Même si le dernier volet de la série nous a laissé une impression quelque peu mitigée, force est de reconnaître qu'en matière d'infiltration à la sauce japonaise, Tenchu règne en maître incontesté. Bravant fièrement cet état de fait, Red Ninja nous arrive avec son héroïne rodée dans l'art du sabre et de la séduction pour s'immiscer dans une catégorie finalement assez peu représentée.
L'histoire de Red Ninja : End of Honour prend pour cadre le Japon féodal du 15ème siècle, caractérisé par les guerres de clans et autres épisodes sanglants qui servent de source d'inspiration à bon nombre de développeurs. Moyennant une rapide introduction en images de synthèse, on découvre le destin bouleversant d'une jeune fille nommée Kurenai, qui fut le témoin impuissant du meurtre de son père victime d'une arme assassine appelée Tetsugen. Dès lors, Kurenai choisit de devenir une Kunoichi, ou femme ninja, au service du clan Takeda, et jure de passer maître dans l'art du Tetsugen, une corde en acier capable de trancher violemment les membres d'une personne et même de le couper en deux. On retrouve bien évidemment cette arme ultime dans le jeu, avec même la possibilité de la customiser en greffant différentes "têtes" à son extrémité. Si l'on utilisera le plus souvent la redoutable pointe acérée, il pourra être utile de recourir au crochet pour s'en servir de grappin, ou au "fundo" pour écraser ou pendre ses ennemis. Le Tetsugen constitue d'ailleurs l'un des rares points jouissifs du jeu, au point presque d'en faire un handicap.
A cela, il faut comprendre que dans l'esprit, Red Ninja se veut clairement être un clone de Tenchu, ce qui induit logiquement un fort accent "infiltration". Seulement si l'on dispose effectivement de tout l'attirail du vrai ninja furtif et silencieux, l'efficacité exagérée du Tetsugen rend toute furtivité obsolète, d'autant qu'on résiste difficilement à l'envie de couper ses ennemis en rondelles dans une gerbe de sang plutôt que de les esquiver. Malgré tout, les niveaux de jeu sont construits de sorte à favoriser dans une certaine mesure la liberté d'action, et il n'est guère difficile d'évoluer à l'insu de tous dans la mesure où l'IA des gardes n'est que peu évoluée. La progression étant largement axée sur les acrobaties, les environnements sont systématiquement présentés à la manière de Prince of Persia, histoire de bien nous montrer où l'on doit aller pour boucler le niveau. Pour rendre le jeu plus sympa à jouer, on s'efforce donc de mettre à contribution les talents furtifs de l'héroïne en évitant si possible les confrontations directes. Comme tout bon adepte de l'infiltration, Kurenai peut se glisser sournoisement dans le dos de ses futures victimes pour les égorger dans un déluge de sang à la manière des "stealth kills" de Tenchu. Celles de Red Ninja sont toutefois beaucoup moins impressionnantes, et surtout bien trop peu variées pour nous surprendre.
Bien sûr, il est préférable de déplacer les corps de ses victimes pour les dissimuler, et d'évoluer pas à pas en longeant les murs pour éviter de se faire surprendre. Malgré tout, on ne ressent jamais aucune pression ni aucun stress dans la mesure où on ne risque finalement pas grand-chose en se montrant au grand jour, grâce encore une fois au terrible Tetsugen. Copié sur Tenchu jusqu'au bout des pixels, Red Ninja met à notre disposition un large éventail d'objets et de projectiles plus ou moins utiles, comme des kunai, des bombes de fumée pour faciliter la fuite ou des fléchettes enduites de poison. Plus original, l'héroïne peut user de ses charmes pour distraire un garde. La tentative de séduction se traduit par le simple fait de longer un mur et d'apparaître de façon suggestive de manière à attirer l'attention de l'ennemi avant de placer un "stealth kill" sauvage. L'idée est plutôt bonne, même si tous vos adversaires ne seront pas forcément sensibles à ce genre de piège.
Jusque-là, vous reconnaîtrez que nous sommes restés plutôt gentils avec Red Ninja, mais l'histoire se termine plutôt mal. Le jeu pêche en effet dans tous ce qui concerne, de près ou de loin, le gameplay, la maniabilité ou même la réalisation. Dès le tutorial, on comprend que le maniement de l'héroïne va être un enfer d'imprécision, aussi bien pour les acrobaties que pour tout ce qui a trait aux combats. La faute à une caméra instable qui ne peut s'empêcher de bouger dès que l'on frôle le stick analogique associé aux déplacements. Il faut croire qu'il y a encore des développeurs qui n'ont pas compris que cette fichue caméra automatique nuit considérablement à la précision des sauts et des déplacements parce qu'elle bouge sans arrêt et modifie constamment l'angle de vue. Du coup, toutes les capacités de l'héroïne deviennent un calvaire à exécuter. La course sur les murs est tellement aléatoire qu'on a tôt fait de la rayer de la liste des actions utiles, et même les combats virent au grand n'importe quoi à cause de la caméra chaotique.
Le système de lock est l'un des pires qu'on ait jamais vu, et le schéma d'actions proposées est tellement limité qu'on a l'impression de répéter inlassablement les mêmes mises à mort. La jauge de ninjitsu qui permet d'utiliser les pouvoirs ninja fait plus office de gadget qu'autre chose, et la carte est tellement peu éloquente qu'elle en devient inutile. N'oublions pas non plus la piètre réalisation graphique du jeu, sommaire au possible, et la présence de cut-scenes charcutées à l'extrême et interrompues par des loadings qui surviennent alors que les personnages n'ont même pas fini de parler. Difficile dans ces conditions de suivre une histoire qui de toute façon n'est que prétexte à traverser des stages qui ont d'ailleurs le mauvais goût de se limiter à six. Il ne reste au final pas grand-chose pour relever le niveau et nous convaincre de l'intérêt de finir l'aventure alors qu'on ne retire aucun plaisir de jeu. Ce Red Ninja ne nous fera de toute façon certainement pas oublier Tenchu qui demeure autrement plus intéressant dans le domaine de l'infiltration à la japonaise.
- Graphismes11/20
On se croirait revenu au tout début de l'ère 128 bits tellement les graphismes paraissent vides et aliasés. Les animations font pitié et les actions de l'héroïne manquent terriblement de fluidité.
- Jouabilité8/20
Ce n'est pas que le gameplay soit mal pensé, mais la jouabilité est tellement chaotique que la maniabilité en devient totalement imprécise. La faute à une gestion des caméras houleuse qui vous donnera le mal de mer à chaque fois que vous frôlerez le stick de déplacement.
- Durée de vie9/20
Même si les stages sont relativement longs, ils sont trop peu nombreux pour assurer un contenu solide. De plus, ces six niveaux peinent à se renouveler et ne procurent aucun véritable challenge.
- Bande son10/20
L'ambiance sonore est suffisamment discrète pour favoriser une atmosphère tendue et sournoise, mais le doublage anglais n'a vraiment rien à faire dans un titre autant ancré dans l'histoire du Japon.
- Scénario11/20
Difficile de s'intéresser à la trame scénaristique alors que les cut-scenes sont régulièrement interrompues par des loadings intempestifs qui hachent complètement le déroulement de l'histoire. De plus, les voix et textes en anglais ne favorisent pas l'immersion dans ce titre purement japonais.
Inspiré clairement de la série Tenchu, Red Ninja ne parvient ni à égaler son modèle ni même à lui ressembler. Chaotique et laborieux, le gameplay souffre d'énormes lacunes qui sabotent autant le côté action que le côté infiltration. Il ne reste d'ailleurs pas grand-chose pour sauver les meubles et empêcher Red Ninja de sombrer dans l'oubli.