Dans le vaste monde du RPG, il est aisé de distinguer deux grands types, représentatifs d'une culture particulière et d'un parti-pris graphique spécifique, réunis sous les bannières de l'Occident et du Japon. Bien plus axées sur les contes et légendes nordiques voire celtiques, tout autant que sur une représentation teintée d'un aspect héroic-fantasy "réaliste", les oeuvres américaines et européennes se sont toujours détachées des univers issus de l'imagination fertile de japonais éminemment novateurs. Ce constat n'est pas du tout péjoratif, je préfère le préciser. C'est donc avec curiosité que l'on se lance dans l'aventure de Sudeki, premier jeu de rôle occidental lorgnant clairement vers un Orient tout aussi proche qu'éloigné. Prévu depuis des années, et souvent remanié, le titre de Climax laisse enfin parler la magie.
Dès les premiers pas hésitants dans le monde coloré de Sudeki, le joueur adepte de RPG de tout type et de toutes formes, se voit immédiatement happé par l'ambiance onirique s'exhalant des environnements fantastiques sertissant le titre. Chamarrés, emplis de détails et porteurs d'une originalité graphique véritablement intéressante, ces derniers vous font pénétrer dans un univers ne ressemblant à aucun autre. Subtil mélange entre des ambiances à la Jade Empire, pétries d'une apparence générale rappelant Fable, et liées à des architectures et des agencements de décors typiques de RPG nippons, le jeu estampillé Climax promet un voyage vaporeux et fascinant au sein de contrées toutes plus surprenantes les unes que les autres. C'est d'ailleurs en parcourant ces dernières que vous pourrez admirer le travail plus que notable des développeurs concernant la "vie" implémentée dans les divers tableaux parsemant le soft. En effet, au gré de vos pérégrinations bucoliques, il vous arrivera souvent d'apercevoir des feuilles s'envoler lestement de leurs hôtes, suivant la volonté d'une brise légère, des papillons voleter gaiement autour de fleurs lumineuses, ou encore des abeilles investir leur ruche avec l'esprit grégaire qui les caractérise. On descend alors la pente vers l'immersion avec un plaisir non feint, se sentant clairement pris par ces détails, qui pourtant donnent une cohérence au titre. Malheureusement, sous cette apparente réussite se dissimulent également les racines d'écueils plus ou moins regrettables. Tout d'abord, et malgré l'admiration que l'on subit en contemplant les différents plans extérieurs, on en peut s'empêcher de regretter amèrement l'aspect des personnages, d'une part peu charismatiques, et d'autre part bien trop anguleux pour convaincre. Effectivement, la tentative de se fondre dans les influences manga propres à nombre de productions issues du pays du soleil levant s'avère un tant soit peu maladroite. Non pas par rapport au chara-design en lui-même, relativement convaincant lorsque l'on parcourt les artworks, mais dans la manière dont il a été mis au service du jeu. Pourquoi ne pas avoir choisi une représentation utilisant le cel shading, ou bien le rendu "estompé" d'un Jade Empire par exemple. Le fait d'avoir employé une 3D classique et peu propice à l'affichage de dégradés, tout en mettant en exergue des lignes déjà un peu trop mises au jour, conduit à la vision d'intervenants aux traits bien trop tirés, et au visage inexpressif. On ne ressent de ce fait aucun attachement véritable à ces être insensibles, qui même s'ils démontrent des diversités émotionnelles par leurs gestes et leurs paroles, demeurent figé dans une raideur inquiétante.
En revanche, s'il est un aspect sur lequel il est bon de s'attarder afin de ne pas se placer en tant qu'homme de mauvaise foi, c'est bien l'animation. Cette dernière souple et éminemment bien décomposée, souligne avec brio les pirouettes et les attaques de Tal accompagné de ses amis d'infortune. Effectivement, les coups portés par les deux guerriers sauvage de l'équipe, à savoir le sus-nommé Tal et la tigresse en combinaison très moulante Buki bénéficient de chorégraphies dynamiques, dignes de figurer dans certains films de sabres japonais ou chinois. De plus, durant les phases scénarisées, les diverses attitudes représentant l'état d'esprit de l'ensemble de votre troupe et de leurs interlocuteurs se révèlent crédibles et surtout en parfait accord avec le caractère profond de chacun. De ce fait, et contrairement à un certain nombre de A-RPG récents, on prend un réel plaisir au centre des affrontements, enchaînant des assauts dans un ballet combatif prenant. Cependant ce ne serait qu'injustice de s'arrêter à cette description des combats. En fait, si, comme explicité précédemment, vous avez la possibilité de vous déchaîner lestement à grands renforts d'épées et de griffes, en vous basant sur un système de combinaisons astucieux axé sur une maîtrise parfaite d'un timing digne d'un Street Fighter 2, il vous est également octroyé le droit d'appréhender des phases de FPS. Pour ceux qui sont encore sous le choc, je leur laisse le temps de faire le lien entre jeu de tir et RPG en présentant les deux intervenants capables de ce tour de force. Nommés Ailish et Elco, ces derniers s'avèrent respectivement être la princesse d'Illumina et le scientifique de génie local. Apportant une immense touche d'innovation, ce duo de tireurs d'élite emploie des armes portant des coups à distance. De ce fait, la vision générale bascule dans un point de vue à la première personne vous permettant de placer vos jets de lasers ou de substances magiques avec une précision maximale. On se retrouve du coup face à un renouvellement notable du dynamisme et à une participation, empreinte de plaisir, aux nombreux pugilats que contient la quête principale. Néanmoins, il demeure une certaine raideur qui nuit assez souvent à une esquive nette des assauts ennemis.
Autre fonctionnement étrange, celui des coups spéciaux. Effectivement au lieu de simplement presser une touche nécessaire à leur déclenchement, il vous incombera de passer par le biais d'un "menu rapide", contenant l'ensemble de vos techniques de combat. Cette manoeuvre a pour effet de ralentir le déroulement de l'action, le temps pour vous de choisir quel mouvement spécial effectuer. Même si le tout reste intuitif grâce à la clarté des menus en cause, cette façon de procéder est un tantinet handicapante, tranchant nettement dans la fureur du pugilat, et n'autorisant pas de grandes tergiversations. En effet, l'écoulement des évènements est ralenti, mais cela n'empêche pas vos opposants de se jeter sur vous avec un plaisir sadique. On a vraiment l'impression d'assister à un manque d'aboutissement, soulignant un défaut dans le gameplay. Cela aurait peut être été plus simple d'implémenter une sorte de système à la Secret Of Mana en temps réel. Toutefois, ne vous inquiétez pas, votre santé ne sera jamais mise en danger par ce concept assez étrange, il faut l'avouer. Mais ce que l'on peut reprocher le plus au titre, c'est son principe de progression général. Effectivement, porté par une carte affichant votre destination la plus proche en rapport avec votre quête, et cantonné à un couloir plus ou moins étroit, vous pouvez célébrer les adieux de l'exploration. Les seuls havres vous permettant ce luxe s'avèrent être les différentes villes émaillant le jeu, souvent étendues et dissimulant quelques passages "secrets". Il est de fait dommage de tomber dans une succession d'aller-retours pesants et dans un sentiment de linéarité, pas omniprésent, mais notable, malgré la présence de quêtes annexes sortant du lot quotidien. D'autre part, le scénario, peu original, se révèle découpé de manière un peu trop arbitraire, restant en retrait du soft, même si la personnalité des différents héros et héroïnes reste attachante. La raison principale poussant à s'immerger dans cette histoire de démon malfaisant demeure justement le côté "fantasy" découlant de l'atmosphère générale. Un voyage dans un univers féerique semblable à certains contes pour enfant se pare toujours d'un certain lien émotionnel. Impression rehaussée par la présentation originale du soft, mettant en scène des marionnettes en ombres chinoises.
Au final donc, et malgré ces défauts "de jeunesse" pourrait-on dire, Sudeki aurait pu briguer une place de choix sur nos PC européens bien malheureux en ce qui concerne le RPG japonais. Seulement, et comme il est coutume avec les adaptations de jeux destinés aux consoles de salon, on se retrouve devant des interfaces buggées, des problèmes de configuration, et surtout une perte de qualité globale. De plus, il vous incombera de posséder une machine performante, le titre se révélant assez gourmand en ressource. Original, relativement beau, et immersif, le soft de Climax souffre donc de ces défauts techniques ainsi que d'une durée de vie vraiment courte, se situant aux alentours de la dizaine d'heures, ce qui ne laisse pas beaucoup de temps à la maturation du scénario. Dommage. Une entrée en matière du RPG agréable, malmenée par un portage maladroit.
- Graphismes15/20
Offrant parfois des panaromas superbes et des architectures fascinantes, Sudeki se vit comme un conte. Mettant en exergue son aspect féérique et son chara-desing manga, peu mis en valeur, le titre qui nous intéresse possède une originalité rare dans le domaine de l'héroic-fantasy. Néanmoins, la présence de bugs et la modélisation perfectible des personnages ne permet à cette approche différente du RPG de se placer au-dessus de la concurrence. Les effets spéciaux, restent impressionnants et vecteurs de jeux de lumière convaincants. De même, les animations demeurent plus que correctes.
- Jouabilité14/20
Proposant des pugilats vous permettant d'engager jusqu'à quatre personnages, Sudeki met clairement en avant le côté spectaculaire des coups portés. Variant les styles, en passant du corps-à-corps inspiré des jeux de baston, au tir à distance venant en ligne droite du FPS, le titre de Climax propose une approche originale et dynamique des combats. Le plaisir ludique se renouvelle à chaque occurrence et l'on se surprend même à chercher la confrontation. Néanmoins, le système permettant de déclencher les coups spéciaux, assez laborieux, éloignera sûrement un grand nombre de personnes.
- Durée de vie11/20
Seulement dix heures de jeu à l'horizon et pas un seul bonus pour cette version PC, voici un constat qui handicape fortement le pauvre Sudeki. Appartenant au genre des A-RPG, certes peu réputés pour l'étendue de leur trame, ce dernier fait tout de même pâle figure face aux trente heures minimum de Kingdom Hearts sur PS2, ou encore aux 25 heures de Sword Of Mana sur GBA. On aurait aimé passer plus de temps dans l'univers onirique de Sudeki, mais la réalité nous rattrape au galop.
- Bande son12/20
Les compositions musicales présentes dans le jeu, même si elles ne sont pas d'une qualité mélodique stupéfiante, suffisent à nous immerger dans l'ambiance générale et s'avèrent assez variées pour ne pas lasser. Les voix des protagonistes, soit dépendant de doubleurs connus, soit d'illustres inconnus, subissent de fait un déséquilibre notable. Il est vraiment étrange de passer aussi rapidement de l'acteur impliqué à celui très extérieur.
- Scénario11/20
Des démons, des enfants divins, des élus, des gens qui veulent nuire au monde entier, la trame de Sudeki n'est pas des plus originales qui soit. Si le postulat de départ, à savoir une victoire déjà acquise du Mal, est intéressant, le développement du scénario est un peu trop convenu pour surprendre. Reste la psychologie des divers personnages, crédible et parfois sujette à des discussions amusantes. Enfin, le choix des réponses multiples n'est vraiment pas mis en valeur.
S'il avait créé la surprise sur Xbox, Sudeki ne fait pas du tout le même effet sur PC. Subissant les heurts d'un portage bâclé, il ne parvient pas à convaincre. Pourtant, auréolé de son originalité, de son gameplay intéressant et de sa réalisation très convenable, il avait toutes les cartes en main pour se faire une place dans un domaine où le RPG typé japonais se fait plus que rare. Malheureusement, sa durée de vie et sa linéarité auront eu raison de lui. En revanche, il pourra faire une bonne entrée en matière du A-RPG, à petit prix.