Mais que peut bien être un guerrier "total" dans le jargon de Sparte ? Est-ce un homme à la carrure imposante sachant manier n'importe quel type d'armes blanches ? Un combattant rompu à toutes les situations tactiques existantes ? Ou bien encore un soldat allant vraiment au fond des choses, sorte de Steven de l'antiquité, étant pour l'armée ce que celui-ci représente pour le journalisme ? Visiblement, rien de tout cela. Non, un Total Warrior représente l'outil de destruction définitif, une sorte d'Attila le Hun derrière lequel l'herbe, d'une part, ne repousse pas, mais également les bâtiments, les enfants, ou encore les cakes à la framboise. Une apocalypse vivante, susceptible, et de fait fort dangereuse. Mais heureusement, c'est à vous que revient le plaisir d'incarner cette force qui va.
Placé dans le contexte d'une antiquité gréco-romaine fantasmée, mêlant faits réels déformés et omniprésence de mysticisme, Spartan Total Warrior suit de loin la route de God Of War, se focalisant plus fortement sur le destin des hommes que sur celui des dieux. Malgré tout on retrouve des thèmes communs, comme la manipulation de l'être humain par des divinités plus ou moins malfaisantes, ou encore une ambiance rageuse et désespérée un tantinet plus voilée, vous permettant de vous confronter aux plus imminentes créatures mythologiques des légendes grecques. Une parenté qui dépasse même les influences profondes pour s'afficher dans le domaine du rythme de progression. Effectivement, tout comme dans le soft de Sony, l'aspect épique demeure clairement mis en avant, atteignant parfois des montées en puissance paroxystiques, notamment lors de charges héroïques opposant deux armées, ou bien au coeur de sièges retentissants et intenses. Un vrai travail d'immersion a donc été fourni, jetant littéralement le joueur au sein de marées humaines animées par la fureur de l'entrechoquement de métal et de chair. D'autant que Spartan provoque très habilement, et ce dès l'entrée en matière, un véritable sentiment de hargne belliqueuse chez le joueur confronté à des tâches qui le dépassent. Submergé par l'adrénaline du stress d'une part et de la puissance émanant du personnage principal d'autre part, vous ne pourrez lâcher votre manette lors de la première phase du jeu, seule garante d'un détachement physique vis-à-vis de cette scène si aguichante. On se laisse porter avec plaisir par cette variété d'actions, ce débordement d'épreuves. En effet, perdu dans le chaos du combat, vous devrez ralentir une statue géante à l'aide de balistes, tout en défendant vos compagnons et en versant de l'huile bouillante sur les sapeurs en contrebas. Un déluge de points d'intérêts tourbillonnant et fascinant. Néanmoins, et même si l'on retrouve un peu cet esprit dans la suite de l'aventure, ce côté totalement diversifié et quasiment déstabilisant s'efface au profit de tâches plus prosaïques et intégrées dans un ordre précis et une linéarité propre au jeu.
Mais ne vous fourvoyez pas, on ne note aucune baisse de régime dans l'action à proprement parler, incluant des dizaines et des dizaines de légionnaires et de spartiates secondant votre rôle de jeune premier épée au poing. Il est tout simplement regrettable que le studio de développement Creative Assembly n'est pas daigné immerger plus en avant le joueur dans une espèce d'urgence combative. Et même si certains chapitres donnent accès à de multiples missions annexes à effectuer, comme par exemple détruire des nids d'archers pour libérer une voie conduisant à incendier des tours de gardes, aboutissant à une charge massive, on ne parvient plus à sortir de ce schéma. De ce fait, si cette absence de focalisation sur l'aspect beat'em all bête et méchant est une excellent chose, il est dommage de ne pas avoir poussé plus loin ce désir de "rénovation". D'autant que, bien scénarisées et connaissant quelques rebondissements, les missions en elles-mêmes restent intéressantes dans le fond, donnant du corps à la progression. A vous donc les expéditions punitives répondant à votre envie de vengeance, ou les quêtes d'objets merveilleux, motivées par l'envie de la découverte. Cependant, il vous faudra pour cela savoir manier différents types d'armes, allant du glaive intemporel, à la hache, en passant par le marteau. Recueillis la plupart du temps après la victoire face à des boss peu plaisants, ces ustensiles aiguisés possèdent chacun un pouvoir particulier que vous pourrez déclencher après le massacre de suffisamment d'ennemis. De plus, il arrive également que, bénis par les dieux, ceux-ci se voient attribués une capacité spécifique et souvent destructrice, nécessitant la collecte d'orbes magiques s'extirpant des cadavres ou de piliers destinés à cette fonction. Il vous faudra alors jongler entre vos talents quasi divins avec parcimonie sachant que certains vous coûteront plus ou moins chers à l'utilisation. D'autre part, la gestion du bouclier demande elle aussi une certaine concentration, offrant la possibilité de se sortir de bien de mauvais pas. Intuitif et prenant, le gameplay de Spartan pourra donc facilement vous charmer, même s'il apparaît comme très limité sur le long terme.
Effectivement, et c'est d'ailleurs une étrange surprise, il est impossible de choisir son équipement avant de pénétrer au sein d'un chapitre, ce qui réduit de manière plus significative la stratégie à adopter. Par extension, on ne voit du coup pas spécialement l'intérêt de proposer des pouvoirs diversifiés s'il n'est pas permis de définir soi-même son approche d'un niveau. On est alors définitivement forcé de se rabattre sur son armure et son arme par défaut, imposées par le jeu, ce qui ne manque pas de provoquer une intense frustration et un sentiment de cloisonnement. Une lacune qui aurait pu passer inaperçu si seulement la caméra n'était pas venue nous rappeler tendrement l'importance de posséder un gameplay global de qualité dans le domaine très concurrentiel du jeu d'action. Effectivement, résistant à toute envie de replacement automatique ou même rapide, cette dernière ne suit jamais véritablement l'action, se plaçant devant vous lorsque vous souhaitez rejoindre le premier plan, et se bloquant sans cesse dans les murs et murailles. Il est bien possible de régler la hauteur afin d'éviter ce genre de désagrément, mais on ne peut plus alors profiter pleinement de la rage du combat. Un déséquilibre manifeste qui se reflète admirablement sur l'aspect graphique du titre. Enchaînant avec avidité paysages vides aux textures assez mal définies et décors détaillés vecteurs d'une ambiance enchanteresse, Spartan surprend et déçoit à la fois, dans un climat de frustration globale. Toutefois, et à l'image de son collègue asiatique Dynasty Warriors, le soft de Sega peut se targuer de posséder un moteur capable d'afficher sans heurt une cinquantaine d'intervenants, soutenus par moult explosions impressionnantes, ainsi qu'une animation convaincante. Un tour de force qui empiète visiblement bien trop sur les capacités générales du soft. Au final, Spartan Total Warrior conserve tout de même un degré d'appétence assez élevé, réussissant le pari intéressant de nous maintenir dans sa mythologie par le biais de son ambiance et de son souffle épique. Certainement limité, répétitif et parfois énervant, voilà tout de même un jeu efficace, sorte de série B sympathique que l'on goûte une petite fois avec délice. Une sorte d'adaptation de l'Odyssée réalisée par un Paul Anderson motivé.
- Graphismes14/20
Assez déséquilibré au niveau graphique, présentant des environnements tantôt empreints d'une ambiance fascinante, tantôt vides et peu détaillés, Spartan ne tire pas vraiment partie des possibilités de la Xbox. Néanmoins, il reste honnête, parvenant tout de même à afficher des dizaines de soldats enragés au creux d'effets de fumée et de lumières divers sans aucun ralentissement. De plus l'animation reste convaincante et relativement réaliste.
- Jouabilité13/20
Les commandes se prennent aisément en main, aboutissant à un gameplay intuitif, prenant, basé sur des enchaînements simples et rapides et l'utilisation de pouvoirs destructeurs. Malgré tout on regrette sincèrement l'aspect limité de la progression, et la pauvreté relative à la gestion du personnage. D'autre part, vos compagnons ne vous seront pas d'une grande aide, dirigés par une I.A qui n'a d'intelligence que le nom. Voir son armée se jeter dans les flammes reste toujours surprenant.
- Durée de vie14/20
Doté de missions particulièrement longues, et de nombreux chapitres, Spartan vous tiendra en haleine une bonne dizaine d'heures, d'autant plus que son scénario est assez agréable à suivre. Néanmoins pouvant se révéler lassant sur le long terme, le titre de Sega réfrénera peut-être vos ardeurs quelques fois. A noter que si vous désirez changer de style, vous pouvez toujours participer aux combats d'arènes, peu passionnants, mais défoulants.
- Bande son15/20
Les compositions prenant place dans le soft, épiques et se mariant particulièrement bien à l'ambiance et à l'action, demeurent éminemment bien orchestrées. Mêlant divers genres musicaux, allant d'influences classiques à des sonorités plus rock, la bande sonore tient lieu de véritable motivation. Le doublage français quant à lui n'est pas très inspiré, à l'inverse des bruitages, dépeignant une certaine puissance et restant de qualité.
- Scénario/
-
Mêlant histoire et légendes gréco-romaines, Spartan possède un background particulièrement accrocheur, laissant libre cours à des interprétations fantaisistes mais s'incrustant assez bien dans la trame générale. Epique, très accessible et dynamique, le titre de Sega pèche néanmoins dans les domaines graphiques et techniques. Avec un peu plus d'imagination et des schémas de jeu plus développés, Spartan aurait pu faire bien plus de chemin. Espérons qu'un prochain volet aille au bout de cette quête homérique.