Les démons de Torque s'envolaient au gré de son évasion. Pris dans les embruns laissés par le bateau à moteur vrombissant, ces derniers regardaient leur hôte s'éloigner paisiblement, en route pour un univers dans lequel rien ne pourra l'éloigner du souvenir de sa famille. Pourquoi fallait-il que ce soit lui qui vive cela ? Pourquoi s'était-il senti totalement coupable, et pour quelles raisons avait-il laissé cette créature prendre le contrôle de ses émotions ? C'est à ces questions que Torque tente de trouver une réponse. Lorsque le fil de son futur s'émousse et que l'attente n'amène rien, c'est vers le passé que ce dernier se tourne. Peut-être que le dénouement se trouve dans des souvenirs masqués par les ombres de ce monstre incontrôlable ? Malheureusement, il fallait encore subir ces souffrances pour progresser.
Débutant immédiatement après la fin du premier épisode, The Suffering deuxième du nom met en place une continuité scénaristique relativement intéressante, introduisant nombre de nouveaux personnages, et octroyant un rôle bien plus important à ceux restant. De ce fait, les nombreuses zones d'ombre cantonnées dans les méandres de l'existence de Torque commencent à se complaire dans un éclairage diffus, sans pour autant renier leur obscurité natale par le biais de révélations soulevant encore davantage de questionnements. Fort heureusement, le lien se fait avec brio et l'on ne perd pas la direction des routes tortueuses empruntées par la trame du soft. Débutant par un flash-back retraçant une journée où tout bascula dans la vie de Torque, ainsi que dans celle d'un de ses amis, nommé Miles, The Suffering 2 ouvre avec violence et cruauté une ode à la noirceur dont les rouages n'ont rien à envier aux univers inquiétants et sales de Silent Hill. Peuplé de décors purulents, gorgés de sang, et surtout accusant les témoignages d'atrocités commises par des êtres incarnant la perversité, le monde de The Suffering s'apparente à une sorte de gangrène tenace s'étendant lentement dans les esprits et la matière. Une déliquescence complète des bases de l'humanité, plongeant cette dernière dans ses tourments et ses turpitudes les plus noires, reléguant la morale et les principes de vie à de vulgaires chimères surpassées par la survie et la folie. Dans ce contexte, seuls les hommes détachés de l'horreur et du macabre peuvent espérer imposer leur pulsion de vie, laissant de côté les faibles et les malades. Ces monstres sont-ils un message, offrant enfin une vision brute de l'être humain ? Ce sont plutôt de simples armes organiques, destinées à tuer et certaines de la légitimité de cette mission. Des forces qui avancent sans se soucier du temps, du lieu, ou de n'importe quel droit ou devoir. Et c'est à vous qu'il incombe de mettre à bas cette puissance d'annihilation sans commune mesure.
En effet, notre ami Torque est une nouvelle fois au coeur des aspirations du Docteur Killjoy, décidément particulièrement coriace. Agissant comme une sorte de dieu de l'Olympe, vous guidant mais se servant également de vous comme d'un souffre-douleur désigné d'office comme une espèce de favori doublé d'un sujet d'expérimentation, il sera également celui qui vous conduira au creux de votre mémoire. C'est en effet en ce lieu malsain que réside votre vie et les interactions ayant conduit à une telle dégradation de votre condition. De même, lors de vos errances dans les rues de Baltimore, vous serez sans cesse traumatisé par les apparitions de votre femme ou de vos enfants, tantôt compréhensifs, tantôt violemment aigres, ainsi que par celles d'un certain Blackmore, que les connaisseurs du premier épisode doivent sans doute connaître. C'est effectivement cet homme étrange, curieusement impliqué dans la construction de votre vie, et par-dessus tout dans l'apparition de créatures cauchemardesques peuplant les rues, qui jouera avec vos sentiments durant l'ensemble de votre quête. La ville de votre pêché premier semble raviver des réminiscences antérieures qu'il aurait peut-être été plus avisé d'enfouir au plus profond de soi. Torque souffre mais avance, il veut savoir et connaître le calme. Et à la vue de la construction du jeu, on peut dire qu'il l'a presque trouvé. Suivant pas à pas le schéma de l'opus précédent, le titre de Midway se contente de redonner à ses convives un menu quasiment identique. Du système de traumatismes visuels, à la gestion des armes, jusqu'au caractère du gameplay, et en passant par une élaboration du scénario assez chaotique, The Suffering réutilise lestement et à l'identique les points forts et faibles de son petit frère. Après quelques heures de jeu, et en cherchant bien une quelconque différence formelle, on remarque simplement la disparition de la possibilité de se soigner lorsqu'on le désire grâce aux bouteilles de Xombium, ainsi que la mise à jour des armes proposées avec la venue de certaines armes automatiques autrefois absentes.
Bien peu d'innovations pour combler un joueur avide de découvertes, ce qui ne serait pas vraiment dommageable si le titre était vierge de tous défauts, mais ce n'est pour l'instant pas le cas. En effet, même si l'aspect graphique a évolué de manière probante, présentant des textures bien plus fines et des animations décomposées idéalement, on ne peut pas dire que le tout soit foncièrement du niveau des dernières productions Xbox. D'autre part, cette version preview comporte de nombreux bugs au niveau des ombres des personnages secondaires, ainsi qu'un énorme écueil au début de l'aventure lorsqu'un détenu doit normalement vous ouvrir une grille et qu'il arrive assez souvent qu'il ne le fasse pas, vous obligeant à redémarrer la mission. Un problème sûrement lié au fait que le soft ne soit pas finalisé, mais qui refroidit nettement pour la suite du jeu. Enfin, on note toujours une approximation assez présente dans les déplacements de Torque, surtout lorsque l'on désire évoluer en utilisant la vue externe. Ce dernier semble connaître des difficultés à se retourner rapidement et la caméra perd souvent le fil de l'action. Fort heureusement, l'ambiance rehausse tout de même l'expérience, offrant un background hautement malsain, bardé de violence gratuite, d'environnements inquiétants et insalubres, et de créatures défiant les limites de l'imagination cauchemardesque. Bien plus choquant que l'original par l'évolution nette de l'ambiance sonore oppressante, percée de cris terrifiants et de "situations auditives" laissant entrevoir les pires sévices, cette suite sanglante atteint parfois un niveau relativement insoutenable. On aboutit de ce fait parfois à une telle surenchère d'horreur visuelle et physique que l'on passe complètement à côté du fantastique horrifique et justement de l'ambiance. A trop vouloir en mettre, on finit par masquer l'intérêt par du vent. Un vent, certes épais et pourpre, mais un vent tout de même. Si dans le premier opus, on pouvait aisément bâtir une réflexion entre le contexte, la symbolique des créatures, et les messages sous-jacent, on se perd ici dans une gratuité un peu dérangeante. Dommage. Néanmoins espérons que les quelques lacunes présentées ici seront gommées d'ici la sortie et nous pourrons alors bénéficier d'un soft à la hauteur de l'original. C'est pas tout ça, mais j'ai l'histoire de Torque à éclaircir.