Vous tripez comme un fou sur les journaux de Jean-Pierre Pernaut ? William Leymergie est votre gourou télévisuel ? Alors Michigan n'est absolument pas fait pour vous. Par contre, si vous pensez que tout ce qui est dit dans le journal de France 2 est vrai et que vous êtes intimement persuadé que TF1 produit des émissions de qualité, vous pouvez vous arrêter quelques instants pour lire ce test garanti sans trucage.
Il est désormais acquis que quand la télévision Grand public parle de jeu vidéo, il y a 95% de chances que nous ayons droit à une avalanche de psychologues, mères de famille en colère ou prétendus spécialistes du genre (comprenez par là, une personne de plus de 50 ans qui a fait de hautes études et qui connaît assez bien Pong) qui vont nous rabâcher que ce loisir n'est pas vraiment sérieux. La violence, le sexe, les propos choquants, c'est bien connu que tout ceci fait depuis longtemps partie intégrante de l'univers de Mario, Kirby ou du prochain Nintendogs qui devrait franchir un palier dans le malsain... Non franchement, faire sautiller son piti chien en lui soufflant des bulles de savon sur le visage est aussi immoral que de lire un article de Télérama en espérant y trouver une bonne critique d'un film de genre. Sans vouloir relancer le débat, il est certain que Michigan est un exemple intéressant dans le sens où il s'attarde sur la vie d'un cameraman qui va pouvoir choisir (ou non) de privilégier les scoops au détriment de la sécurité de ses petits camarades de jeu. Bien sûr, il conviendra de ne pas généraliser la situation (même si c'est très tentant, surtout au regard de certaines émissions racoleuses et "lobotomisantes" du PAF) mais on peut malgré tout y voir une sévère critique vis-à-vis des médias qui optent souvent pour la surenchère. C'est en quelque sorte le serpent qui se mord la queue ou comment pointer du doigt en étant soi-même coupable. Michigan : Report From Hell dispose donc d'un concept novateur, à même d'égratigner un système hypocrite qui prône l'éveil de nos enfants en les mettant en garde contre un univers de pixels malfaisants.
Tout commence dans la ville d'Al Capone, aux abords du lac Michigan plus précisément. Vous êtes un cameraman de Zka TV qui va devoir enquêter avec son équipe sur un mystérieux brouillard ayant subitement envahi Chicago. En plus de découvrir le fin mot de l'histoire, votre but va être de surmonter les obstacles entravant votre route tout en essayant d'obtenir des scoops pour votre chaîne. En voilà une idée très originale à même de donner à ce petit survival-horror une réelle identité. Voici donc pour le constat de départ... frustrant que la suite soit bien moins excitante. En fait, si on ne s'étend pas sur la déplorable qualité graphique ou le gameplay maladroit, on se dit que Spike a malheureusement mésestimé le potentiel de son jeu. Avec un tel concept de base, les développeurs auraient certainement pu concevoir quelque chose de très novateur ou du moins de beaucoup plus intéressant. Au lieu de ça, on se retrouve devant un ersatz vidéoludique du Projet Blair Witch ou de la série FreakyLinks, qui manque de peps pour satisfaire le journaliste qui sommeille en vous. En somme, vous allez simplement devoir bouger votre popotin pour suivre gentiment une reporter Top Model, seule personne à pouvoir interagir avec divers éléments. D'un côté, cette absence de véritable interaction n'est pas un vrai problème en soi mais ce qui l'est davantage vient de la recherche de scoops, complètement sous-exploitée.
Pour résumer, voici grosso modo comment se déroulera votre aventure. En tant que cameraman, vous ne ferez que tenir la caméra. Brisco, un ingénieur du son, sera là pour vous épauler en vous donnant des informations alors qu'une reporter cherchera par tous les moyens à clarifier la situation en essayant de découvrir ce qui se passe à Chicago. Si vous avez la possibilité de vous balader librement pour découvrir différents indices, on ne peut que reprocher au gameplay une extrême lourdeur passablement irritante. De ce fait, lorsque vous voudrez enquêter, vous devrez obligatoirement balader votre objectif sur tous les objets qui vous entourent pour savoir lesquels d'entre eux pourront vous donner des éléments de réponse. Ceci se caractérisera par un point jaune qui vous indiquera sur quels éléments zoomer afin d'obtenir des infos. Jusque là, rien de bien grave sauf qu'à chaque fois que vous voudrez par exemple ouvrir une porte, vous devrez également faire le point sur celle-ci pour que la reporter vienne à votre rencontre afin de l'ouvrir. Enfin, il conviendra de faire attention aux bornes de reportage sur lesquelles la journaliste s'arrêtera de temps en temps. Ces bornes (ou cercles) peuvent être de 4 couleurs différentes, représentant chacune une action à effectuer. Les cercles rouges seront synonymes de scènes importantes qui feront avancer le reportage alors que les blancs vous informeront que le reporter est arrêté tant que vous n'aurez pas trouvé un objet spécifique. Restent les bleus qui indiquent des embranchements et les verts pour les points de passage. C'est un peu confus comme explication mais je vous rassure, ça l'est tout autant dans le jeu, du moins pour les deux derniers cercles évoqués.
Ensuite, lorsque vous serez confronté à des ennemis, vous devrez une fois encore utiliser votre caméra pour visualiser un point rouge et appuyer sur la touche d'action pour que le reporter tire sur le monstre. En définitive, la jouabilité peine à convaincre et on est vite déçu par le manque de possibilités. En fait, la façon dont vous filmez importe peu et vous aurez uniquement droit à un récapitulatif de points (d'audimat ?) à la fin des niveaux. D'ailleurs en parlant de ça, il eut été beaucoup plus ingénieux de créer un système basé sur la relation entre les images filmées et l'évolution d'audience en temps réel, un peu à l'image du mini-jeu de la fanfare de Final Fantasy VII. Néanmoins, quelques petites idées viennent rompre la monotonie ambiante. Ainsi, vous pourrez engranger des points de suspense ou d'érotisme en fonction de ce que vous filmerez. Ok, encore, une fois lesdits points de scoop ne servent qu'à augmenter votre score mais il est assez drôle de pouvoir être le témoin de scènes insolites ou légèrement sulfureuses. Vous aurez aussi le choix de faire preuve d'immoralité lors de certaines séquences. Durant celles-ci, vous serez le témoin d'événements sur lesquels vous pourrez, ou non, influer. Il ne tiendra alors qu'à vous de pousser votre reporter préférée (grâce à une pression sur la touche L2) pour éviter qu'elle ne se fasse piquer par une araignée, écraser par un bloc de béton, etc. Ceci dit, vous manquerez là une bonne occasion de réaliser un scoop. Par contre, n'oubliez pas que la suite du jeu dépendra énormément de ces actions vu qu'elles pourront entraîner la mort d'une reporter. Mais pas de panique, vu que pas moins de six journalistes (20 à 25 ans, mensurations : 88.61.89) prendront la relève en fonction des décès prématurés de leurs charmantes collègues.
En fin de compte, que vaut Michigan : Report From Hell ? Eh bien pas grand-chose. Le gameplay est éculé, l'idée de départ est sous-exploitée, le chapitrage du jeu nuit gravement à l'immersion et les énigmes sont faiblardes. De plus, mention spéciale aux graphistes qui nous ont pondu une 3D poussiéreuse et des décors datant de Mathusalem. Les scènes se répètent à l'infini (le passage de la baignoire visible deux fois à 5 minutes d'intervalle) et il est rageant d'être bloqué à cause d'une jouabilité maladroite. Je pense ici aux objets à trouver, parfois même aux pieds des reporters qui ne semblent pourtant absolument pas les voir. Les développeurs auraient tout de même pu gommer ces imperfections qui flinguent complètement l'ambiance. Enfin, on a beau nous annoncer une durée de vie de 15 heures (mouais, j'ai un léger doute là-dessus) et cinq fins différentes, si le jeu se résume à cadrer une porte ou un piano pour faire avancer l'histoire, l'intérêt en prend un sacré coup. Allez hop, direct au zapping !
- Graphismes8/20
Je veux bien que la ville de Chicago soit plongée dans le brouillard mais ce n'est pas une raison pour que chaque plan soit si épuré. Les intérieurs comme les extérieurs sont dépouillés, on note des traces de clipping (malgré la présence du brouillard !!) et hormis les personnages bien modélisés, c'est un peu la misère.
- Jouabilité11/20
Vous n'avez pas d'inventaire à gérer, pas de barre de vie (vous vous faites toucher par un monstre, vous mourez) et vous ne pouvez pas interagir avec les objets. Vous devrez par contre utiliser votre caméra pour zoomer sur des éléments afin de trouver des indices ou pour faire en sorte que les reporters ouvrent des portes. Très lourd sur le long terme, le gameplay n'offre que peu d'originalité, ce qui est paradoxal vu le concept du jeu.
- Durée de vie12/20
D'après le manuel, une quinzaine d'heures. Suivant les actions que vous effectuerez, ou non, les reporters passeront de vie à trépas et vous pourrez obtenir plusieurs fins. Les énigmes sont malheureusement très basiques et la difficulté se résume à faire le point sur un objet pour que votre journaliste préférée l'utilise.
- Bande son8/20
Le doublage américain est catastrophique, du moins en ce qui concerne certaines reporters, mais les musiques d'ambiance rattrapent un peu le tout.
- Scénario11/20
Difficile de noter car je n'ai pas encore terminé le jeu mais a priori le scénario n'est pas très élaboré. Quelques monstres "Lovecraftesques", un brouillard mystérieux, une ville de Chicago vidée de ses habitants (pratique pour ne rien afficher à l'écran), voilà de quoi est faite l'histoire de Michigan.
Se balader dans la peau d'un cameraman à la recherche du scoop perdu était une très bonne orientation pour se démarquer du lot des survival-horror actuellement disponibles. Dommage que Spike ait sous-exploité l'idée principale en réduisant son jeu à un simple titre sans grande envergure. Un gameplay souffreteux, des graphismes déprimants et des situations qui se répètent à l'infini finiront de vous convaincre de passer votre chemin. Reste que TF1 ou M6 pourront sûrement y trouver un quelconque intérêt en vue d'une prochaine émission sur les 100 meilleurs survival-horror basés sur les questions d'éthique.