Quand on vous dit qu'un ancien de Core Design fonde son propre studio pour y développer un jeu d'action, vous partez plutôt confiant. Et là, sans prévenir, ou "without warning", on vous colle dans les mains une vraie, une belle, une bonne grosse daube ludique comme on sait en faire quand vraiment on n'a cure du résultat final.
Quelque part, profondément enfoui dans les fondations du jeu, se trouve une idée originale et fortement inspirée de la série 24 Heures Chrono dont on retrouve la petite pendule stressante. Tout commence par l'assaut d'une usine chimique par une bande de terroristes qui ne tarderont pas à se faire tomber dessus par une équipe de SWAT du pauvre. Ajoutez au milieu de tout ça quelques otages, un ou deux agents de sécurité et vous aurez un tableau complet. Prélevez ensuite 6 personnages qui seront autant de héros de Without Warning, chacun équipé de manière différente, de la mitrailleuse au spray anti-agression. Membre du SWAT top cool, vigile revanchard, secrétaire apeurée ou cameraman en mal de gloire sont autant de héros malgré eux de tout ce bouzin. C'est donc à travers les yeux de chacun de ces pauvres bougres que l'on vivra l'action du jeu, parfois de manière successive - l'un faisant bêtement suite à l'autre - et parfois de façon simultanée. Une idée intéressante si elle avait été bien mise en pratique. En l'occurrence, son utilité est parfaitement anecdotique et n'apporte rien de sensible à l'expérience de jeu ou à la narration d'un scénario de toute façon bourré de clichés.
Mais voilà bien qui est le moindre défaut de Without Warning. A peine a-t-on pris le jeu en main que l'on pressent qu'on va souffrir avec sa caméra aberrante placée sur le côté du personnage, à gauche ou à droite selon votre bon vouloir, mais toujours n'importe comment et en complet décalage avec l'action. On ne voit rien, on peste et encore, là je ne parle même pas de ce qu'on ressent dans les lieux un tant soit peu exigus. Purement et simplement, on a envie de tuer quelqu'un, n'importe qui, du moment qu'il a une part minime de responsabilité dans la création du jeu. Et en plus, comme si ça ne suffisait pas, la focale est longue à recadrer, enfin, dans la mesure où on peut parler de cadrage hein. Moi j'ai vu des photos prises par des enfants de 5 ans mieux cadrées que ça. Il faut bien comprendre qu'il arrive, comme ça sans prévenir, qu'on ne voit plus rien d'autre que le bout de son canon ! Mais ces soucis de visibilité ne sont pas les seules lourdeurs du jeu. On peut enchaîner sur le thème de la maniabilité discutable de personnages pesant 3 tonnes et portant des chaussures qui collent au parquet. Agréable comme sensation, surtout dans un jeu d'action. Une action d'ailleurs assez vive, mais pas nécessairement plaisante. En premier lieu, on pleurera sur la pauvreté de l'arsenal. Certes, c'est un choix de gameplay, mais c'est un mauvais choix qui vous condamne à changer d'arme uniquement lorsque vous changez de personnage. Bonjour la frustration. La même que celle que l'on ressent, à l'usage de ses pistolets à billes sans patate quand on découvre, avec horreur, que les terroristes sont bâtis en roc et encaissent un plein chargeur avant de daigner mourir comme les malotrus qu'ils sont. En même temps, mieux vaut pour eux qu'ils soient de constitution solide dans la mesure où l'intellect n'est pas franchement leur point fort.
Cela dit, vous aussi vous tenez assez bien le plomb fondu, et ça tombe pas mal parce que vous allez en prendre plein la tête. Et là encore, on a des envies de meurtres qui s'appliquent cette fois à la tête d'enclume qui s'est pointée un jour au studio en disant "les gars, et si chaque fois qu'on se fait toucher l'écran devenait tout rouge et trouble ?". Alors ça, c'est très bien dans un jeu "réaliste" dans lequel on prend une balle toute les deux heures et qu'on y laisse la moitié de sa barre de vie mais dans le cas qui nous désintéresse, c'est complètement idiot, pénible et fatiguant. On est vraiment face à jeu qui veut se donner des airs avec Without Warning. L'air réaliste alors qu'il ne l'est pas une seule seconde, l'air nerveux alors qu'il est poussif. C'est stupide, car si le titre assumait son style - et s'il avait été terminé avant d'être vendu - il aurait été tout à fait satisfaisant au lieu d'être énervant. Même quand il essaie de se montrer intelligent il échoue. Car en sus de l'action, il sera fréquent d'avoir affaire à des puzzles, pour crocheter une serrure ou désamorcer une bombe par exemple. Peu intéressantes, ces phases peuvent même devenir gênantes puisque pouvant être interrompues en cas d'attaque. Alors d'abord, on fait consciencieusement le ménage autour de nous avant de s'attaquer à une bombe, et alors qu'on se croit tranquille voilà qu'un ennemis se pointe en sortant d'on ne sait où, probablement d'un placard à balai magique. Du coup, la séquence est à refaire.
Evidemment, l'autre point noir du jeu, c'est sa réalisation. A l'arrêt, il peut tromper son monde, mais l'illusion ne dure qu'un temps. Abreuvant le joueur d'un level design aussi recherché qu'une blague de caserne ou de rédaction, Without Warning est également habité par des personnages à l'animation parfois risible. En fait, rayez le mot "parfois". Ceci dit, je pense que ce sont encore les doublages en VO qui restent la part la plus amusante de la réalisation, avec en stars incontestées les personnages supposés être de grands spécialistes de l'intervention d'urgence. Je ne sais pas lequel est mon favoris, celui qui parle comme Forrest Gump et qui a toujours l'air content ou celui qui nous donne envie de finir ses phrases par "wesh gros, chef, tranquille vite fait quoi". Quant aux terroristes, ce sont de purs stéréotypes de bazar et je suis surpris de ne pas les entendre balancer des "Gnia ! Ah ! Ah ! Yé souis lé méchant, yé vé toué tou lé monde". Bref, Without Warning est prié de les allumer, ses warnings, il gène la circulation.
- Graphismes12/20
Plutôt correct au premier abord, Without Warning se trahit vite par son level design des plus pauvres ou ses animations sommaires.
- Jouabilité6/20
Horripilante, voilà comment qualifier la prise en main du jeu, entre sa gestion catastrophique de la caméra ou la mollesse des commandes. C'est tout simplement un calvaire.
- Durée de vie12/20
Comptez une grosse dizaine d'heures, à condition que vous ayez encore un pad en état de fonctionnement passées les deux premières heures.
- Bande son10/20
Pas crédible pour deux sous, la bande-son est caricaturale au possible, au point d'en devenir amusante. Les effets sont potables, et les musiques discrètes.
- Scénario/
Without Warning avait un bon concept de départ qui passe complètement inaperçu, d'une part parce qu'il est sous-exploité, d'autre part parce qu'il est noyé par un monceau de défauts. Pourvu d'une maniabilité à coucher dehors et d'un gameplay ultra basique, Without Warning entre par la porte et sort directement par la fenêtre.