Depuis quelques temps, le beat'em all a tendance à chercher une autre voie d'expression, allant de la Grèce antique à la Rome des césars, en passant par la Chine médiévale. Une diversité d'inspirations nette et on ne peut plus louable, mais qui pose la question du devenir du combat de rue de notre enfance. Où sont passés les Double Dragon et les Final Fight ? Où sont passés leurs valeureux guerriers tout sauf charismatiques, habillés à la manière d'un héros de sitcom des années 80 en quête d'identité ? Personne ne le sait vraiment. Fort heureusement, certaines productions s'évertuent à nous redonner une nouvelle fois l'occasion de battre d'une part le pavé de ruelles glauques et d'autre part des opposants totalement idiots. C'est visiblement la tâche d'intérêt public que s'est donné Beat Down.
Entre 10.000 Bullets et ce Fists Of Vengeance, la mode semble être au récit du devenir d'une famille mafieuse sur le déclin. En effet, le scénario du titre de Capcom met en lumière les manoeuvres opérées dans un groupe criminel dirigé par l'omnipotent Zanetti. Menant d'une main de maître ses marchandages crapuleux, ce dernier voit d'un mauvais oeil la montée en puissance de certains freluquets peu recommandables. C'est pour cela qu'il va tenter d'éliminer toute menace directe en organisant une mise en scène habile destinée à vous tromper, ainsi que l'ensemble de vos compagnons. Alors que l'image de votre cadavre au fond de la baie, un bloc de béton aux pieds, se fait plus insistante que jamais, vous parvenez à vous échapper. Vous devenez de ce fait l'incarnation de la rage, de la furie, de la rancune. Votre vie ne sera à présent tournée qu'en direction d'une quête punitive, envoyant vos scrupules bien loin de votre esprit. Il va donc falloir se servir de cette hargne pour défaire un à un les maillons conduisant à l'instigateur de cette chaîne qui vous retient prisonnier de votre colère. Et c'est à ce moment précis, durant les prémices de votre croisade sanguinaire, que la trame générale va se scinder en 5 parties, en fonction du personnage que vous aurez choisi au début. Cinq histoires, cinq destins et donc cinq fois plus de victimes. Effectivement, même si l'on assiste en cours de partie à des sortes de phases de recherche, le fond indivisible du titre est composé de coups de pieds, de coups de poings et de coup de tête. Un programme anatomique alléchant qui le devient encore davantage à la faveur d'un gameplay de qualité.
Aux commandes de votre parrain en devenir, vous allez donc devoir vous soumettre aux règles de l'ascension sociale du côté sombre de la barrière. Au lieu de travailler, de créer ou de révolutionner une discipline quelconque, le mérite qui vous revient et favorise votre côte de popularité demeurent le combat et le meurtre. Une alternative sympathique au travail de bureau qui pourtant recèle des points communs surprenant. Premièrement, vous devez impérativement soigner votre style vestimentaire. Car ce qui vous vaudrait le regard amusé de vos collègues dans la vraie vie est une option de survie indispensable dans Beat Down. Disposant de deux indicateurs de recherches, l'un destiné à la police et l'autre aux gangs rivaux, votre principal souci est de passer inaperçu dans un monde semblant ligué contre vous. Le seul moyen de les faire décroître demeure, bien entendu, le changement de vêtements, comme vous l'aviez sans doute deviné. Tel un caméléon mafieux ou un Tommy Vercetti recherché par la justice, votre ligne de conduite sera la suivante : le travestissement suppose la discrétion. Cependant, votre fascination pour la mode ne résoudra pas l'ensemble de vos problèmes si aisément. Il vous incombera également de ne pas traîner trop près d'anciens camarades, ces derniers finissant par vous reconnaître, et surtout de ne pas chercher la bagarre à tous les coins de rue. Une idée intéressante au départ mais relativement mal exploitée, à cause d'un déséquilibre global. Plus précisément, le pourcentage de reconnaissance augmente trop précipitamment, ne vous autorisant un certain incognito que très peu de temps entre deux échanges de garde-robes. Heureusement, le titre n'étant pas à proprement parler furtif, on se contente de tabasser les pauvres hères ayant eu le malheur de se rappeler de nous. Une autre manière de se faire oublier en somme.
Toutefois, il faut parfois apprendre à rester calme et à privilégier le discours au coup de batte derrière les oreilles. Car, si certains passants ne sont que des faire-valoir sans utilité première, d'autres peuvent en revanche être de précieuses sources d'informations et même vous servir de compagnons d'infortune. Lors d'un échange (négociation) avec l'un de ces intervenants, plusieurs choix s'offrent à vous. Tout d'abord, et de façon non violente, vous pouvez tout bonnement proposer à votre interlocuteur de vous suivre, soit gratuitement, soit monnayant quelques piécettes. Ensuite, si vous n'avez pas peur du risque, vous pouvez tenter de lui subtiliser un objet, ce que je vous déconseille, sauf si l'un de vos compagnons possède la compétence pickpocket. A ce propos, il est très probant d'enrôler des hommes et des femmes possédant cette capacité spéciale fort utile. Enfin, vous avez la possibilité d'interroger votre nouvel ami dans le but d'obtenir des renseignements. Si malgré tout ce dernier résiste à vos avances, vous n'aurez d'autre alternative que de provoquer un duel. Se jouant à la manière d'une sorte de Tekken allégé, ces phases se révèlent très agréables à expérimenter, même si la technique reste tout de même en arrière-plan. Toutefois, il faut quand même tenir compte de la hauteur de la garde et anticiper correctement les mouvements adverses. Outre leur côté ludique, ces passages aboutissent à une prise de décision forcée de votre opposant. En effet, une fois sa barre d'orgueil vidée à la suite de coups répétés et de provocations diverses, vous aurez le pouvoir de vous saisir de lui et de lui reposer les questions précédentes, en étant beaucoup plus "convaincant". Ce moyen est d'ailleurs le seul complètement valable pour engager un compatriote. Mais si votre volonté de violence prend le dessus, l'enclenchement du choix Beat Down comblera vos attentes. Votre avatar massacrera alors sans vergogne son opposant, à grands coups de couteau. Un déchaînement dérangeant, qui amène l'agression sur le terrain de l'acte gratuit et qui plus est inutile. Le principe de l'intervention musclée reste donc une trouvaille digne d'attention, mais se voit entaché par ce glissement vers une cruauté peu justifiée.
Au lieu de passer vos nerfs sur de pauvres voyous, vous pourrez vous défouler en participant à des missions disséminées aux quatre coins de la ville, confiées par le tenancier du bar Le Hole. Vous servant de quartier général, ce dernier demeure aussi une des seules possibilités d'acquérir de la richesse de façon légitime, je veux dire sans avoir à fouiller les corps de vos victimes. Pour cela, il vous faudra montrer les dents et maîtriser au mieux le système de combat classique (hors duel) prenant, clairement apparenté à celui d'un beat'em all lambda, mêlant coups de pieds et de poings ainsi qu'une garde. Néanmoins, à force de parcourir la ville de long en large en frappant toujours le même style de comique, on finit par nettement s'ennuyer, et ce même avec des opérations scénarisées variées et mises en scène avec une réussite certaine. Mais c'est surtout dans l'aspect haché du soft que l'on ne trouve pas un contentement massif. S'il est donc agréable de se laisser porter par la noirceur de la trame, ainsi que par la destinée du protagoniste principal, on ressent une grande frustration dans la construction de la progression même. Chaque quartier est indépendant, nécessitant un temps de chargement pour passer de l'un à l'autre, les missions s'enchaînent relativement mal, et chaque scène ayant trait à l'histoire se retrouve accolée de la manière la moins fluide possible aux phases de gameplay.
Ceci est d'autant plus vrai que le héros effectue sempiternellement les mêmes mimiques et utilise tout le temps une unique phrase de satisfaction à la fin des combats. Une simplicité décevante, à l'image du système d'évolution du personnage composé d'une montée en expérience classique associée à une ascension dans le vaste univers du respect mafieux. Plus grave, on retrouve cette absence de profondeur dans la réalisation graphique, dépassée et étonnante de la part d'une production Capcom. Seuls les personnages principaux, assez charismatiques pour la plupart, réussissent à acquérir une modélisation honnête. Les autres font montre d'un degré de pixelisation surprenant, ainsi que d'un aspect polygonal loin d'être charmant. Les décors quant à eux, même s'ils participent à l'ambiance crade, immersive et ténébreuse du soft, manquent cruellement d'ampleur et se contente d'exposer des textures baveuses et trop peu détaillées. Une plastique aisément déstabilisante, dans le mauvais sens du terme. Au final donc, Beat Down : Fists Of Vengeance reste un beat'em all honnête, bourré de bonnes idées malheureusement mal exploitées, et portant le lourd fardeau d'une apparence peu engageante. Pourtant on prend du plaisir à cette montée en puissance d'un jeune mafioso. Comme quoi, un costard cravate et tout repart.
- Graphismes10/20
Simpliste et limité, Beatdown peine à convaincre de sa présence sur une console 128 bits. En effet, même si les modèles humains s'avèrent animés avec soins et assez variés, on ne peut que constater leur modélisation approximative et leurs arêtes saillantes. De la même manière, les décors apparaissent répétitifs, disposant de textures loin d'être convaincantes et surtout trop ternes. Heureusement que l'ambiance tient le soft sur ses épaules. A noter que cette version Xbox est un peu plus fine.
- Jouabilité13/20
Le système de combat lors des duels est vraiment agréable à prendre en main, retenant en son sein quelques petites subtilités intéressantes. D'autant plus que ce dernier reste étonnamment logique (pas de contre à mains nues face à une arme blanche). Dans la même veine, les affrontements de masse restent amusants, tout en se laissant un peu trop reposer sur des bases vieilles de bientôt 20 ans. De plus, le système de persuasion par la force est bien pensé, ajoutant un peu d'intérêt au tout. Il est de fait dommage que ces bonnes idées ne soient pas assez exploitées.
- Durée de vie14/20
Le titre, avec ses cinq scénarios différents, réserve une durée de vie dans la moyenne de ce type de productions. Néanmoins, vous avez accès à des modes impliquant deux joueurs, se déroulant à la manière d'un titre de combat classique. Il est à ce propos dommage de ne pouvoir démembrer du galopin en coopération, et surtout de ne pas disposer d'une liberté d'action plus grande dans la ville. On ressent alors une certaine lassitude au fil des allers-retours incessants.
- Bande son10/20
Ne cherchant pas à grappiller quelques bons points, Beat Down ne propose même pas de doublage durant les phases hors cinématiques, se contentant d'afficher du texte suivant un borborygme, à la Wind Waker. Mais dans le premier cas, les doubleurs sont bien imprégnés de leur personnage et fournissent un travail correct. Les compositions, quant à elles, restent en retrait et ne proposent pas à écouter un thème particulier ou un morceau se détachant du reste. Elles collent avec l'action ce qui est déjà beaucoup.
- Scénario/
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Tentant de réinsérer le genre perdu du Beat'em All de rue, Beat Down : Fists Of Vengeance ne parvient qu'à se placer péniblement dans le flot de jeux d'action de ces temps-ci sans pouvoir se démarquer. Connaissant pourtant le background de Capcom dans ce genre de softs, il est étonnant de se contenter d'un titre pas forcément détestable mais loin de ce à quoi l'on pouvait s'attendre. Amusant et plein d'idées, il mérite néanmoins un coup d'oeil furtif. Espérons qu'une suite élève ces trouvailles à la lumière. Et un petit doigt en moins pour la firme japonaise.