Quand on ne sait pas quoi faire de deux séries tombées un peu en désuétude, ou quand on choisit de mettre en relation les personnages les plus emblématiques de plusieurs sagas afin de permettre aux joueurs d'exulter sans se rendre compte qu'ils se sont fait diriger astucieusement, on se sert du très pratique cross-over. Certains s'avèrent alléchants, comme Namco X Capcom, tandis que d'autre sentent amoureusement la naphtaline, comme un certain Capcom Fighting Jam de triste mémoire. C'est dans ce monde de désirs et d'espoirs déçus que survient SVC Chaos dans une belle robe d'été. On se dit que c'est toujours mieux qu'un Derrick Vs Le Renard : Letzter Abbruch (je vous laisse le loisir de la traduction), et on pense avoir raison. En un sens oui, et d'un autre côté pas vraiment.
Servi comme d'habitude chez SNK, voire Capcom dans une moindre mesure, par une introduction insipide et mal réalisée, on pénètre dans ce titre avec une poignée de doutes que l'on espère pouvoir relâcher à la vision de notre premier pugilat. Néanmoins, et avant de se lancer dans l'affrontement proprement dit, il est nécessaire de passer en revue les modes de jeu présents. Tout d'abord, et de manière fort classique, s'offrent à vous les célèbres choix "Arcade", "Entraînement", "Versus", ou encore "Survie". Un menu pas très gourmand donc, qui laisse une nouvelle fois sur sa faim, ce qui commence à devenir férocement louche pour un début. Le premier de cette liste, s'apparentant quelque peu à une trame scénaristique, vous propose de suivre la trajectoire combative du héros de votre choix au travers d'une dizaine de stages thématisés. Mettant en exergue les tensions entre les divers protagonistes, cette progression vers un boss assez risible se trouve toutefois émaillée par de sympathiques dialogues apparaissant à chaque rencontre. Différents pour chaque couples de héros forcément antagonistes, ils sont la preuve d'un effort réel des développeurs pour tenter de donner un tant soit peu de profondeur aux êtres, certes charismatiques, mais un peu vides de SVC. On entrevoit donc certaines raisons de toute cette combativité, et même si les injonctions ne vont souvent pas plus loin qu'un "Tu vas périr car tu es faible", ou un "Recule et crains ma puissance", l'idée est intéressante et empêche le simple enchaînement de duels à la Tekken par exemple. Le second, quant à lui, vous donnera accès à un essai libre de vos capacités afin d'être plus efficient sur le champ de bataille, et je ne crois pas avoir besoin de vous expliquer les dessous du mode "Versus".En revanche, le dernier du groupe ci-dessus, outre son système de cheminement original basé sur une récupération de votre capital de santé en fonction de la manière dont vous avez achevé votre opposant, donne accès à certains individus secrets justifiant à eux-mêmes le temps passé et les crises de nerfs à répétition. En effet, c'est en ces lieux que vous pourrez débloquer Red Arremer et Athena de Gargoyles' Quest, relativement puissants et assez agréables à prendre en main. Un clin d'oeil amusant qui va de paire avec la diversité éclectique des personnages à vos ordres.
En fait, et en passant sur les classiques du genre qui commencent à accuser le poids des ans, comme Ryu, son homologue Ken, Kim, ou encore Terry Bogard, vous pourrez dénicher des outsiders plus que digne d'intérêt, en commençant par Violent Ken (version "dark" du vaillant blondinet). Rapide, surprenant et surtout terriblement puissant, ce dernier mêle des feintes autorisant des contre-attaques meurtrières à une classe évidente. Une surprise de choix en résumé. Dans les parages, il vous sera également possible de tomber sur la présence enthousiasmante de l'excentrique Tessa, de la superbe Shiki ou encore du magnifique Genjyuro tout droit sorti de la série Samurai Shodown. On se trouve de ce fait devant un panel très complet de guerriers, arborant des styles de combats parfois totalement dissemblables et permettant dans la logique de varier les expériences pugilistiques de manière intelligente, malgré le fait que certains participants se voient nettement mis en avant par rapport à d'autres. En effet, les détenteurs de la capacité de projeter des salves d'énergie possèdent un avantage conséquent sur les pauvres adeptes de la force physique pure, réduits à supporter un flux quasiment constant de boules de feu, vagues électriques, et autres pouvoirs défiant la nature. Un écueil que l'on supporte depuis de trop nombreuses années pour ne pas en tenir rigueur à cette compilation. Néanmoins, et dans un souci d'équité, l'ensemble des intervenants se voit assujetti à un seul et même système de combat, d'ailleurs très bien pensé dans le fond. Reposant sur la gestion d'une barre de puissance augmentant au gré des coups donnés, ce dernier met tout de même en place d'importantes subtilités.
En premier lieu, la jauge évoquée ci-dessus se trouve scindée en trois niveaux, chacun étant atteint par le remplissage de celui qui lui est inférieur. Plus simplement si votre compteur est au niveau 1, une fois que celui-ci sera emplit par vos actions offensives, il passera au niveau 2 (sachant que vous pourrez déclencher des super attaques à partir du premier stade, ce qui aura pour effet de vider vos réserves). Et cela jusqu'à atteindre l'étage nommé "Max". Une fois celui-ci enclenché, il se désemplira progressivement jusqu'à revenir au niveau 2. C'est à ce moment précis qu'il vous faudra profiter d'une trouvaille très prenante, à savoir que durant la baisse de votre jauge il vous sera possible d'enchaîner plusieurs assauts spéciaux à la suite, jusqu'à épuisement de cette dernière. Une étape cruciale si vous espérez secrètement vous défaire d'opposants un peu trop résistants. Dans le même ordre d'idées, SVC supporte l'apparition d'un principe appelé "Dépasse". Sous ce pseudonyme barbare se cache en fait une sorte de furie finale, qui n'aura la possibilité d'être déclenchée que s'il ne vous reste que la moitié, ou moins de votre santé totale. Retirant un peu plus de la moitié des points de vie de votre antagoniste, mais utilisable une seule fois par match, il vous incombera de bien choisir votre moment pour vous en servir. Mais comme il faut bien parfois se défendre, un système de contre et de protection fait également son arrivée. Connues sous le nom d'"attaque d'annulation de garde", alias le pouvoir de dévier un coup puis de frapper dans la continuité, ou encore de "pas en avant d'annulation de garde", autorisant une protection dans le coeur d'un assaut, ces manipulations dépendent entièrement d'une jauge d'annulation de garde qui tombera à zéro si vous ne faites pas attention, vous laissant sans possibilité de défense. L'instauration d'une certaine stratégie s'avère donc indispensable pour ne pas sombrer dans une défaite honteuse. Pourtant, malgré la présence de toutes ces innovations, on ne peut s'empêcher de rester dubitatif devant le manque de rythme et de dynamisme du soft. Les combats ne sont ponctués d'aucune attaques réellement impressionnantes, ni d'effets graphiques mettant en exergue les contres, les bris de garde, ou bien tout simplement les victoires. On a vraiment l'impression de se trouver devant un soufflé s'affaissant sur lui-même à chaque combat. Une tension, la promesse d'un gameplay agréable, des héros charismatiques et là, "pof". On ne rentre pas du tout au sein des duels, et l'absence d'un habillage correct, à la Guilty Gear par exemple, multipliant les figures de styles visuelles, nuit grandement au plaisir pris.
Mais comme il nous restait encore une once d'espoir à la vue de l'aspect convaincant des sprites nettement moins pixélisés que dans Capcom Fighting Jam et dotés d'un aspect autrement plus agressif, SVC se décide à jouer son dernier atout, à savoir un mélange terrifiant entre un environnement musical catastrophique et une absence de décors dédiés. Effectivement, que ce soit au niveau des compositions musicales rappelant les compilations "Synthétiseur" dotées d'une portée mélodique encore moindre, jusqu'à en arriver à une cacophonie insupportable dans le terrain de jeu "Heaven", ou encore des voix manquant sérieusement de prestance et surtout de puissance, on ne peut pas dire que le département "son" ait souhaité rendre hommage aux séries emblématiques de SNK et de Capcom. Concernant les arrières-plans, aucun d'entre eux ne fait référence à l'un ou l'autre des univers inhérents aux sagas précités, et se contentent de mettre en place des "tableaux" comportant des animations minimalistes et très discrètes, couplées à une réalisation graphique peu probante, évoquant parfois un émulateur à la résolution mal réglée. Un manque de sérieux et de "fun" tout simplement qui tranche nettement avec ce que l'on attendait de ce cross-over vu par les équipes de SNK. Il ne nous reste donc plus qu'à attendre l'adaptation de Last Blade 1 et 2 pour retrouver sous un beau jour ce studio cher à nos coeurs.
- Graphismes12/20
Alors que les personnages, vecteur d'un design retravaillé (du moins pour Ryu et ses amis du côté Capcom) s'intègrent vraiment bien au sein des divers décors et s'avèrent travaillés avec soin, perdant le côté pixélisé qu'ils arboraient dans Fighting Jam, on ne peut pas dire en dire autant des environnements, dépouillés et sans aucune animations dignes d'intérêt. L'absence de vie se révèle à la longue troublante, et on en vient même à souhaiter une apparition furtive de Zangief derrière un arbre dans le stage se déroulant dans une forêt.
- Jouabilité14/20
Mettant en scène un système de combat intéressant et possédant des subtilités intelligentes, SVC possède une assise imposante de ce côté-là. Parvenant à apporter des innovations dans un genre qui commence un tant soit peu à se scléroser, le titre de SNK étonne et convainc de ce côté-là. Pourtant on ne peut s'empêcher de regretter la propension de certains adversaires à utiliser des projectiles de toute sorte, et surtout la difficulté très mal dosée, exposant des tyrans pratiquement imbattables, comme Mr Karaté ou encore Goenitz.
- Durée de vie11/20
Devant le peu de modes présents et leur relatif classicisme, vous ne passerez pas de longues heures à frapper des gens qui ne vous ont rien fait. Reste qu'il vous faudra du courage pour parvenir à débloquer les deux personnages du mode "Survie". Malheureusement, l'absence de mode online, et de toutes les fonctionnalités intéressantes de la version Xbox nuit grandement à une durée de vie déja peu étendue dans ce type de jeu.
- Bande son5/20
Entre les compositions musicales soporifiques rendant un vibrant hommage au célèbre synthétiseur des années 80 et les voix des personnages nettement effacées, la bande sonore du titre de SNK reste bien en deçà de ce que l'on pouvait attendre de cette réponse à Capcom. Un écueil dommageable qui nuit énormément au soft.
- Scénario/
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Cruelle désillusion que ce SVC Chaos qui semblait pourtant tant prometteur. Possédant un système de combat très intéressant, des personnages de bonne qualité et inclus dans un choix hétérogène, imposant et véritablement sympathique, le titre de SNK commet un énorme faux pas en laissant de côté tout l'aspect spectaculaire et surtout les références aux séries qu'il met en scène. Assez mou, peu équilibré, et possédant une réalisation en dents de scie, il apparaît comme une bien mauvaise surprise de la part d'un studio pourtant synonyme de qualité. Un shoryuken dans la soupe.