Même les super-héros sont de nos jours confrontés à un travail harassant. Combattant le mal sous toutes ses formes, luttant corps et âmes à l'édification d'une paix éphémère, ils sont en quelques sortes des esclaves de la justice. Mais comme visiblement cela ne suffisait pas aux forces du chaos, ces dernières ont décidé d'un commun accord de surcharger encore plus le planning du pauvre Wolverine et de ses confrères. C'est cette stratégie particulièrement fourbe qui aboutit donc à la création des Imparfaits, une sorte de groupe dissident très très méchant. C'est par conséquent, les cernes sous les yeux, que nos amis repartent au turbin. Même en collant, c'est dur.
Marvel Nemesis fait partie de cette "race" de jeux qui laissent tout d'abord relativement pantois. En effet, dès la pénétration dans les méandres colorés de cet univers fièrement ancré dans la culture "comics", on remarque un détail spécial. Parmi l'empilement de personnages présents, vêtus d'une ombre masquant à peine leur véritable identité, on ne note que deux individus lumineux, et par extension bien visibles. Portant respectivement les doux patronymes de La Chose et de Johnny Ohm, ceux-ci demeurent les deux seuls guerriers disponibles au début de votre aventure. Devant ce choix restreint, et ne connaissant par vraiment le type de jeu sur lequel on s'apprête à passer quelques heures, on suppute la présence d'un beat'em all, voire d'un soft d'aventure mâtiné d'action. Mais que nenni ! Effectivement, le titre d'EA prend la forme avantageuse d'un jeu de combat pur et dur, se rapprochant bien plus d'un Power Stone en solo que d'un Tekken 5 version portable. Malgré son apparence et ses affrontements classiques en duel, Marvel Nemesis se détache tout de même nettement du titre de baston tel qu'on l'entend. Profitant d'arènes ouvertes et particulièrement étendues, le soft met en avant une liberté de mouvement doublée d'un gamplay orienté vers une utilisation "stratégique" de l'environnement. En fait, de nombreux éléments du décor s'avèrent destructibles et peuvent aisément se muer en armes redoutables avec un peu d'entraînement. D'autant qu'il est possible, d'une part de les projeter avec violence sur un mutant presque innocent, et d'autre part de les tenir à bout de bras afin de les écraser bien gentiment sur le crâne de votre adversaire. De ce fait, il arrive souvent que la victoire se décide en vertu de celui qui a su tirer le plus profit de ce qui l'entoure. Une idée intéressante, qui donne aux combats une dimension homérique, entre passages expéditifs d'armoires et d'assauts à coup d'armures médiévales. D'ailleurs, les attaques "normales", relatives aux poings et aux pouvoirs spéciaux possèdent ce degré de fureur démesurée, autorisant une immersion rapide dans cette rage vidéoludique. Mais on s'aperçoit bien vite que cette couche luisante de vernis disparaît rapidement à mesure que l'on gratte sa surface.
Tout en s'enfonçant dans les caractéristiques profondes du jeu, à savoir sa construction et ses mécanismes en général, on découvre de plus en plus d'écueils aisément masqués par le dynamisme général et surtout par la licence utilisée. Effectivement, mis à part le fait de proposer les plus grands personnages de la Marvel associés à des créations inédites et souvent charismatiques, ainsi que du grand spetacle fascinant, Marvel Nemesis ne donne à voir aucun point d'intérêt véritablement notable. Le plus frustrant reste clairement le manque de coups différents pour les protagonistes du soft. Si le titre était un beat'em all, cette donnée pourrait passer inaperçue, mais dans un jeu de combat, c'est un détail que l'on prend en compte immédiatement. Se limitant à une seule touche, les possibilités d'actions se révèlent aussi réduites que répétitives. Soumis à exécuter toujours le même enchaînement de coups de pieds ou de poings à longueur de jeu, vous trouverez sans attendre la ligne de démarcation de ce titre, délimitant votre plaisir au strict minimum. Bien évidemment, vous aurez l'occasion de profiter de pouvoirs spécifiques, mais ces derniers restent en retrait des attaques physiques, ne s'utilisant que bien plus rarement. La lassitude prend alors le relais avec passion, vous donnant la nette impression de refaire encore et encore les mêmes pugilats, dans des endroits différents. On pourrait alors se dire que l'ascension vers le dernier ennemi vivant procure un sentiment de joie épique, suscite l'envie de terminer sa mission. Mais ce ne serait que se voiler la face. En effet, la difficulté, mal gérée, oblige à passer par des phases complètement désespérantes, suivant deux ou trois combats on ne peut plus faciles, et se complétant par un dernier affrontement, lui, équilibré. De fait, on ne sait pas si l'on progresse vraiment, si notre technique est mauvaise où si le niveau général est mis à mal par un développement un peu rapide. Et ce n'est pas tout.
Calibrée assez étrangement, l'I.A pose aussi des problèmes conséquents, tant les adversaires réagissent sans logique aucune face à vos assauts. Tantôt s'évertuant à vous frapper au sol et à vous harceler sans arrêt et tantôt vous regardant sans bouger à dix mètres de votre position, ces êtres de pixels semblent relativement déséquilibrés. Ne se servant que très rarement du décor, et ne cherchant pas même à fuir votre présence lorsque vous tenez un bloc de 5 mètres de diamètre, ces derniers se focalisent simplement sur votre corps, dans une traque de tous les instants n'autorisant aucune technique particulière, à part la force brute. Et même s'il faut avouer que l'on rentre quelquefois agréablement dans cette logique, ce n'est que pour s'y perdre une petite demi-heure plus tard. Et cela sans compter les problèmes de caméra sincèrement pesants, qui nuisent profondément au plaisir de jeu pris. Précisément, et malgré la présence d'un système de "lock" assez pratique, le point de vue trouve sans cesse le moyen de se placer devant vous, masquant le moindre mouvement de votre opposant. Alors oui, il est possible de recadrer la vue, mais cela oblige à s'arrêter, et même dans ce cas, la caméra est tellement instable qu'elle repart dans un délire maladif au bout de quelques secondes. D'autre part, si vous avez le malheur de vous trouver près d'un obstacle, la pauvre malheureuse va tenter de donner une bonne approche de la scène et changer de place très vite, se perdant dans des angles loin d'être pratiques. Fort heureusement, le titre se rattrape nettement dans deux domaines, celui de l'apparence plastique et celui des cartes. Plus réussi graphiquement que ses homologues, au niveau du rendu (pas de la finesse, forcément), Marvel Nemesis semble bien plus proche de l'ambiance propre aux comics dont sont tirés les divers protagonistes. Proposant des personnages fort bien modélisés et des décors aux textures léchées et variées, le titre d'EA peut se targuer d'afficher un enrobage des plus appétissants. Mais le plus innovant, comme dit précédemment, reste le principe des cartes.
Correspondant à des caractéristiques particulières rajoutées à celles de votre avatar musculeux, elle sont en quelque sorte des bonus distillés durant les combats. Classées suivant des types différents, à savoir "pouvoir", "force", "santé", et "défense", et nécessitant d'être débloquées au fil de vos victoires, elles vous procureront des avantages divers selon leur classe. De plus, il faut encore composer avec le fait que certaines d'entre elles demandent une activation, tandis que d'autres agissent tout au long de votre combat. A vous donc de disposer vos cartes autour des quatre directions du pavé directionnel de façon à pouvoir les utiliser très simplement, même en plein milieu de l'action. Un concept vraiment digne d'intérêt, pouvant relancer une partie, si tant est que vous ayez défini un bon "deck". Néanmoins, et malgré ces bons points indiscutables, Marvel Nemesis apparaît vraiment trop limité pour convaincre totalement. Arborant un mode histoire mal mis en scène et inintéressant, un seul mode de jeu annexe fort dispensable ainsi que de multiples défauts de finalisation, le titre d'EA aurait pu faire un beat'em all moyen. Cependant, et c'est dommage pour lui, il demeure un jeu de combat sans saveur, lassant, et surtout ne rendant pas du tout hommage à sa fameuse licence. Etant grand admirateur d'Iron-Man et de Spider-Man, je regrette presque leur présence ici. L'avènement des imparfaits a vraiment eu lieu.
- Graphismes15/20
Respectant les critères de qualité graphique d'EA, Marvel Nemesis apparaît comme l'un des jeux les plus réussis sur PSP. Proposant des personnages modélisés avec soin ainsi que des décors pratiquement entièrement destructibles, il montre les capacités de la PSP sans fléchir. D'autant que je ne prends pas en compte les multiples effets spéciaux donnant aux combats une allure titanesque.
- Jouabilité9/20
Même si le jeu se prend en main avec aisance et propose une très bonne idée, à savoir les cartes, il s'avère bien trop limité au niveau du gameplay. Exposant des personnages à peine fiers de leurs trois coups et un système d'enchaînement minimaliste, il apparaît comme l'un des jeux de combat les plus pauvres existant, ludiquement parlant. De plus, il faut ajoute à ce constat la caméra totalement alcoolique, empêchant de se situer correctement les trois quarts du temps.
- Durée de vie14/20
Compte tenu du temps nécessaire pour finir l'aventure avec les deux premiers personnages, sur les 18 disponibles, il vous faudra tout de même une petite dizaine d'heures pour voir le bout de chacun des scènarii. Si en plus vous désirez obtenir toutes les cartes, vous pouvez rajouter quelques heures à ce constat. De plus, il vous est possible de jouer en multi jusqu'à deux joueurs, ce qui rallonge un tantinet la durée de vie malgré le côté inintéressant de ce mode.
- Bande son13/20
De ce côté, Marvel Nemesis fait côtoyer le bon et le moins bon. En effet, les compositions en elles-mêmes, de bonne qualité, épiques et orchestrales dans leurs sonorités, se voient un peu masquées par les effets sonores relatifs aux pouvoirs et aux explosions, dénués de "vie" et quelque peu étouffés. Il est dommage de ne pas avoir implémenté de voix digitalisées lors des attaques. Dommage.
- Scénario/
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Possédant les bonnes bases d'un beat'em all ou d'un Power Stone like, Marvel Nemesis n'a pas le côté "aventure" du premier, et ne parvient pas à atteindre la fureur du second. De fait, prenant la forme d'un simple jeu de combat très limité, aux nombreux problèmes de gameplay et de caméra, il n'arrive même pas à se hisser hors du marasme vidéoludique. On s'attendait réellement à beaucoup mieux de cette licence fabuleuse qui n'empêche pas le titre d'EA de sombrer. Heureusement qu'il reste l'idée des cartes et un zest de fun. Peut-être dans un autre jeu plus ambitieux un de ces jours ?