Lorsque l'on demande à une personne prise totalement au hasard ce qu'elle pense des Pokémon, on rencontre souvent ce genre de discours : "Ah les Pokémon ! Ces espèces de peluches criardes qui ne savent communiquer qu'en répétant leur nom ? Tu parles ! Ce n'est qu'un amas d'inepties décérébrant nos enfants, jusqu'à les faire s'écrouler d'apathie dans leur bol de céréales. Une amie à moi m'a même dit que son fils avait pratiquement infusé au milieu de ses Choco Pops ! Alors tes espèces de bêtes là, tu peux..." et ainsi de suite. Mais ces propos ne peuvent intervenir que dans le cas d'une méconnaissance des jeux à l'origine du phénomène, bien plus intéressants qu'ils n'y paraissent et surtout prenant la forme de RPG pures souches.
Sorte de compilation regroupant quasiment l'ensemble des apports des versions Saphir et Rubis, Pokémon Emeraude est, en quelque sorte, la quintessence de cet univers riche et on ne peut plus complexe. Voici donc quelques pistes à suivre, tirées d'écrits retrouvés il y a de cela bien longtemps dans les arcanes de chasseurs réputés pour leurs traques incessantes et forcenées. Tout d'abord, la particularité du monde chamarré et onirique de ces créatures polymorphes réside dans son fonctionnement même, tournant totalement autour d'une symbiose homme-nature. De fait, tentant de faire progresser la science et par là même l'étude des Pokémon, les humains vivent dans une société semblable à la nôtre dans ses grandes lignes, mais ont cette particularité de dépendre des animaux dans leurs loisirs ou leurs travaux. En effet, considérés aussi bien comme des fidèles compagnons, des camarades de jeu, ou comme une main d'oeuvre digne de respect, ces êtres étranges partagent chaque moment de l'existence humaine depuis des temps immémoriaux. Aisés à élever et relativement prompts à se montrer aux yeux des curieux cherchant à les dénicher, ceux-ci sont rapidement devenus source de challenge, des compétiteurs les entraînant jour après jour dans le but d'organiser des tournois. De plus en plus reconnus, ces affrontements légalisés et fort codifiés devinrent l'une des principales occupations du genre humain, les dresseurs se multipliant dans les villes et les campagnes. Débutant le jeu dans la peau d'un jeune garçon prestement remis d'un déménagement l'ayant séparé de son ancienne vie, vous errerez les premiers temps sans but, découvrant une joie étrange pour les Pokémon, et surtout les nombreux amis de votre père, éminent dresseur officiant à Clémenti-Ville. C'est d'ailleurs une connaissance de votre famille, le docteur Seko, qui vous remettra votre première créature, après que vous l'ayez tiré des pattes griffues d'un Medhyana un peu trop sauvage. Pris par cette envie insatiable de collectionner et d'étudier ces bêtes à l'intelligence développée, vous déciderez donc de battre la campagne à la recherche d'espèces toujours plus rares, mais aussi toujours plus dangereuses.
En effet, bien que vous puissiez collecter des Pokémons lors de duels déclenchés avec d'autres spécialistes par le simple fait de vous être remarqués mutuellement, il vous incombera la majeure partie du temps de fouiller les hautes herbes, de passer des grottes au peigne fin ou bien encore de sonder des rivières et des lacs voilés de mystères. La moindre rencontre sera alors propice à un pugilat bien réglé, vous conviant à utiliser un ou plusieurs de vos propres animaux, attrapés quelques temps auparavant, contre la menace qui vous guette. Deux choix s'offrent alors à vous : soit vous décidez de neutraliser le Pokémon vous faisant face, auquel cas une victoire vous rapportera des points d'expériences, soit vous prenez le parti de le capturer. Pour cela, il est utile de bien affaiblir votre cible et d'utiliser une célèbre Poké Ball, sorte de filet à papillon "next gen". Bien entendu, plus les "monstres" que vous souhaitez obtenir sont imposants, et plus votre Poké Ball devra être solide en retour. Une fois votre acquisition en main, il ne vous restera plus qu'à la former aux rudiments du combat, et la faire évoluer si cette dernière en a la capacité. De plus, vous avez à tout moment le loisir de forcer l'un de vos petits protégés à désapprendre une ancienne technique pour lui inculquer à la place une compétence nouvellement apprise, ou tout simplement enfermée dans une CS, alias Capsule Secrète. Différente de la CT (Capsule Technique) utilisable une seule et unique fois, la CS regroupe néanmoins les mêmes caractéristiques profondes, à savoir la possibilité d'interagir sur l'environnement hors des combats, et l'affiliation à un type de Pokémon particulier. Nécessitant donc un tant soit peu de matière grise, la progression est rythmée par de légères énigmes mettant justement en cause les pouvoirs latents de vos poulains. Un aspect réflexif que l'on retrouve totalement dans le déroulement des affrontements. Pouvant désormais intégrer quatre Pokémon simultanément (un ajout émanant des versions Saphir et Rubis), ces phases reposent essentiellement sur l'intelligence avec laquelle vous aurez composé les atouts de vos combattants. Effectivement, sacrifier des techniques est une chose, mais il faut bien faire attention à ne pas supprimer des particularités vitales ou des types d'assauts élémentaires uniques.
Possédant chacun quatre attaques, vos fiers guerriers misent tout leur potentiel offensif sur des notions impliquant les principales composantes de la nature. Plus précisément, vous devrez toujours avoir à l'esprit les rapports entre les divers types de Pokémon existants, tout en sachant que des altérations peuvent faire plus ou moins varier leur statut. Par exemple, les coups à base d'eau feront de gros dégâts à un adversaire de type pierre, tandis qu'ils seront inopérants face à un Nenupiot (type aquaplante), même en petite forme. Il est donc très important de se définir une marche à suivre précise, assez simple en un contre un, mais nettement plus tactique en deux contre deux. D'autant qu'il vous est possible de jouer sur l'effet de surprise en donnant une baie à vos petites bêtes, qui sauront l'utiliser en pleine action. La richesse de ce système de combat n'est donc plus à prouver et permet de s'attarder un peu plus sur les profondeurs du soft, en constante évolution depuis les premiers opus Bleus et Rouges. En effet, vous pouvez maintenant cultiver des arbres fruitiers en plantant les diverses baies engrangées lors de vos périples bucoliques ou simplement confiées par des personnes pleines de bonnes intentions, afin de récolter le résultat de vos labeurs un peu plus tard. Une manière intelligente de gérer son stock, poussant à opérer une réflexion écologique sur l'apport de la nature. Pokémon, fable pédagogique ? De plus, on note l'apparition de concours spéciaux, semblables aux conventions canines, dans lesquels un jury note vos protégés sur des critères aussi vastes que le sang-froid, la beauté, la grâce, l'intelligence ou la robustesse. Par extension vous ne pourrez être certain d'obtenir un avis favorable qu'en passant de nombreuses heures à composer des Pokéblocs. Ces items peu communs sont en fait des sortes de compléments nutritifs pour Pokémon, que vous aurez l'occasion de composer grâce à l'utilisation d'un "mixeur". Fonctionnant de manière fort ludique, celui-ci vous donne l'occasion de mélanger avec plus ou moins d'habileté vos diverses baies, dans le but, comme dit précédemment, d'augmenter significativement les spécificités soumises au jugement du concours.
Vaste, digne du plus grand intérêt, et surtout ne laissant jamais entrevoir de lassitude particulière, cet épisode GBA est sûrement le plus aboutis de la série, même si quelques tâches viennent ternir son habit de lumière. Malgré la présence du très sympathique mode appelé "zone de combat", regroupant sept bâtiments dans lesquels vous devrez vous livrer à des joutes assez âpres afin d'empocher d'une part des symboles et d'autre part des points de combats nécessaires à l'achat de lots inédits, rien de bien nouveau n'émane de cette version Emeraude par rapports à ses deux consoeurs. Il faudra clairement avancer relativement loin dans l'aventure pour commencer à découvrir quelques subtilités et il n'est pas certain que les amateurs ayant déjà bouclés les opus Rubis et Saphir se laissent tenter. Tenant plus d'un add-on assez pauvre que d'un soft à part entière, le titre de Nintendo se repose tout de même un tant soit peu sur des lauriers dorés. Tenant plus du coup commercial que d'une envie de plaire à son public, ce titre n'en est pas moins une nouvelle fois un jeu de qualité. Bien réalisé, arborant un univers coloré et tout en rondeur dans le style de Zelda : A Link To The Past, doté d'une profondeur de jeu effarante et d'un "caractère" qui pousse à s'attacher à lui, Pokémon Emeraude parvient à dissiper les dernières réticences. Toutefois, espérons qu'à l'avenir Nintendo revoit sa politique assez dérangeante sur cette licence.
- Graphismes14/20
Proposant des teintes chaleureuses et un univers tout en rondeur, Pokémon Emeraude est un soft réellement attachant. De plus, les divers effets peuplant les affrontements, tout comme le design de certaines créatures facilitent grandement l'immersion. Reste que l'on aurait aimé des décors un peu plus détaillés, et surtout des animations dignes de prétendre à une place sur GBA, capable de véritables merveilles sur ce créneau.
- Jouabilité15/20
Véritable force de la série, le gameplay est une nouvelle fois une ode à l'accessibilité et à la profondeur. Permettant d'exécuter un nombre imposant de tâches hors de l'intrigue principale, Pokémon Emeraude offre sans cesse un renouvellement de l'intérêt, ce qui est plus appréciable au sein d'un concept qui pourrait vite tourner en rond. D'autre part, les combats demeurent toujours empreints de tactique, même s'ils ont tendance parfois à s'éterniser.
- Durée de vie17/20
Si votre objectif n'est que de terminer le jeu, vous pouvez d'ores et déjà tabler sur plusieurs dizaines d'heures à errer dans des forêts et des montagnes afin de prouver votre valeur de dresseur, ce qui n'est déjà pas si mal. Si maintenant votre rêve est de vous emparer de l'ensemble des créatures du soft, la barre des 50 heures sera aisément dépassée. Pour finir, les modes multis très intéressants ne feront qu'ajouter de l'eau à ce beau moulin ludique.
- Bande son11/20
Les compositions du jeu s'avèrent dans l'ensemble assez correctes, même si certaines mélodies paraissent dater de plusieurs dizaines d'années au vu de leur simplicité. De plus, la présence du processeur sonore défaillant de la GBA et de sonorités très synthétiques suffisent parfois à se détourner de l'ambiance musicale. Espérons un remaniement sur DS.
- Scénario/
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Reprenant une nouvelle fois le chemin des hautes sphères vidéoludiques sur GBA, la série Pokémon se pare aujourd'hui d'une belle couleur Emeraude, donnant à son éclat des reflets attirants. Relativement joli, immensément profond et surtout particulièrement attachant, le titre de Nintendo agit comme une petite voix invitant le joueur à se replonger sans cesse dans le monde de Hoenn. Un appel à l'aventure de grande qualité, certes, mais qui apparaît tout de même comme un remaniement assez peu inspiré des versions Rubis et Saphir. Néanmoins, nul doute que vous vous laisserez encore tenter par la parade nuptiale du Poussifeu.