Dans le royaume de Potencie, vivait un légendaire guerrier du nom de Daniel Fortesque. Aussi grand qu'une montagne, aussi fort qu'un taureau, l'oeil vif, les mains expertes dans le maniement de l'épée, ce héros inébranlable faisait trembler ses ennemis rien que par son nom. Comme toutes les légendes, une part de véracité côtoie une part de mensonge, bien que les habitants de la bourgade susnommée ne cessent de clamer que leur chevalier reviendra un jour pour pourfendre celles et ceux qui ont osé douter de sa puissance. Mais il est maintenant trop tard pour reculer car Sony vient à nouveau d'ouvrir son poussiéreux grimoire qui recèle dans ses pages la vérité absolue, celle qui doit être racontée… cette fois sur PSP.
Si vous tendez l'oreille, vous pourrez sans doute entendre ses os produire des cliquetis macabres. Si vous écoutez encore un peu mieux, ce seront les sons dispendieux de son armure brinquebalante qui arriveront à vos esgourdes. Ca y est, il est de retour, le chevalier est revenu d'entre les morts, il est là, à vous scruter de son regard torve, son orbite vide étant aussi expressive qu'un poisson qui a passé l'arme à gauche. N'allez pas croire pour autant que Dan Fortesque n'est qu'un squelette de plus destiné à amuser les foules, non ! Malgré le fait que tout ceci ait un air de déjà-vu, Daniel ne semble pas plus affecté que cela que nous ayons appris la terrible vérité sur PSone... La terrible vérité concernant sa couardise, son manque de hardiesse et de chance qui lui vaudra d'ailleurs une flèche dans l'oeil lors d'une bataille qui sera pour lui synonyme d'aller simple au cimetière. Enfin, aller-simple, c'est vite dit car c'était sans compter le dénommé Zarok, le terrible sorcier du coin, qui n'a rien trouvé de mieux que de réveiller les morts pour régner sans partage sur la région. Le tout vous dit quelque chose ? C'est normal, car voici le pitch de départ de Medievil PSP qui n'est autre que le remake du premier volet sorti il y a de nombreuses années sur la Playstation première du nom.
Bien que Medievil n'ait eu droit qu'à deux épisodes, il jouit d'une grande renommée dans notre microcosme vidéoludique. Les raisons de ce succès sont nombreuses et si la saga perdure encore aujourd'hui par le biais de la PSP, ce n'est pas innocent. Pourtant, reconnaissons que ce n'était pas gagné d'avance puisque Medievil 2 n'avait pas vraiment réussi à retranscrire avec autant de panache que son grand-frère ce monde de chevalerie, fief d'un humour omniprésent qui fit tout le succès du premier opus. Quoiqu'il en soit, le matériau de base était si riche, si dense, qu'il était presque indécent de ne pas utiliser cet univers proche de celui de Tim Burton, des Monthy Python ou encore de Terry Pratchett. Bien qu'on puisse un peu regretter que la version PSP ne soit qu'un copier/coller du premier épisode, le bonheur de retrouver Sir Fortesque balaie tout sur son passage. Quelle émotion de ressentir cette excitation macabre, quel plaisir de diriger à nouveau cet anti-héros aussi fragile qu'une poupée de verre, quel bonheur d'assister à ces aventures loufoques où la Mort elle-même se plaint de ne plus avoir de boulot ! Oui, Medievil est un monument qui méritait, tout comme son personnage central, de revenir à la vie.
Ce qui fait également la force de cette adaptation est qu'elle s'adresse aussi bien à ceux qui n'ont jamais eu la chance de diriger un tas d'osselets armé d'une massue, qu'aux fans de la première heure. Pour ce faire Sony a gambergé et tout en profitant des capacités de sa console, a fait en sorte que tout le monde y trouve son compte. Ainsi, si on retrouve toujours une aventure qui ne se prend jamais au sérieux, nous avons cette fois droit à 7 mini-jeux bonus jouables en solo ou à plusieurs via le Wi-Fi. C'est donc sous des noms aussi terribles que Le gardien de la cloche, La fosse de la mort, Le délice du berger, le Cogne Zarok, que vous allez pouvoir souffler entre deux pérégrinations dans les plaines de Potencie. Un petit plus non négligeable qui vient renforcer la durée de vie d'un titre déjà fort honnête de ce point de vue-là. C'est d'autant plus vrai que lesdits mini-jeux vous feront gagner des sous et des jetons qui vous seront bien utiles lorsque vous aurez quelques achats à faire durant votre périple. Pour finir sur ce point, je précise que vous pourrez débloquer les challenges une fois que vous y aurez joué dans la foire dans le cadre de l'histoire principale. Par la suite, vous pourrez vous adonner aux joies du tir à l'arc sur des cibles en carton, écrabouiller des rats grâce à une masse géante, combattre dans une arène, etc. Certes, tous les jeux, qui disposent chacun de plusieurs défis, ne sont pas aussi fun les uns que les autres mais c'est tout de même bon à prendre.
Ouvrons à présent notre incunable pour voir de quoi il en retourne. Tout commence dans la crypte de Daniel Fortesque où un génie à l'accent italien résidant dans votre crâne va vous renseigner sur la situation. Ce sera aussi l'occasion de faire ami-ami avec le gameplay. Votre nécropole vous servira également à consulter une carte de la Potencie, à lire des informations sur les monstres rencontrés ou à parcourir le journal intime de Dan. Une fois que vous vous sentirez suffisamment aguerri et que vous vous serez muni d'une épée, il sera temps de sortir de votre palace pour vous jeter corps et âme dans l'aventure. Si à première vue, Medievil Resurrection semble être un jeu d'aventure/action assez linéaire, sachez que vous devrez faire quelques allers-retours entre les différents lieux qui s'offriront à vous sur la map. Néanmoins, ces va-et-vient ne sont pas nombreux et le cheminement reste très fluide. La construction mélangera des phases d'action qui se partageront la vedette avec des énigmes éparses qui vous demanderont la plupart du temps de trouver des artefacts pour ouvrir des grilles. C'est ainsi que vous devrez visiter un univers enchanteur pour dénicher tous les secrets enfouis dans les terres magiques bordant votre mausolée.
Magique, le mot n'est nullement galvaudé à quelque niveau que ce soit. Tout dans Medievil respire la magie, que ce soit dans ses graphismes aux couleurs bleutées, dans sa bande-son aux sonorités envolées ou dans sa jouabilité parfaitement calibrée. L'alchimie entre ces trois aspects nous donne presque l'impression de tourner les pages d'un conte dont nous sommes bel et bien le héros. Si les noms de Tim Burton et Dany Elfman devraient revenir dans la plupart des textes rattachés à Medievil, ce n'est pas un hasard. Il est même évident que les développeurs ont dû revoir la filmographie complète du cinéaste américain et réécouter tous les scores de son troubadour attitré. En ressort un monde homogène où coexistent sorciers, zombies et héros déglingués qui bougent au rythme de partitions proprement hallucinantes. Comment, alors, ne pas succomber aux montées en puissance des cuivres qui sont soutenus par des chants féminins donnant une ampleur magistrale à la moindre de vos actions ?! D'ailleurs les magnifiques thèmes trouvent une résonance dans le doublage français absolument parfait qui témoigne du travail acharné de doubleurs chevronnés. Les voix sont exquises, connues pour la plupart d'entre-elles, et apportent fraîcheur, gaieté et auto-dérision à l'ensemble. Face à cette qualité sonore, le graphisme 3D ne dépareille pas. On remarque de petits ralentissements quand les éléments à afficher s'amoncellent mais c'est à peine perceptible et surtout très relatif comparé à la richesse des décors qui ne lésinent pas sur les châteaux hantés, les cimetières, les plaines perdues dans la brume...
Quand on parle de 3D dans un jeu vidéo, on pense généralement au mot "caméra". Je vous rassure, cette dernière est bien gérée dans Medievil. On eut apprécié une vue un peu surélevée pour mieux anticiper certains sauts mais ce n'est pas bien méchant. En somme, la visibilité ne souffre pas de gros défauts et vous pourrez toujours recentrer l'objectif par une brève pression sur le bouton R. Les combats, eux, ne sont pas trop brouillons mais vous devrez parfois composer avec une vue un peu trop rapprochée pour éradiquer tout ce qui bouge autour de vous. Medievil étant un jeu assez difficile, prenez donc le temps de choisir vos armes avant une rixe, surtout contre les boss. Il sera aussi intéressant d'aller acheter des potions ou de faire réparer votre bouclier chez les gargouilles qui font office de marchands. En parlant d'armes, sachez que vous en trouverez de mêlée ou de jet. Ensuite c'est en passant par un menu d'inventaire que vous pourrez opter pour des dagues, une arbalète, un arc, une hache, un marteau, etc. Bien que certaines armes soient destructibles, vous pourrez toujours en acquérir de nouvelles en fouillant un peu dans les niveaux. Mais ce n'est pas tout puisque vous aurez aussi pour mission de récupérer 15 calices. Une fois que vous aurez l'un d'entre eux en votre possession, vous devrez encore tuer assez d'ennemis pour remplir votre coupe à 100%, ce qui vous ouvrira alors en fin de stage la porte du Panthéon dans lequel des héros de l'ancien temps vous offriront de précieux cadeaux.
Armé de tous ces trésors, vous pourrez prouver votre valeur en chargeant comme une brute grâce au bouton Triangle, vous protéger en appuyant sur le bouton L et alterner attaque lente, rapide ou surpuissante pour terrasser vos ennemis. Faites tout de même attention à votre jauge de vie qui se videra rapidement si vous veniez à vous faire toucher par plusieurs adversaires à la fois. Vous aurez par la suite, la possibilité d'obtenir d'autres fioles d'énergie qui viendront augmenter votre vitalité mais dans tous les cas, prudence est mère de sûreté. Ne foncez jamais tête baissée, analysez bien votre environnement pour découvrir des items cachés et essayez autant que faire se peut de n'affronter qu'un seul monstre à la fois. Bien entendu, les boss et certains passages bien corsés mettront vos nerfs à rude épreuve mais n'est pas chevalier qui veut. Daniel a beau s'exprimer par borborygmes incompréhensibles, il n'en reste pas moins le seul et unique espoir de la Potencie. L'histoire se répète, mais le plaisir également. Bienvenue dans le vingt et unième siècle Dan et que ta légende perdure par delà les sarcasmes moqueurs. La PSP cherchait un héros, elle a trouvé un sac d'os... mais un sac d'os qui donne vie à une fresque épique, drôle, irrévérencieuse et en tout point attachante.
- Graphismes17/20
Les décors sont très inspirés et rappellent l'atmosphère éthérée de Sleepy Hollow, ou celle plus déglinguée de Sacré Graal. Les gammes de couleurs utilisées sont assez froides mais donnent à l'ensemble une ambiance de conte horrifique. Cette sensation est également due à son héros attachant ainsi qu'à ses rencontres qui vont du génie sarcastique à la Gargouille moqueuse sans oublier la Mort qui se lamente. Le bestiaire est assez hétérogène mais reste dans le ton avec ses morts-vivants, ses sorciers, ses loups affamés...ou ses moutons tout droit sortis du studio Aardman.
- Jouabilité15/20
Bien que la caméra soit placée à bonne distance de Dan, on aurait apprécié qu'elle soit légèrement surélevée pour mieux appréhender les pièges ou les passages de plates-formes. Cependant, le bouton L vous permet de recentrer l'objectif et malgré quelques ralentissements, vous n'aurez aucun mal à diriger Sir Fortesque, surtout au pad analogique qui est beaucoup plus précis que la croix directionnelle. L'inventaire est clair, rapidement accessible et les nombreuses armes et mouvements offensifs permettent de ne pas trop se répéter durant les combats.
- Durée de vie13/20
L'aventure est assez linéaire puisque vous évoluerez tout d'abord sur une map d'où vous aurez accès à tous les niveaux. Après, le jeu est plutôt difficile et récolter tous les calices vous demandera un bon sens de l'observation et une parfaite maîtrise des parades et attaques. En sus, Sony nous offre 7 mini-jeux qui sans être extrêmement fun, allongent un tant soit peu la durée de vie, surtout si vous trouvez un ami pour vous affronter en Wi-Fi.
- Bande son18/20
Branchez vos écouteurs, poussez le volume et profitez comme il se doit des thèmes "Elfmanesques" du titre. La qualité de la composition est aussi impressionnante que l'orchestration, ce qui nous donne au final des cuivres puissants côtoyant des percussions marquées auxquels s'ajoutent des voix féminines qui accentuent l'atmosphère mystérieuse et vaporeuse du jeu. D'autant plus remarquable que le doublage français est excellent, les doubleurs professionnels ayant réalisé un boulot monstrueux.
- Scénario15/20
Le scénario reprend les grandes lignes du premier Medievil et certains dialogues sont à ce point bien écrits et parfaitement joués qu'ils vous décocheront de véritables éclats de rire. Pensé comme une parodie des contes de chevalerie ou des films d'horreur néo-gothiques, le titre de Sony Cambridge ne tombe jamais dans la surenchère potache et se montre très respectueux de ses influences. Le résultat final est éblouissant, décalé, ingénieux et surtout très drôle.
C'est sûr, il y a bien quelque chose après la mort et si Daniel Fortesque se montre un guide un peu paumé, naviguer en sa compagnie entre le royaume des vivants et celui des défunts est un vrai bonheur. A l'heure actuelle, Medievil est sans doute un des softs PSP qui intègre le mieux une réalisation technique incroyable à un plaisir de jeu constamment renouvelé. Bourré d'humour et ne se prenant pas le moins du monde au sérieux, ce titre revisite les épopées chevaleresques à la manière d'un Burton ou d'un Pratchett. Sept ans après sa première excursion sur PSone, le squelette maladroit refait parler de lui et tout en tentant de conquérir un nouveau public, montre avec brio que les anti-héros n'ont jamais froid...à l'oeil.