Juiced est un peu comme la mer. Une formule qui peut choquer vue de manière si brute, mais qui met en relief les différents mouvements effectués par ce dernier. Tel le flux et le reflux, le titre de Juice Games n'a cessé d'accoster sur nos plages pour ensuite repartir de plus belle dans les brumes maritimes. Un destin compliqué donc, pour un soft torturé cherchant à se trouver une place dans un créneau de plus en plus envahi, et gangrené par un manque d'imagination flagrant. Le tuning, c'est bien beau, mais c'est un peu comme du jus de pomme. Quand on commence à y tremper les lèvres, on trouve ça frais et rigolo, mais quand on en boit trop, un certain relent se fait sentir, indiquant un manque de place allouée à ce fameux breuvage. Pour résumer ces comparaisons bancales, point trop n'en faut. Est-ce que cela s'applique à Juiced ?
Souhaitant s'introduire subrepticement dans le royaume de Need For Speed Underground 2, le soft de THQ s'avance à petit pas dans un monde pétri d'idées déjà entamées et d'innovations masquées. De ce fait, Juiced pénètre dans cette guerre larvée en brandissant haut et fort le drapeau de son système de respect. Mais quelle est cette arme secrète au nom pas vraiment obscur ? Il s'agit en fait du principe soutenant quasiment tout le titre, pierre angulaire de son caractère unique. Surtout présent dans le vaste mode "carrière", cette petite touche d'originalité vous permet de gérer au mieux votre montée en grade dans le cercle très fermé des pilotes de l'extrême qui parlent avec pleins d'accentuations sur les fins de phrase. Votre baptême du feu s'exécutera dès votre entrée en matière dans votre quête de popularité, par un duel avec T.K vous apprenant les rudiments de votre progression dans le jeu. En premier lieu, il vous est possible de vous faire des alliés plus ou moins fidèles selon l'admiration qu'ils entretiennent pour vous. Evidemment, au début, personne ne vous prend au sérieux, et on vous jette pratiquement des jantes au visage. Néanmoins si vous respectez le code d'honneur des amateurs de vitesse, vous monterez rapidement dans leur estime. A vous donc d'éviter les collisions avec vos concurrents, les courses terminées dans de mauvaises conditions à une place honteuse, et les challenges abandonnés. De même, lorsqu'il vous est donné l'opportunité de parier sur votre victoire prochaine, misez relativement haut afin de ne pas décevoir la personne avec qui vous avez décidé cet arrangement. Si ces conditions sont réunies, il ne vous reste plus qu'à exceller au sein des différentes épreuves qui vous attendent. Quatre types particuliers se dévoilent à vous. Tout d'abord, des circuits demandant un certain nombre de tours avant d'être achevé, se rapprochant des classiques courses présentes dans les jeux à vocation automobile. Ensuite, vous pourrez trouver des sortes d'affrontements essentiellement basés sur une prise de vitesse en ligne droite, nommés "sprints". Dans le même registre, il vous incombera de résister à un duel contre le compteur de vitesse, vous obligeant à demeurer à une vitesse prédéfinie tout au long d'un parcours. Assez pesant et possédant un degré de permissivité étrange, ce type de défi ne fait véritablement pas montre d'un intérêt probant. Pour finir, vous aurez l'immense honneur de disputer des concours de "frime" composés de figures de style à réaliser avec le maximum d'application et surtout en temps limité. De par la simplicité des acrobaties à réaliser et l'aspect prenant de l'enchaînement de plusieurs d'entre elles dans des ballets improvisés, ces challenges demeurent les plus sympathiques, offrant une pause originale aux sempiternels tours de circuits. D'autant que c'est dans ce havre de paix que vous empocherez le plus grand nombre de points de respect, si tant est que vous maîtrisiez votre bolide pétaradant. En effet, chaque manipulation artistique réussie vous octroiera une somme de points assez conséquente, venant se greffer dans l'esprit de vos concurrents.
Effectivement, à chaque fin de journée, car le soft se voit découpé en jours de compétitions, l'ensemble de vos unités de respectabilité se verra distribuer en fonction des affinités de chacun de vos admirateurs. Comme dit en amont, n'espérez pas avoir convaincu un jeune homme en passant votre temps à détruire sa carrosserie au moindre dépassement, ou une jeune fille en ayant fini bon dernier. En revanche, le statut de leader plaira plus certainement à toute votre cour, tout comme une belle voiture charmera l'amateur attitré de tuning. De ce fait, plus vos frasques impressionnantes convainquent vos amis et plus ils vous estimeront. Différents paliers apparaissent d'ailleurs sur leur jauge de respect, vous autorisant par exemple à venir regarder leurs courses, à parier votre voiture avec eux, ou même, permission ultime, d'organiser vos propres championnats chez eux. En effet, s'il vous arrive de croiser des jours sans activité sur votre planning, rien ne vous empêche de monter vous-même un run en modifiant l'ensemble des paramètres, que ce soit au niveau du type d'épreuve, du nombre de tours, et que sais-je encore. Une idée intéressante, qui autorise une certaine liberté dans l'avancée au sein du jeu. Malgré tout, il est regrettable de subir un déséquilibre constant entre les gains et le besoin de customisation. Pour résumer le problème, vous aurez énormément de problèmes à sortir d'un cercle plus que vicieux concernant le manque de crédits dont vous ferez rapidement les frais. Imaginez. Au début, tout se passe excellemment bien. Votre voiture se révèle suffisamment bien mise en avant, puissamment armée contre ses opposants. Pourtant, au fil des compétitions et des réparations, votre coquette somme de départ commence sérieusement à battre de l'aile. Tant est si bien qu'il ne vous restera même plus de quoi vous payer un spoiler en plastique au bout d'un certain temps, et cela malgré vos nombreuses victoires. Car pour gagner, il faut de l'argent. En revanche personne ne nous avait dit que nous ne gagnerions pas assez de fonds pour continuer sur cette voie. Une fois la difficulté rehaussée, vous passerez le plus clair de votre temps à tenter de grappiller quelques deniers que vous perdrez aussitôt dans une réparation pour une modification qui ne vous permettra pas de reprendre votre mise. Le jeu n'en est pas inaccessible pour autant, mais c'est un écueil assez énervant.
Dans le même genre, la conduite se révèle relativement étrange, se voulant un mix habile entre arcade et simulation. Du coup, chaque gabarit de voiture est pris en compte, ainsi que les conditions climatiques variables au gré du soft, mais se voit obligé de partager son espace vital avec une absence de gestion des dégâts pénalisante et des réactions physiques fantasques. On se retrouve donc avec une certaine incertitude quant à la direction que vont prendre nos monstres d'acier en sortie de virages. Une certaine gageure qui se meut en une véritable énigme dans le cas des modèles les plus imposants du soft. Vous me direz qu'il est aisément possible de trouver son bonheur parmi la bonne cinquantaine de véhicules officiels, allant de Peugeot à Ford, en passant par Mitsubishi, et je vous répondrais que oui. Mais c'est surtout cette espèce de flou recouvrant la jouabilité de façon plus ou moins appuyée qui s'avère handicapant. On est quand même loin de la précision d'un NFSU 2, même si je n'aime pas la série. Concernant ce dernier, on peut en revanche signaler qu'il se trouve battu concernant le nombre de possibilités offertes de modeler son véhicule suivant ses envies. Possédant une véritable palette que Paint ne renierait pas, Juiced autorise un nombre de variations assez vertigineux, conférant un statut de pièce unique à chacune de vos créations, dans la limite de la colorisation. En effet, les pièces pouvant être rajoutées sur votre oeuvre personnelle ne s'avèrent pas vraiment diversifiées, ce qui est bien dommage à la vue de ce que laissait entendre les premières manipulations du système de customisation. Une seconde déception émane de la qualité graphique du soft, un peu en retard sur ce qui se fait de nos jours, ce qui n'a rien d'étonnant vu les nombreux reports qu'à subit ce dernier. Bien que les environnements soient convenables et disposent d'un niveau de détail correct, associé à des textures assez jolies, le titre de Juice Games se voit limité dans la modélisation des voitures. Certes lisses et sans traces de polygones massifs, elles demeurent néanmoins un tantinet trop "géométriques" pour faire concurrence aux bolides de la série NFSU. On remarquera quand même un certain effet terne assez présent. Au final donc, Juiced se présente comme une sorte d'intermédiaire entre le moyen SRS et le bien meilleur NFSU. A vous de voir si votre soif de tuning est à ce point inextinguible.
- Graphismes13/20
Pas vraiment abouti graphiquement, Juiced affiche tout de même des décors assez fouillés, détenteurs d'un niveau de détail probant et d'un dégradé bien géré. Néanmoins, le titre de THQ reste un tant soit peu en retrait sur les productions récentes pour espérer convaincre totalement. Pouvant se targuer d'une fluidité sans faille et d'une vitesse d'animation de haute tenue, Juiced rompt cet équilibre en offrant des voitures modélisés simplement. Dommage.
- Jouabilité12/20
Bien que proposant un gameplay souvent innovant et parfois un tantinet un manque de souffle, le soft de Juice Games, parvient tout de même à se faire une place dans le fatras assez indifférencié des jeux de tuning. Pour autant, n'espérez pas obtenir la liberté d'un Midnight Club dans la recherche de challenges. Tout est écrit noir sur blanc sur un planning, certes modulable, mais peu enclin à plonger dans l'ambiance. Le pilotage, quant à lui, ne sait pas vraiment où se placer, et hésite entre arcade et simulation, le conduisant à un cul-de-sac dommageable.
- Durée de vie15/20
Une fois votre mode carrière terminé avec courage, le mode arcade n'attend plus que vous. Possédant des courses thématiques vous obligeant à emprunter une voiture définie, ce dernier va vous permettre de combler votre temps libre de façon utile. En revanche, le mode online se révèle assez surfait, même si le principe des paris est vraiment intéressant en soi. Enfin, il est possible de ridiculiser vos amis lors de parties en Lan jusqu'à six joueurs. Toujours jouissif.
- Bande son13/20
Les divers thèmes présents dans le soft se révèlent en adéquation total avec ce dernier mais peuvent parfois paraître un tantinet limités. Certaines mélodies méritent que l'on s'y attarde tandis que d'autres tournent rapidement en boucle. A noter la présence de Xzibit qui traîne dans le coin. Les effets sonores relatifs aux moteurs sont par contre très décevants, car trop monocordes et ne développant pas assez de puissance pour immerger dans l'ambiance électrique des courses.
- Scénario/
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Peut-être qu'il est arrivé trop tard, peut-être qu'on l'attendait trop. Voici le cruel destin de Juiced, survenant dans des conditions loin d'être optimales, dans une période plus que creuse de l'activité vidéoludique. Il est vraiment dommage pour Juice Games d'avoir bénéficié d'autant de malchance. Leur titre apparaît donc comme une alternative possible à un titre peu convaincant comme SRS, mais ne soutient pas la comparaison avec NFSU 2. Original et offrant de multiples possibilités, le soft de THQ s'en sort finalement sous le couvert d'une honnêteté affichée, mais reste loin des sommets. C'est Jacky qui ne va pas être content.