des hectolitres de sang nous aspergent. Et les corps démembrés, me demanderez-vous ? Eh bien ma bonne dame, ils sont toujours présents et il faudra penser à s'armer d'un bon parapluie vu qu'il pleut très souvent des jambes, des bras et des têtes. Ceci dit, on ne va pas faire les étonnés car c'était également le fond de commerce du premier The Suffering. Néanmoins, on peut s'étonner que les développeurs n'aient pas planché (sûrement par manque de temps) sur le background proche à chaque monstruosité rencontrée. Rappelez-vous du premier épisode où chaque ennemi avait une histoire, une malédiction qu'ils portaient à bout de bras. L'idée était vraiment séduisante et surtout terriblement dérangeante. The Suffering 2 suive le même principe, en faisant intervenir des ex-pyromanes, des drogués (issus du premier segment), des tués par balle, leur "carte d'identité" est moins profonde, moins convaincante. Pourtant en marge, de cet aspect qui, avouons-le, n'est pas vraiment préjudiciable au titre, on se retrouve face à des abominations encore plus kafkaïennes. Fruits du studio Stan Winston (un maître à qui l'on doit les effets mécaniques de Jurassic Park, Terminator 3, Aliens, etc.), chaque monstre est prétexte à un mélange de chair et de mécanique dont la violence est le principal moteur.
Comme dans la précédente aventure, vous aurez toujours la possibilité de vous transformer en démon qui n'est en fait qu'une excroissance des pulsions meurtrières de Torque. Pour ce faire, il vous suffira de dézinguer quelques monstres afin de remplir une jauge qui, une fois pleine, vous autorisera à vous métamorphoser le temps de quelques secondes. Pendant ce laps de temps, vous profiterez d'une puissance gigantesque qui vous sera fort utile pour déchiqueter tout ce qui vous passe sous la main. D'ailleurs, on notera que Torque profite cette fois de deux transformations au lieu d'une ainsi que d'un rendu beaucoup plus convaincant lors desdites métamorphoses, via une altération de l'image (par des couleurs plus baveuses, plus sombres) et un effet de ralenti accentuant la violence de chacun de vos coups. En plus de ce pouvoir latent, une panoplie d'armes sera à votre disposition. A ce titre, il est plutôt amusant de constater que Surreal s'est déchaîné en nous mettant dans les mains des armes automatiques (Skorpion, M3A1, Tommy Gun) mais aussi des armes lourdes dont un lance-grenades, un lance-roquettes ou un M-60. Ha ben oui, du coup si on dispose une fois de plus de flingues, de fusils à pompe, de grenades, de cocktails Molotov, on se dit que les problèmes vont être d'une tout autre mesure. Et on aura raison vu que la difficulté du titre n'a plus grand-chose à voir avec celle du premier, et ce même en Facile ou Normal. A ceci, une principale raison qui tient au fait que vous ne pourrez plus transporter de flacons de Xombium, les Medikits du jeu. Cette fois, vous devrez donc faire plus attention lors des combats puisque si ces fameux flacons sont toujours présents, vous pourrez simplement les utiliser sur place pour remonter votre niveau d'énergie. L'idée est un peu étrange mais s'inscrit parfaitement dans la nouvelle orientation de cette "séquelle". Et vu que vous ne pourrez transporter que deux armes, essayez d'économiser vos munitions et de faire le bon choix en fonction de vos adversaires.
Pour terminer sur la maniabilité, rien ne change vraiment et peu de nouveautés sont à signaler. Dans tout ça, comme le gameplay du premier épisode n'était pas si mauvais que ça, même si on était en droit d'attendre quelques améliorations concernant certains points. Je dois tout de même avouer que j'aime beaucoup la possibilité de passer de la vue subjective (à préconiser pour les combats) à la vue à la troisième personne à tout moment, ce qui est idéal pour un jeu mixant aventure et action. Dommage qu'on ait encore affaire à des soucis de caméra qui gênent le joueur lors des gungfights ou à des déplacements assez laborieux, du moins en "vue externe". Il est aussi agaçant de se faire toucher plusieurs fois de suite sans avoir la moindre chance de riposter (surtout quand on tombe et qu'on tente de se relever), ce qui a pour fâcheuse conséquence de nous rapprocher rapidement de la mort. Par contre, les points de contrôle sont nombreux et nous évitent de nous retaper de longs passages, ce qui est une excellente chose. Enfin, un dernier détail, qui aurait dû être repensé, est que l'on doit souvent attendre qu'une séquence automatique s'enclenche afin de poursuivre notre route. Ainsi, on se croit très souvent coincé alors qu'il suffit généralement de patienter un moment (qui tarde à arriver) pour continuer son bonhomme de chemin. En marge de ces tares, ne boudons pas notre plaisir. Certes, la construction du titre a été pensée à la va-vite en optant pour la solution de facilité qui consiste à privilégier la castagne à tout le reste mais il en ressort malgré tout que The Suffering 2 peut se vivre comme un bon "add-on" au premier épisode. Le soft, s'adresse donc aux initiés par l'entremisse de personnages connus et à tous les autres par une action débridée qui vous fera découvrir un monde de violence et de folie furieuse. On peut y voir un léger paradoxe, mais tant qu'il permet de contenter toutes les parties, pourquoi pas ?!
- Graphismes11/20
Le moteur de The Suffering est de retour et apporte avec lui des décors très vides et une modélisation des personnages quelconque. Par contre, les environnements sont cette fois plus ouverts et les créatures de Stan Winston donnent toujours des frissons tant elles sont dérangeantes. Pour terminer, signalons une transformation en monstre beaucoup plus graphique et quelques effets de style (liés aux flash-back) assez harmonieux.
- Jouabilité12/20
La vue subjective permet de mieux appréhender les gunfights alors que la vue à la troisième personne est plus appropriée pour les randonnées pédestres. Quelques légers problèmes de caméra n'ont pas été réglés et il est agaçant de ne plus pouvoir transporter des flacons de Xombium. Tout ceci a été pensé pour accentuer la difficulté du jeu mais en contrepartie, ça nous oblige à faire des allers-retours pour retrouver les flacons que nous avions laissés dernière nous. De plus, cette version PC est pleine de bugs de progression, ce qui fait un peu tâche.
- Durée de vie14/20
A vue de nez, on peut tabler sur la même durée de vie que le premier The Suffering, soit entre 10 et 12 douze heures, en fonction du niveau de difficulté choisi. Néanmoins, n'oubliez pas que The Suffering 2 est plus ardu que son prédécesseur et qu'il vous demandera d'être plus attentif à la gestion de vos munitions ou de vos armes.
- Bande son14/20
Les musiques enveloppent votre progression d'une douce Torqueur (je sais, c'est pitoyable) qui cédera rapidement sa place à des mélopées plus tonitruantes lors des rixes. Les bruitages participent grandement à l'immersion et on saluera le doublage français qui est d'aussi bonne qualité que celui de son aîné. Normal, ce sont les mêmes doubleurs... CQFD.
- Scénario12/20
Un scénario dans la continuité du premier épisode. Le tout fait le jeu de flash-back morbides, d' interrogations macabres et du passé de Torque qui le rattrape à chaque fois qu'il essaie de l'éluder. Moins oppressant que le synopsis du premier The Suffering, l'histoire de The Suffering 2 a l'avantage de pouvoir profiter de personnages dont les motivations ont été décortiquées en amont. Reste que beaucoup de choses seront incompréhensibles pour ceux qui n'ont pas terminé la première aventure de notre taulard au grand coeur.
The Suffering : Les Liens Qui Nous Unissent est sans-doute sorti à la va-vite pour profiter du succès du premier épisode. Il est dommage que les développeurs aient construit ce second opus sur des gunfights qui ne s'arrêtent pour ainsi dire jamais, sans prendre le temps d'améliorer la jouabilité. Le scénario est un peu laissé en retrait, même s'il suit directement celui de The Suffering, et on aimera ou non cette nouvelle orientation, synonyme d'une difficulté plus importante. De plus, cette version PC est bien décevante et on constate de nombreux bugs graphiques ou de progression qui nous bloquent fréquemment. Dans l'absolu, on prend tout de même du plaisir à suivre Torque dans ses déboires psychotiques et à avancer, rien que pour avoir le plaisir de découvrir les nouvelles créations du studio de Stan Winston.