Ceci est l'histoire d'un petit rebelle, levant haut et fort le bouclier du tour par tour dans le monde acharné du RTS placé en tant que nouvelle image du jeu de stratégie. Domination, bien qu'abordant en nom digne d'un FPS sanguinolent, se veut le vecteur d'un genre en légère désuétude depuis la grande époque de Total Annihilation. Amenant une réflexion tactique précise et éminemment prudente, le modèle du tour par tour porte en lui les germes d'un danger grandissant. Une seule erreur de jugement, un seul manquement en amont, conduiront vos troupes à une mort certaine. On calcule ici dans une vision à long terme, à la manière d'un jeu d'échec pourtant séculaire. Les classiques ne se révisent jamais assez. Relisez Sun Tzu et pensez au "coup du berger".
Le légendaire stratège, aussi doué soit-il, aurait-il pu se décider intelligemment parmi l'ensemble des modes proposés par Domination ? En effet, en ce qui concerne simplement la partie solo on ne relève pas moins de six choix différents, offrant chacun des objectifs et une approche particulière. Tout d'abord, le classique Entraînement, véritablement didactique et offrant une maîtrise des schémas de jeu en très peu de temps d'une façon optimale. Rarement un tutorial n'avait été aussi limpide et adapté aux débutants comme à ceux voulant découvrir les nouveautés proposées par ce stand-alone convaincant de Massive Assault. Suit alors le mode Scénario, offrant la possibilité de de prendre part à des situations de conflit introduites par une petite séquence narrative. Puis, si le manque d'histoire générale pèse sur vos épaules de jeune soldat épris d'aventure, il apparaît évident que vous vous dirigerez vers le mode Campagne, mettant en scène une longue et meurtrière guerre entre deux contrées aux aspirations opposées. Le choix de votre camp déterminera de ce fait l'issue finale du conflit et la manière de mener à bien vos prérogatives. Ensuite, la Carrière s'apparente à une simulation de montée en grade, dans laquelle il vous incombera de défaire nombre de généraux sans subir des impératifs quelconques. Effectivement, vous êtes tout bonnement seul face à un autre homme décidé à empêcher votre ascension. Aucune trame ne viendra justifier vos actes, et il sera d'ailleurs peut-être difficile à certains d'accepter ce choix, conférant une certaine répétitivité dans cette volonté de puissance incarnée. Dans cette même lancée, vous pourrez dénicher le mode Assaut, vous proposant de vous mesurer à des places fortes bien placées, véritables monceaux de résistance, dans lesquels il vous incombera de trouver une faille. Pour finir, la Guerre Mondiale, sorte de Deathmatch nommé pompeusement, vous place face à diverses coalitions qu'il vous faut vaincre à tout prix. C'est à cette occasion qu'apparaît le principe passionnant des Alliés Secrets, repris bien évidemment dans la Campagne principale.
En résumé, ce concept est basé sur un dévoilement retardé des alliances respectives. En fait, au début de votre tour, certaines nations se voient agrémentées d'un drapeau en berne, tandis que d'autres n'affichent aucun signe extérieur d'appartenance. Dès votre entrée en matière, il est obligatoire de révéler l'un de vos compagnons de pugilat secrets. Une précipitation un tantinet décevante, tant on aurait aimé ne sortir ses cartes maîtresses qu'en fin de partie, lorsque tout espoir semble évanoui. Néanmoins, alors que l'on pourrait crier à la trahison, on remarque bien vite que l'aspect stratégique n'est pas laissé de côté, loin de là. En effet lors du choix de votre partenaire combatif, souvent compris entre deux ou trois provinces, il est impératif de bien tenir compte du contexte environnemental et de la promiscuité de certaines nations "neutres". Ce statut n'est que passager, et il peut rapidement vous arriver de ressentir une surprise âpre, quand vous remarquez que votre voisin est un allié caché à la solde de vos opposants. Une situation handicapante, d'autant plus si ce dernier s'avère être un état puissant. Car dans Domination, la force militaire se calcule en dollars. Un peu comme dans la réalité à bien y réfléchir. Le système se révèle d'une simplicité enfantine : chaque capitale dans laquelle vous placez une de vos unités vous verse une somme définie aléatoirement. Certaines vous rapportent 2 dollars par tour, tandis que d'autres peuvent aller jusqu'à 8, ce qui est énorme à l'échelle du jeu. Plus un gouvernement a de valeur et plus il est considéré comme important tactiquement parlant. Effectivement, devant vous munir d'unités fraîches à intervalles très régulier, l'argent reste votre seul moyen de vous les procurer. Comptez environ deux dollars pour un tank et jusqu'à 4 pour un robot d'assaut, voire 6 pour un lance-missiles mobile. A vous ensuite de définir votre politique. Soit vous achetez un véhicule à chaque tour, soit vous économisez pour vous en offrir un imposant au bout de deux ou trois phases de jeu. D'où la grande utilité de contrôler une capitale ennemie, et la recherche d'éradication totale des formations antagonistes. En effet, vous ne pourrez diriger une province que si son centre est entre vos mains griffues, et à la condition que ses forces armées soient anéanties. L'action prend donc le pas sur la collecte de ressources et la mise ne place de constructions, afin de sublimer la tactique pure.
Très intéressant, ce système comporte de plus de nombreuses subtilités, incluant la possibilité de faire appel à une guerrilla afin de défendre une zone prête à tomber, ou encore d'annexer plusieurs zones neutres, augmentant ainsi ses chances d'obtenir un capital conséquent. De nombreuses et complexes stratégies devront donc être mises en place dans le but de résister à des unités dirigées par une I.A éclairée et agressive, qui vous donnera parfois du fil à retordre. Néanmoins, on peut regretter le relatif manque d'imagination ressortant de la progression dans les modes scénarisés, se résumant la plupart du temps à l'attaque directe d'une base ennemie, où à la défense de la sienne. Où sont les convois à protéger, les unités à aller secourir, les retournements de situation ? Rien de tout cela. Pourtant si la carence historique s'était arrêté là, l'attention se serait relâchée au bout de quelques temps, laissant le contexte et le gameplay prendre le dessus. Mais c'était sans compter les dialogues insipides et ridicules peuplant des situations parfois peu crédibles. Dans un univers empli de manichéisme forcené, la seul exultation provient de la passion que dégagent les affrontements. Un palliatif de choix, certes, mais un peu léger à la vue du manque d'implication. Fort heureusement, la qualité graphique de l'ensemble s'est vue largement rehaussée depuis Massive Assault, et l'on navigue avec joie dans des décors aux textures détaillées et aux effets "spéciaux" convaincants. Entre les reflets aquatiques de chaque élément présent sur le terrain et au-delà (la lune, le soleil), et les explosions pétries de ralentis esthétiques mettant en valeur un acte héroïque, on prend un réel plaisir à manier la caméra dans tous les sens, quitte à opérer une focalisation donnant l'impression de participer pleinement au pugilat. Associés à cette représentation plus qu'honnête, les thèmes musicaux opèrent efficacement en tant que déclencheur de sentiments épiques, berçant agréablement vos prises de pouvoirs légèrement arbitraires. Justifier le putsch par la défense est toujours une excuse qui passe pour légitime. Du coup, Domination se place dans la droite lignée de Massive Assault. Un tant soit peu plus réussi par l'ajout de notions de gameplay intéressantes, il souffre néanmoins des mêmes défauts, à savoir une trop grande répétition des situations, et une mauvaise exploitation des points forts des unités. Ce qui n'entache en rien sa prise en main fantatique de facilité, cachant pourtant des notions tactiques profondes.
- Graphismes15/20
Les divers effets présents sur le terrain associés au rendu convaincant des explosions et des tirs divers et variés favorisent un intérêt immédiat à l'aspect graphique général. On s'aperçoit alors que la majorité des véhicules disposent d'un design correct faisant penser à une évolution de nos outils de destruction actuels, arborant une modélisation honnête, sans atteindre le niveau des RTS les plus récents. Néanmoins, le tout demeure réussi, permettant un niveau de zoom probant, favorisant l'immersion.
- Jouabilité14/20
Même s'il retire un peu de liberté par l'affichage de cercles jaunes définissant les endroits ou peuvent se placer vos unités, le gameplay est un exemple de mélange entre accessibilité et complexité. La prise en main en elle-même se révèle éminemment simple, mais les stratégies à mettre en place se doivent d'être quasi parfaite pour espérer progresser sans trop de heurts. Un éventail intéressant donc, mais qui ne parvient pas à masquer la vacuité des objectifs à remplir.
- Durée de vie15/20
Malgré la faiblesse de ses scénarii et le peu d'objectifs différents à remplir au sein des missions qu'il nous propose, Domination contient tout de même un nombre assez conséquent de cartes et de tâches à accomplir. Mais si la solitude vous gagne, rien ne vous empêche de participer activement à des guerres via les modes multi présent en ces lieux. Vous offrant une somme de maps assez ahurissante, les différents serveurs seront à n'en pas douter vos nouveaux lieux de perdition.
- Bande son14/20
Les thèmes musicaux, sans être dignes de productions cinématographiques, s'avèrent tout de même bien incrustés dans le titre, amenant ce petit côté épique essentiel à l'immersion dans un monde en proie à des guerres intestines. Les effets sonores, quant à eux, se révèlent assez discrets, ne mettant pas vraiment en valeur les explosions et autres symboles d'agressions.
- Scénario9/20
Des gentils et des méchants qui veulent s'emparer de territoires. Et en plus, comme ils ne s'aiment pas de par leur statut respectif, il se font la guerre. Un univers très manichéen et relativement mal mis en scène, malgré quelques trahisons "surprises".
Suivant fidèlement son compatriote et néanmoins ami Massive Assault, le titre de Wargaming apporte quelques modifications intéressantes tout en reprenant les défauts de son inspirateur. Dépositaire d'un gameplay accrocheur et profond, il se laisse quelque peu emporter par des lacunes scénaristiques et un manque réel de renouvellement. Toutefois, immersif de par ses fondements ludique et son aspect graphique convaincant, il se place comme un outsider à ne pas mettre de côté. Le tour par tour n'est pas mort.