Dans le monde cruel des vers de terre la seule solution à un problème reste une violence sourde et surtout purement gratuite. A les voir se dandiner péniblement à l'air libre, on ne croirait jamais que ces êtres sont d'infâmes petits tortionnaires en puissance n'attendant qu'un moment de faiblesse pour agir avec une fourberie rarement atteinte. Qui aurait osé se figurer que des invertébrés puissent être les détenteurs d'armes aussi destructrices que des lance-roquettes, des fusils à pompe ou encore des grenades à fragmentation. Et cela n'est pourtant que la partie émergée d'un iceberg de feu et de fureur. Que nous réservent-ils ? S'attaqueront-ils à nous lorsque leur population ne sera plus assez nombreuse pour déclencher une guerre ? Prions pour que ce jeu ne soit justement qu'une chimère.
Soucieux de fêter dignement leur dixième anniversaire, les vers de terre plutôt agressifs de Worms se parent de l'habit classieux de la 3D afin de marquer définitivement leur évolution. Déjà habitués à une telle parure depuis Worms 3D, ces derniers ont décidé, après un massacre en bonne et due forme remplaçant une réunion amicale, de remettre un tantinet leur nouvelle apparence au goût du jour dans le but de charmer l'adversaire pour mieux le terrasser. C'est donc chose faite avec ce Worms 4 tentant de réconcilier les fans avec la nouvelle direction opérée par la série. En effet, que ce soient Worms 3D ou Worms Fort, aucun des successeurs polygonés de l'excellent World Party n'est parvenu à réintroduire dans nos esprits malades les perversités effrayantes émanant de celui-ci. Ce plaisir malsain prit à réduire à néant son adversaire avec un tapis de bombes, à l'aide de l'âne de béton, voire même de l'explosion nucléaire confinait au délire. Chaque action faisait monter des sursauts de terreur, provoquait une tension sans égale. Où cacher mon unité restante ? Comment résister à des assauts successifs et dévastateurs ? De quelle manière utiliser cette satanée "corde ninja" ? Voici les questions que se posaient et se posent encore les jeunes gens s'évertuant à détruire des collines et des objets divers dans des environnements totalement loufoques. C'est donc cette ambiance de haute folie que tout un chacun s'attend à retrouver, voire à découvrir dans ce nouvel opus de la saga souterraine de Team 17.
Heureusement, le contrat tacite est relativement bien rempli. Tout d'abord, et au chapitre des nouveautés, on remarque une réelle volonté du studio à tenter d'approfondir, non pas le fond de son titre, mais surtout les petits détails, aboutissant à la longue à un ensemble cohérent et éminemment varié. Si vous pensiez connaître toutes les facettes des Worms, laissez-moi vous dire que vous risquez de connaître un sort funeste. C'est donc avec méfiance que l'on se doit d'observer le travail des ces animaux terrifiants. Maîtres des technologies les plus poussées, nos amis ont mis au jour une technologie leur permettant de gérer la construction de leurs propres armes dans le but d'être bien plus efficaces. C'est donc à vous désormais de prendre en main cette manne scientifique. Par le biais de différentes pièces, correspondant aux parties principales des divers outils offensifs du soft que vous devrez associer relativement librement, il vous sera possible de mettre au point vos rêves les plus fous. Une fois que vous aurez défini le type de munitions et les grandes lignes de l'utilisation de votre bijou, vous aurez enfin l'occasion d'expérimenter ce dernier sur vos confrères malheureusement présents sur le champ de bataille. Une idée sympathique, qui, si elle fait un peu gadget, donne pourtant accès à une partie "créative" délassante. D'autant que vous avez toujours la possibilité de customiser entièrement vos équipes de leur nom à leur voix, en passant par leur apparence. Si votre fantasme guerrier prend les traits d'un viking à lunettes de soleil arborant une coupe "afro", vous trouverez dans Worms 4 la réalisation de cette utopie. Toujours dans le registre des nouveautés, voici l'apparition d'une sorte de mode Histoire offrant le loisir de délaisser un tant soit peu les affrontements sans signification pour se plonger dans un enchaînements de petites missions totalement insipides mais qui permettent de se familiariser avec le jeu et surtout de faire face à des situations particulières. Bien évidemment, ces dernières ne valent en rien le mode multi, mais elles octroient tout de même un nombre assez conséquent de pièces, nécessaires à l'achat de modes de jeu et de niveaux. En effet, Worms 4 se revêt d'une espèce de magasin dans lequel il vous faudra acheter certains composants du soft moyennant grande finance. Un principe quelque peu énervant, relativisé par la possibilité de récolter des deniers durant les matches simples en solo ou à plusieurs, mais utilisé de nos jours à outrance dans l'ensemble des "party-games". Serait-ce donc la pierre qui provoque la chute du ver ?
C'est effectivement ce que l'on pourrait se dire, mais il n'en est rien. En effet, une fois ancré dans le jeu, vous ressentirez aisément les sensations expérimentées lors de vos anciennes parties endiablées, charmés que vous étiez par la 2D appétissante du titre de Team 17. D'autant qu'il est enfin possible de viser correctement après les démonstrations un peu hasardeuses de Worms 3D et Worms Fort. Dans le même état d'esprit, le level-design est désormais bien plus aboutit, autorisant les stratégies les plus viles et surtout les placements sur des hauteurs vertigineuses favorisant d'une part le gameplay de par une ouverture à un plus grand nombre de choix de déplacements, et d'autre part conférant au soft une dimension spectaculaire bien plus poussée. Favorisés par des graphismes ronds et colorés, utilisant avec talent un cel shading proche de Wind Waker, ces remaniements importants offrent au joueur un degré d'immersion imposant, lui donnant accès à un plongeon au sein d'explosions magnifiques, de dégradations cataclysmiques et de meurtres froidement hilarants. Mais, car il y a un mais, la 3D peut aussi jouer de mauvais tours. En fait, et ce à l'image des deux épisodes précédents composés de polygones, Worms 4 souffre d'une caméra assez tatillonne, dont la raideur donne parfois l'impression de diriger un camion lancé, ainsi que d'une gestion des distances relativement fantaisiste. Les cartes de bataille sont bien trop étendues et l'agilité piteuse des vers ne rend pas les choses plus aisées. En effet, se rendre d'un point à un autre est parfois un véritable calvaire, ralentissant l'action et permettant à la lassitude de poindre à certains moments. Le seul remède à cela demeure une cure de Deathmatch, de Défense de Statue, ou encore de Survivant, trois des 5 modes multijoueurs par défaut. N'oublions pas que Worms 4 est avant tout axé sur ce principe et qu'il montrera son véritable visage dans ces seules conditions. Néanmoins, et contrairement aux volets 2D, il faudra se forcer quelque peu pour y pénétrer. Au final, ce nouvel opus des vers de terre de l'apocalypse s'avère suffisamment réussi pour plaire à un public large, grâce à ses remaniements intelligents, ses graphismes et son level-design original. Pourtant on peut se demander si la perte du dynamisme originel de cette série depuis quelques temps ne va pas rebuter un grand nombre d'adeptes. Un ver peut en cacher un autre.
- Graphismes14/20
Utilisant le légendaire procédé du cel shading, Worms 4 effectue un léger bond en avant par rapport à ses prédécesseurs adeptes de la 3D pure et dure. Bénéficiant d'effets d'explosions très bien rendues et d'attaques dévastatrices, ce Worms nouveau lorgne clairement vers un côté spectaculaire. A côté de ça, les décors, contrairement aux vers, s'avèrent assez vides et comportent certaines textures peu convaincantes.
- Jouabilité13/20
Un tantinet rehaussé par rapport aux volets précédents en 3D, la jouabilité demeure toujours un petit peu approximative, laissant une trop grande part à l'inertie. On me dira que c'est le style de Worms, mais cela pose tout de même certains problèmes indépendamment du style. De plus, le rythme de jeu se révèle assez lent et l'on se surprend même parfois à s'ennuyer. Pourtant le gameplay charme toujours autant et c'est un véritable plaisir de ridiculiser ses adversaires avec moults armes et coups de poing. C'est bon d'être vil.
- Durée de vie15/20
Clairement orienté multijoueur, Worms 4 joue à merveille sur ce plateau. Proposant de nombreux modes de jeu différents ainsi que des niveaux à la pelle, il est le parfait compagnon de soirées plus ou moins alcoolisées, même si ça fait un peu publicité de bas étages. Prenant, amusant et surtout renouvelant sans cesse les situations il reste pourtant dramatiquement limité en solo. Dommage.
- Bande son12/20
Dans l'ensemble, les compositions musicales s'avèrent bien construites et en parfaites adéquation avec le propos, c'est à dire assez délirantes et enjouées. Leur seul reproche est d'être bien trop absentes. Les voix quant à elles sonnent juste, et s'avèrent assez diversifiées pour satisfaire n'importe quel amateur d'un français un peu pédant ou d'un écossais rude et chantant.
- Scénario/
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Loin d'égaler les versions 2D, Worms 4 parvient tout de même à surpasser ses prédécesseurs en 3D, et s'impose comme l'un des meilleurs représentants du genre sur consoles nouvelles générations. Néanmoins, de nombreux défauts alourdissent ce constat et l'empêche de se hisser sur les plus hautes marches du délire multijoueur du samedi soir. Il plaira sans doute à un public assez large, mais les fans trouveront difficilement leur compte. Un bon jeu, sans plus.